«En fait, notre pays doit être rénové, reconstruit, mais il doit être reconstruit de façon nouvelle, différente; nous ne devons pas refaire une maison destinée à tomber sur la tête de ceux qui y habiteront à un moment décisif; nous devons profondément transformer la structure économique, politique, sociale de notre pays. Pour cela, il faut une nouvelle classe dirigeante. Mais cette nouvelle classe dirigeante ne pourra provenir d’un seul groupe social…» (Palmiro Togliatti).
Moussa Traoré est tombé: vive la démocratie !
Il convient de rappeler que le régime de Moussa Traoré est déchu, le 26 mars 1991 et cela à la faveur du soulèvement populaire orchestré et organisé par ce qu’il convenait d’appeler le Mouvement démocratique. Débout comme un seul homme, notre peuple travailleur avait décidé de donner un coup d’arrêt à la gestion apatride et nébuleuse du général Moussa Traoré. Le cri de cœur de ce peuple était: An tè kôrolè fè fo koura, espérant ainsi sur le kokadjè, seul gage de la démocratie populaire au Mali.
Entendons par démocratie le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple. Il faut noter en passant que le concept de peuple a été vidé de son contenu à dessein. Il signifie réellement l’écrasante majorité de la population qui vit de sa sueur. Les voleurs, les déprédateurs du tissu économique national ne sont donc pas du peuple mais appartiennent à la classe bourgeoise réactionnaire sangsue des masses laborieuses.
Le président Moussa est tombé, bonjour à la bamboula politique. Les partis politiques pullulent désormais comme des fourmis dans notre pays à la faveur du multipartisme intégral.
La démocratie est mal partie au Mali
À la chute de Moussa Traoré, la démocratie à la malienne a tourné le dos au cri de cœur de notre peuple travailleur. La gabegie, les détournements de deniers publics, la délinquance financière, la surfacturation, le népotisme, l’affairisme, la course à l’argent facile et mal acquis, la corruption, entre autres pratiques illicites, semés par le régime de Moussa Traoré ont germé et ont été entretenus par les démocrates engagés dans l’enrichissement illicite.
La suite, on la connaît: la politique politicienne est devenue la source privilégiée d’enrichissement de gens sans valeur intrinsèque aucune. Pour avoir voix au chapitre, il fallait apprendre à s’accoquiner aux politiciens apatrides qui ne juraient et qui ne jurent toujours que par et pour des intérêts sordides privés. Ainsi, ils sont pratiquement tous entrés dans les combines politiciennes pour participer au partage du gâteau- Mali. Il s’agit de ces regroupements qui se font appeler ‘‘partis politiques’’ dépourvus de militants sincères et convaincus qu’ils doivent servir le pays et non se servir de lui.
À la fin du régime d’Alpha Oumar Konaré, on dénombrait vingt et un milliardaires dont quinze hauts fonctionnaires. La déclaration d’Alpha s’insurgeant contre la vente illicite des terres par les maires, en 1997, avait fini par désillusionner les aveugles politiques quand à la volonté de ce président de servir utilement notre peuple.
Au lieu d’exiger de ces élus malveillants et cupides de payer pour leurs fautes, le président Alpha a préféré leur dire de ne plus vendre de terre. Le ton est ainsi donné aux malfrats de procéder à la liquidation sans vergogne de nos ressources financières et matérielles.
Le coup de force contre ATT
Après neuf ans de gestion calamiteuse des affaires du Mali par le régime conteur d’Amadou Toumani Touré (ATT), voilà l’irruption des militaires sur la scène politique nationale. Le 22 mars 2012, son régime a été renversé par une junte militaire dirigée par le capitaine Amadou Haya Sanogo. Ce coup de force se justifiait par l’état défectueux du pays, par une situation délétère de la vie nationale et par la gestion désastreuse de la crise du Nord.
S’il faut parler franchement, il n’y a pas eu de coup d’État proprement dit, en 2012. Les militaires émanant du peuple ne pouvait indéfiniment regarder les hommes assassiner ce peuple sans bouger le petit doigt. Sankara disait en substance et à juste titre qu’un militaire est un civil en mission et un civil est un militaire en congé. Est-il besoin de dire qu’ATT avait trahi notre armée et son peuple en autorisant les mercenaires venus du théâtre des opérations militaires de Libye avec armes et bagages à entrer en territoire malien !
Aussi, ATT n’a jamais dévoilé à notre peuple ni la nature, ni le contenu de l’avion qui a été incendié non loin de Gao en 2009. Jusqu’ici les recherches continuent à cet effet. Ce président conteur n’avait plus rien de bon à donner aux Maliens. Plus de quarante-deux (42) milliardaires ont été dénoncés à la fin de son mandat par des citoyens.
Par sa vision du consensus, ATT a embarqué avec lui la presque totalité de la classe politique malienne (chacun des remorqués étant à la recherche d’intérêts individuels aux dépens de ceux du Mali). C’est dire que ces politiciens ont participé de bout en bout à la gestion calamiteuse de nos affaires par le régime conteur d’ATT. Ce que l’on pourrait appeler de façon simple coup d’État contre lui était devenu nécessaire et salutaire.
L’on se souvient à ce niveau de la fallacieuse condamnation de ce coup de force par les politiciens en mal de crédibilité au motif que le coup d’État est anti-constitutionnel. Mais force est de retenir que lorsque les politiciens et leurs dirigeants foulent au pied les intérêts fondamentaux de leur peuple pour s’enfermer dans la fourberie et les combines politiciennes, l’irruption de l’armée dans le jeu politique devient compréhensible. Cela se passe de tout commentaire quand on sait que les politiciens, une fois aux affaires, se croient permis de tout oser et de tout faire au nom de la légalité constitutionnelle. Quelle aberration !
Le coup d’État (si l’on veut le concevoir ainsi) contre ATT a mis à nu le caractère cynique de bien de gens qui se font honteusement appeler démocrates mais qui n’ont que faire de la démocratie en cela qu’ils ont fait appel à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour nous imposer l’embargo. Ces Maliens qui se sont rendus coupables de cette forfaiture avaient leurs greniers garnis de tous les vivres ponctionnés directement ou non sur la sueur de notre peuple travailleur.
Comme si cela ne leur suffisait pas pour insulter l’honneur et la dignité de ce peuple, certains ennemis intérieurs collaborateurs des ennemis extérieurs au Mali, en mal de crédibilité et de conviction patriotique, ont eu recours à des mercenaires pour venir s’attaquer à nos soldats patriotes qui ont entendu le cri de cœur de notre peuple en chassant ATT du trône. C’était le 30 avril 2012.
La suite est connue: notre armée unie autour du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE) a foudroyé les agresseurs et leurs éclaireurs nationaux du camp Para qui ont été lancés dans cette aventure par des politiciens en mal de crédibilité et d’honneur. Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) qui a eu droit à un fort soutien du capitaine Amadou Haya Sanogo lors de la présidentielle de 2023 n’a fait autre chose que d’envoyer celui-ci en prison sous prétexte qu’il serait complice de l’assassinat de vingt-un (21) bérets rouges. Mais comme le dirait l’autre, le temps est galant. IBK n’a pu tenir le procès (pouvait-il d’ailleurs le faire ?) contre les présumés coupables de cet assassinat. Parce que le peuple vient d’avoir raison de celui qui n’avait plus rien de bon à offrir aux Maliens.
Comment est-on arrivé au coup de force contre IBK ?
Il ne peut- être question dans les colonnes d’un journal de se livrer à la narration des péripéties ayant jalonné les sept ans de gouvernance du président IBK. Nous nous contenterons ici de la ligne-phare des déroutes de ladite gouvernance.
Tout d’abord, pendant que l’on s’attendait à un gouvernement de combat contre le virus de la mauvaise gouvernance, Ibrahim Boubacar Kéita a fait appel à des hommes et des femmes qui n’avaient rien de sérieux à proposer à notre peuple. Pour ainsi dire, le gouvernement de Oumar Tatam Ly était appelé à montrer au bout de six (06) mois toutes ses limites objectives. Dès lors, c’était bonjour au jeu favori du président IBK qui consistait à changer de Premier ministre quand il le voulait. Sans se soucier de servir autrement le Mali ! La suite est connue: ce changement permanent de chefs de gouvernement a prouvé à ceux qui le croyaient encore que c’est le président qui est lui-même incapable de donner un souffle nouveau à notre pays.
Pour la petite histoire: en six ans de présidence de la République, IBK a nommé six (06) Premiers ministres (Oumar Tatam Ly, Moussa Mara, Modibo Keïta, Abdoulaye Idrissa Maïga, Soumeylou Boubèye Maïga, Boubou Cissé). Pendant ce temps, notre peuple continuait à vivre dans sa chair et dans sa conscience les affres d’une démocratie des nantis aux dépens des pauvres. Comme pour dire que sous l’ère démocratique ceux qui travaillent s’appauvrissent davantage et ceux qui ne font rien roulent arrogamment dans le beurre.
Au lieu de mettre les gens au travail et punir les déprédateurs du tissu économique national, voilà l’affairisme en service actif. La délinquance financière ronge dangereusement l’avenir du Mali. Pendant ce temps, la corruption poursuit sa rage de vaincre l’esprit du service bien accompli.
La signature de l’accord de paix d’Alger et de celui de défense avec la France a prouvé à la face du peuple malien que le président IBK est incapable de redonner confiance à ce peuple victime de l’hibernation politique au nom de la démocratie.
L’école est en crise depuis Alpha Oumar Konaré qui a appliqué à notre système syndical la cynique politique de ‘‘diviser pour régner’’. Au lieu de travailler à servir cette école en chute libre, IBK a enfoncé le clou dans la divagation scolaire. La suite est connue : l’école est prise en otage par les politiciens véreux qui se battaient et continuent à se battre pour dresser des villas et des maisons à étages pour le compte privé. Alors, bonjour au fameux concept de ‘‘sauver l’année’’ au lieu de sauver l’école en pleine déconfiture.
Ce qui comptait désormais, c’était comment se servir de l’école malienne: les innovations pédagogiques se changent comme on se change d’habits. La désertification intellectuelle a atteint le cœur de notre système éducatif à tel point que les années académiques et scolaires se colmatent pour revenir chaque fois à la case départ. Pendant ce temps, les grèves se multiplient sans que l’on ne se pose la question de savoir où va l’école malienne.
Sur le plan sanitaire, l’es hôpitaux sont devenus des mouroirs pour le citoyen lambda.
IBK a été élu pour un deuxième mandat, en 2018 quelque soit ce que pourraient dire les opposants (s’il en existe vraiment !). Ce doute a été laminé au grand jour lors des législatives de mars, avril 2020. À cette occasion, des gens se sont associés sur des listes électorales. À regarder ces listes, on ne pouvait pas ne pas lire dans les alliances politiques hétéroclites que pour les candidats (dans leur quasi-totalité) il ne s’agit pas de servir le Mali mais de se servir de lui.
La suite est connue de tous: la guerre ouverte a commencé contre IBK, sa Cour constitutionnelle et son Assemblée nationale. Les mécontents se sont retrouvés en provenance de tous les horizons. Le mouvement du 5 juin 2020 (M5) est né pour sortir des tiroirs les maux qui minaient déjà la vie de notre peuple et cela tout le long de la 3ème République. C’est donc dire que le partage mal fait du gâteau à déterré les haches de guerre, les piques, pioches, dictionnaires du patriotisme déambulant à ciel ouvert.
Profitant de la misère et de la désolation endémique de notre peuple, des gens de toutes couleurs ayant servi quelque part le régime IBK se sont mis à demander en chœur le départ du président. Pendant ce temps, au sein de l’armée (la grande muette), les choses se catalysaient sans que le peuple en sache davantage. Une seule chose était sûre: c’est que l’irruption de l’armée dans le jeu politique était attendu et cela malgré les valses diplomatiques et politiques de la CEDEAO.
Le mardi 18 août 2020, des officiers patriotes ont décidé de s’assumer au grand dam de cette CEDEAO. Cela se comprend bien quand on sait que pour porter la tenue dans notre pays, on prête serment de défendre le Mali, advienne que pourra !
Nous avons tous l’espoir que les militaires ont tiré toutes les leçons des valses politico religieuses en direction de Kati sous Amadou Aya Sanogo.
Les limites des chantages de la CEDEAO contre le Mali.
En 2012, la CEDEAO a imposé un embargo contre notre pays à cause que des militaires patriotes ont décidé d’écourter les multiples souffrances de notre peuple. Mais en homme non averti, Sanogo a écouté les sornettes de politiciens et de religieux qui n’avaient que faire du Mali ni de son peuple. La suite est connue: IBK que Sanogo a aidé pour être à Koulouba a fini par faire ce que l’histoire retiendra de lui. Il avait dit que Kati ne fera plus peur à Bamako encore moins à Koulouba. Il a été gravement démenti par le temps; c’est la même garnison de Kati qui l’a arrêté sans autre forme de procès.
Les gesticulations de la CEDEAO ont repris service contre le Mali et son peuple. Par ce que la CEDEAO n’ignorait pas les multiples souffrances endurées par ce peuple. C’est bien ce jeu hypocrite qui a fini par convaincre tous ceux qui se battent pour leurs peuples que la CEDEAO est au service incessant des chefs d’États qui l’animent vraiment. Au sujet de la force en attente de cette organisation sous régionale, il faut simplement dire qu’elle aura marché sur les cadavres de nos citoyens avant de s’attaquer à nos Forces de défense et de sécurité (FDS) qui ont arrêté IBK. Ce n’est pas la CEDEAO qui a élu notre président. Aussi, il reste à démontrer que le Mali vit bien étant membre de cette organisation sous régionale. Tout au moins, elle est un moyen de chantages contre les peuples.
Les autres pays membres de la CEDEAO ne doivent pas déjà se frotter les mains quand on sait que les peuples sont toujours plus forts et quand ils se mettent debout, rien ne peut les arrêter. Les réactions de la CEDEAO sont de graves insultes à la dignité de l’homme malien. Les chefs d’États qui l’animent doivent se rendre à l’évidence que le Mali ne deviendra que ce que les maliens en feront. Leurs chantages unissent mieux les maliens et ne peuvent donc entamer leur moral.
IBK est tombé : Que faut-il pour le Mali ?
Le Mali a trop souffert de la gestion des affaires par des démocrates véreux et hypocrites. La classe politique malienne qui amuse la galerie depuis la chute de Moussa Traoré est en mal de crédibilité. Cette classe politique ne mérite pas d’animer la vie politique nationale dès lors qu’elle s’est illustrée par sa fourberie et sa recherche d’intérêts sordides privés aux dépens du peuple travailleur du Mali. Il urge donc sans délai de procéder à la refondation de toute la direction politique de notre pays.
Cela exige le choix d’hommes et de femmes qui savent et sentent quel est le véritable esprit du peuple travailleur du Mali. Il est temps que ce peuple exige des hommes politiques nouveaux, de donner un contenu clair au concept de démocratie, qui, visiblement est aujourd’hui un fourre- tout où chien et chat, chat et souris, opprimés et oppresseurs, exploités et sangsues collaborent dans des enceintes sans queue ni tête. Recherche d’intérêts privés oblige !
Aujourd’hui donc, le Mali a besoin d’une véritable refondation de son système de gestion de l’économie, de l’éducation, et des relations sociales. Cela est aujourd’hui un impératif historique quand il reste établi que chez nous, comme le dirait Aimé Césaire, il y a des hommes hyènes et des hommes panthères qui n’hésitent pas un seul instant à tricher, voler, trahir le Mali, et sucer le sang de ses enfants.
Pour une refondation de notre pays, il faut la transformation profonde de sa structure économique, politique et sociale. Cela serait un vœu pieux à l’absence d’une classe dirigeante nouvelle, totalement différente de celle qui amuse la galerie depuis la chute de Moussa Traoré. Cette classe politique sera composée de maliens propres, de différents horizons sans calcul d’intérêts économique, politique, social, culturel ou même religieux.
Disons donc avec Palmiro Togliatti: «En fait, notre pays doit être rénové, reconstruit, mais il doit être reconstruit de façon nouvelle, différente; nous ne devons pas refaire une maison destinée à tomber sur la tête de ceux qui y habiteront à un moment décisif ; nous devons profondément transformer la structure économique, politique, sociale de notre pays. Pour cela, il faut une nouvelle classe dirigeante. Mais cette nouvelle classe dirigeante ne pourra provenir d’un seul groupe social…».
Pour cette refondation du Mali, il urge de comprendre et de travailler à faire de notre indépendance économique réelle la base de notre indépendance politique.
Fodé KEITA