Depuis plus d’une décennie, notre pays traverse une crise sécuritaire sans précédent dont les moteurs dynamiques sont principalement l’émergence des mouvements islamistes radicaux devenus très actifs et des conflits et tensions inter- et intra-communautaires dans le Nord et le Centre du pays. En plus d’avoir occasionné des milliers de blessés et de pertes en vies humaines, des centaines de milliers de déplacés et d’énormes dégâts économiques, cette crise a perturbé la cohésion sociale dans le pays. Les résultats de la dernière enquête Afrobarometer, réalisée en 2022, montrent que malgré ce contexte d’insécurité qui perdure dans le pays, les Maliens expriment un fort attachement à leur identité nationale plutôt qu’à leur appartenance ethnique et ressentent des liens forts avec leurs concitoyens.
Le Mali étant un peuple composite, la stigmatisation et les violences que subissent les membres de certaines communautés à cause de leur présence disproportionnée parmi les groupes djihadistes armés suscite de vifs débats. Dans ce contexte, comment les Maliens ordinaires perçoivent-ils leur relation avec leurs concitoyens ? Les résultats de la dernière enquête Afrobarometer, réalisée en 2022, montrent que malgré ce contexte d’insécurité qui perdure dans le pays, les Maliens expriment un fort attachement à leur identité nationale plutôt qu’à leur appartenance ethnique et ressentent des liens forts avec leurs concitoyens. Plus des trois quarts des répondants déclarent que les membres de leur groupe ethnique ne sont jamais injustement traités par le gouvernement à cause de leur ethnie, bien qu’un nombre signifiant de citoyens disent que ce genre de discrimination advient couramment.
La confiance interpersonnelle est fortement répandue parmi les Maliens, qui aimeraient ou seraient indifférents à l’union avec un partenaire d’une autre ethnie. La grande majorité des Maliens accepteraient l’idée d’avoir comme voisins des personnes de religion ou d’ethnie différente, des immigrés ou travailleurs étrangers ou des supporteurs d’un autre parti politique. Par contre, avoir des personnes homosexuelles comme voisins semblent ne pas les plaire. Aussi, on retient de ces résultats que la confiance aux autres groupes sociaux est restée majoritaire parmi les Maliens quel que soit le groupe social.
Les Maliens sont fortement attachés à leur identité nationale : Seulement 14% tiennent à leur groupe ethnique plus qu’à leur identité nationale. Près de huit Maliens sur 10 (78%) disent que les membres des groupes ethniques auxquels ils appartiennent ne sont « jamais » injustement traités par le gouvernement à cause de leur ethnie.
Toutefois, 21% affirment que la discrimination sur la base de l’ethnie survient « quelques fois », « souvent » ou « toujours ». L’écrasante majorité des Maliens disent qu’ils ressentent des liens forts avec les autres Maliens (96%) et que les autres citoyens les considèrent comme des Maliens tout comme eux (93%).
La majorité des répondants disent faire « partiellement » ou « beaucoup » confiance aux personnes d’autres groupes ethniques (81%) ainsi qu’à la plupart d’autres catégories de personnes.
La majorité des citoyens maliens aimeraient ou seraient indifférents au fait d’avoir pour voisins les gens d’autres ethnies (92%) ou d’autres religions (87%), les immigrants (86%) et les supporteurs d’autres partis politiques (80%), mais pas les personnes homosexuelles.
Huit Maliens sur 10 (81%) aimeraient ou seraient indifférents au mariage d’un membre de leur famille avec une personne d’un autre groupe ethnique.
Toujours selon les résultats de l’enquête Afrobaromètre, les Maliens tiennent plus à leur identité nationale qu’à toutes les autres formes d’identité. En effet, 85% des répondants déclarent se sentir uniquement malien (38%), plus attachés à leur identité nationale qu’à leur groupe ethnique (4%) ou attachés également à ces deux types d’identités (43%). Seulement 14% parmi eux s’identifient plus à leur identité ethnique qu’à leur identité nationale (9%) ou uniquement à leur groupe ethnique (5%).
Les Bambara (31%) sont la plus grande ethnie au Mali. Les autres Maliens se répartissent entre une multitude de groupes ethniques, parmi lesquels les Soninké/Sarakollé (11%), les Peulh/Fulfude (10%), les Malinké (9%), les Dogon (8%), les Minianka (7%), les Sonrhaï (7%), et les Senoufo (6%).
La composition ethnique du Mali, dominée par un groupe particulier et complétée par divers autres groupes ethniques, pourrait soulever des inquiétudes quant à la possibilité d’actes discriminatoires de la part du gouvernement basés sur l’ethnie. Près de huit Maliens sur 10 (78%) déclarent que les membres de leur groupe ethnique ne sont « jamais » injustement traités par le gouvernement. Cependant, deux Maliens sur 10 (21%) affirment qu’ils sont injustement traités à cause de leur ethnie « quelques fois » (5%), « souvent » (7%) ou « toujours » (9%).
Les Maliens sont restés soudés par un lien fort tout en gardant un niveau élevé de confiance interpersonnelle malgré la situation sécuritaire délicate que traverse le pays. Ils acceptent la cohabitation avec toutes les autres catégories de personnes à l’exception des personnes homosexuelles.
Même si la majeure partie d’entre eux déclarent qu’il n’arrive jamais que les membres de leur groupe ethnique soient injustement traités par le gouvernement, le fait qu’une minorité significative dénoncent ce genre de traitement constitue un appel aux gouvernants qui doivent faire des efforts pour prendre davantage des dispositions nécessaires pour mitiger ces pratiques.
PAR MODIBO KONÉ