Plus d’un milliard F Cfa d’investissement par les responsables de la société de l’Agence de cessions immobilières (ACI) pour un hôtelier! C’est colossal, vu le caractère délicat et l’envergure d’un tel type de chantier à gérer par une société d’économie mixte, au moment même où la plupart des sociétés et entreprises sous la tutelle du gouvernement souffrent de mauvaise gestion.
L’Agence de Cessions Immobilières (A.C.I) a été créée en 1992, suivant Ordonnance n°92-001/P-CTSP du 15 janvier 1992. Ses objectifs sont entre autres : A court terme :d’assurer une plus grande transparence dans le mode d’acquisition des parcelles urbaines (vente aux enchères), faciliter l’accès à la propriété foncière à un grand nombre de ménages,
assurer à partir des recettes de vente le recouvrement des frais et taxes dus à l’Etat ; le recouvrement des coûts de viabilisation, la mise en place d’un fonds d’investissement destiné à financer d’autres travaux d’aménagement, réduire la spéculation foncière, jeter les bases de la création d’une banque de l’habitat. A moyen terme : permettre la réorganisation du cadastre (délivrance de titres fonciers). Et à long terme : permettre à la société de se doter de ressources financières nécessaires pour réaliser ses missions: aménagement de terrains, ventes de parcelles, promotion immobilière (construction – vente de bâtiments de tout usage. Le capital social est détenu par les actionnaires suivants : Etat Malien: 50% ; Gouvernorat du District de Bamako (Actuelle Mairie) : 49,8 % et groupe de Privés : 0,2 %. Et pour diversifier ses ressources financières, la société projette la construction d’un hôtel. Il s’annonce que les travaux de l’hôtel de cette société sis à l’Aci 2000 au niveau du commissariat du 14ème arrondissement sont aux arrêts.
L’ACI disposerait-elle à nouveau des capacités réelles pour continuer ce chantier titanesque avec un investissement aussi lourd ? La question se pose et mérite d’être soulevée lorsqu’on est au courant des difficultés du gouvernement et de l’administration publique, en général, à conduire efficacement et à bon terme la plupart des chantiers ouverts depuis quelques années. Elle se pose davantage à voir de près les difficultés de l’Etat à gérer des entreprises relevant du secteur de production de richesses.
Il n’y a plus de doute sur la nécessité de vendre ce joyau hôtelier pour qu’il puisse être achevé par des privés pour accueillir les participants du sommet France-Afrique que notre pays doit abriter en 2016.
Des doutes qui subsistent
Serait-ce un défi pour la direction de l’agence de cessions immobilières de tenir le challenge ? Si oui alors pourquoi les travaux sont aux arrêts depuis belle lurette ? Il convient pourtant de constater que dans un tel enjeu, les dirigeants semblent se substituer aux investisseurs privés. Beaucoup de pays au monde ont compris aujourd’hui que la promotion de certains secteurs vitaux de leurs économies relève plus du privé que de la gestion des acteurs du public. Le tourisme fait partie de ces secteurs dévolus à des investisseurs privés et l’expérience malienne elle-même le prouve à plus d’un exemple. Il n’y a qu’à voir combien aujourd’hui certains hôtels rehaussent la ville de Bamako et y attirent des visiteurs de toutes origines tout au long de l’année. Si ce projet de complexe hôtelier bat de l’aile depuis sa conception jusqu’à ce jour, c’est peut-être aussi à cause de la gloutonnerie des responsables de l’ACI. Car, avec tous les sous que cette société brasse, il est inadmissible qu’un tel projet ne puisse pas être achevé dans un laps de temps.
Un développement plus respectueux de ce que les gens attendent Tout ouvrage de développement, même hôtelier, doit partir avant tout des besoins et des attentes et capacités des Maliens eux-mêmes à y accéder pour leurs loisirs et pour le tourisme. Au regard des enjeux actuels, l’État malien devrait normalement accompagner le secteur privé dans la prise en compte des besoins et des attentes des Maliens pour l’investissement. Il n’est pas concevable qu’en même temps l’Etat prétend privatiser, le même État, en plein cœur du processus de décentralisation, prenne à nouveau le rôle de promoteur et se substitue aux acteurs du privé, à moins qu’ils soient absolument défaillants.
De là, les intérêts du pays sont en déficit continuel. Car, quelle gestion l’Etat garantit-il à de telles infrastructures hôtelières si l’existant dans ce domaine est difficile à reconstituer? Les cas de l’hôtel Amitié, Grand Hôtel de Bamako évoquent des souvenirs et même des actualités en ce qui concerne les difficultés de gestion par l’Etat malien des unités de l’industrie hôtelière. Il ne semble donc pas réaliste que l’Etat ambitionne d’investir dans ce secteur où il a fait ses preuves d’insuccès pendant plusieurs décennies.
Paul N’GUESSAN