Homonyme/Parrainage : “La tête du client” vaut son pesant d’or

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L’homonyme dans la tradition consiste à donner le nom d’une personne à un nouveau-né. C’est un acte chargé de sens et de tradition. Cette pratique qui a pour but de consolider les liens risque de disparaître à cause de l’argent-roi.

 Au Mali comme dans de nombreuses contrées africaines, le choix du prénom d’un nouveau-né est un acte profondément symbolique et significatif. Et la plupart du temps, il est accompagné d’une cérémonie et de rites d’une importance particulière.

Nouvellement mariés, Gafou et Le Vieux ont choisi de donner le nom du grand-frère de Le Vieux à leur premier fils. Un choix pas fortuit pour le jeune couple. Car, ce dernier n’a pas eu la chance d’avoir des enfants après dix ans de mariage avec deux épouses.

L’homonymie lie le nouveau-né à son environnement selon Pr. Fodé Moussa Sidibé, chercheur à la Faculté des lettres et traditionnaliste. Le geste va au-delà de tout cela, poursuit notre chercheur.

“Avant les prénoms n’étaient pas assez nombreux, donc certains se répétaient. Et ceci tenait également aux conditions arrêtées par la société pour donner un nom à l’enfant. Très généralement, le prénom est social, il porte sur un ancêtre qui a vécu et en son souvenir, son nom était donné au nouveau-né. Malheureusement, nos prénoms ont disparu car nos croyances ont totalement changé. Les gens donnent des prénoms qui n’ont rien à voir avec leur propre lignée. C’est surtout l’islamisation qui a amené cette idée d’intérêt dans les homonymies et s’est propagé partout. Beaucoup donnent le nom des amis ou des gens qu’ils ne connaissent même pas, juste pour des intérêts futurs”, explique Fodé Moussa Sidibé, ajoutant que les homonymes peuvent également être nos relations actuelles comme donner le nom de son ami à son enfant, ou un parent, l’aîné ou le cadet.

En donnant le nom de son premier fils à son aîné, Le Vieux voulait consolider les liens consanguins avec Sékou. L’acte d’honneur du cadet vis-à-vis de son frère a porté chance à leur couple. Coup de chance ou du destin ? Après la naissance de l’homonyme du grand Sékou, son foyer a eu la chance d’avoir un garçon. Une joie immense après des années d’attente.

Si donner le nom de son grand frère à son premier enfant comble de joie Le Vieux, le sentiment d’Hawa est tout autre aujourd’hui en voyant son fils de deux ans. Elle donne ses raisons : “Le jour du baptême, mon beau-frère a remis un cadeau de 10 000 F CFA à son homonyme. Et depuis ce jour, bientôt 2 ans il ne prend pas de ses nouvelles et ne lui fait pas de cadeau non plus, bien qu’il soit aisé”, se lamente Hawa rappelant que l’enfant a été le porte-bonheur de son ménage.

Des enseignements

Pr. Fodé Moussa Sidibé, chercheur et traditionnaliste explique les enseignements derrière l’homonymie.  Pour lui, il existe aussi des homonymes par circonstance, les enfants nés sous une grande pluie ou orage par exemple Jurukoro, Niamanto…

De nos jours, de nombreux chercheurs, traditionnalistes constatent avec regret le changement des critères de nomination qui, d’après eux, ne se font plus dans les règles traditionnelles, mais par intérêt financier ou religieux.

Notons que les prénoms ont commencé à se multiplier avec l’avènement de l’islam et du christianisme à en croire les chercheurs et traditionnalistes.

Si avant les homonymes se formaient pour une raison spécifique, aujourd’hui la pratique se fait par intérêt y compris les parrainages. Des valeurs comme le parrainage, l’homonymie étaient des moyens pour consolider les liens et prôner le vivre ensemble. Les pauvres auront-ils un jour des homonymes la question qui revient le plus souvent dans les discussions.

Notre interlocuteur, M. Sidibé affirme que si nous continuons sur cette lancée les démunis risquent de ne jamais avoir d’homonyme, un acte très important dans notre société. Dire un prénom c’est toute la personne, amener ce qui positif lié au prénom en question.

Auparavant un jeune n’avait pas droit à un homonyme explique le chercheur pour des raisons cachés. “La société traditionnelle n’acceptait pas de donner un homonyme à un jeune c’est appelé les malheurs sur l’enfant. Et l’enfant qui porte le prénom d’un jeune n’évoluait pas correctement car, en règle générale c’était lié à la vie de quelqu’un. Mais celui qui n’a même pas atteint la moitié de sa vie on ne lui trouve pas un homonyme, ce n’est pas bon. Pour la simple raison que ça porte la poisse, la malchance à l’enfant du point de vue traditionnel donc on ne le faisait pas. Mais aujourd’hui c’est faisable mais par intérêt”, explique-t-il.

Combien d’homonymes, de parrains ou marraines sont critiqués comme le beau-frère de Gafou, ou la marraine qui a été rejeté par sa filleule car elle n’est pas aisée et n’aime pas les m’as-tu-vu.

Le parrainage et les homonymes sont ceux qui constituent notre société. L’homonymie intervient par le fait que beaucoup croient que les morts ne sont pas morts, et qu’il est possible que l’âme d’un défunt puisse être réincarnée dans un enfant dans la famille. Ainsi quand un nouveau-né arrive dans la famille et qu’on se rend compte que c’est l’âme du grand-père. Et le nom de ce dernier est donné au nouveau-né.  “Aucune âme n’est détruite, elle vient et part jusqu’à atteindre son but absolu. La croyance traditionnelle c’est la réincarnation”, souligne le traditionnaliste.

L’homonymie a toujours existé dans nos sociétés, le prénom a toujours eu une importance symbolique c’est bien plus qu’un identifiant. Les prénoms peuvent être influencés religieusement comme au Mali où l’islam est la religion dominante.  Il n’est pas rare de trouver les prénoms d’origine arabe avec l’arrivée de l’Islam qui a sans nul doute influencé la pratique. Pourtant, l’islam n’a pas banni le fait de donner un prénom traditionnel à son enfant. Mais il exige que ce soit un nom dont l’enfant n’aura pas honte en grandissant dans les familles musulmanes comme Aïcha, Mohamed, Fatoumata, Abdoulaye. De même que les familles chrétiennes où il existe des prénoms d’origines occidentales.

Tombés en désuétude

Cependant, il existe des prénoms ethniques dans certains milieux, comme chez les Bamanan où l’homonymie se fait par ordre d’ainesse. En conclusion, le professeur Fodé Moussa craint que les prénoms ne tombent dans l’oubli.

Les prénoms traditionnels sont tombés en désuétude le premier fils était N’tji, le deuxième N’golo mais nous avons abandonné tout ceci car nous avons adhéré à d’autres valeurs. Alors pour éviter que notre société ne continue à se détruire spirituellement, religieusement il faut un retour à nos prénoms authentiques. Et qui a un sens pour nous qui ne sont pas des prénoms importés et qui n’ont aucune importance dans notre société. Qui en réalité ne veulent rien dire, mais les gens ont tendance a accordé aucun intérêt religieux ou spirituel aux prénoms.

Retournons à notre vision traditionnelle qui veut que le prénom soit donné à partir du critère qui nous sont propres comme la réincarnation des ancêtres. Et celui qui le fait dans ce sens, selon le traditionnaliste ne le fait pas en ce moment par intérêt mais pour la perpétuation de la mémoire de la société pour éviter que les prénoms ne viennent au hasard. Nos us et coutumes sont-ils condamnés à disparaître ? La question mérite mûre réflexion.

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Mariage :

Le parrainage

Le mariage sous sa forme traditionnelle ne connaît pas de parrainage, terme qui d’ailleurs n’a pas d’équivalent en langue bambara. Les démarcheurs du mariage, généralement des hommes de caste, accaparaient tout le processus du début à la fin. Mais des hommes libres mandatés pouvaient aussi bien être choisis en raison de leurs compétences ou de leur influence dans le milieu pour conduire le processus matrimonial.

Le parrainage, tel qu’on le connaît présentement, est apparu sous la colonisation et paraît être le fait des évolués  (gens allés à l’école française, et donc des lettrés) qui désiraient célébrer entre eux leur mariage de manière différente de celle des indigènes.

En d’autres termes, il s’agissait, pour eux, d’affirmer leur différence suite à l’éducation reçue à l’école coloniale et la volonté d’imiter les colons et les agents de l’administration coloniale.

L’urbanisation rapide des villes, ajoutée à la modernisation à grande échelle de la société, fit que beaucoup de citadins riches essayèrent de copier cette forme hybride du mariage.

Le parrainage donc au départ apparaît comme un phénomène d’élitisme mais est progressivement devenu un phénomène de vogue du milieu urbain pour gens aisés. Qui dit parrainage dit parrain et donc de quelqu’un socialement bien assis sur lequel on peut compter pour les dépenses du mariage.

La même remarque vaut pour la marraine autrement dit une femme aisée sur laquelle on peut compter pour les dépenses du mariage lorsqu’on manque de moyens économiques et financiers pour faire face à cet évènement quand même décidé par soi-même.

Cela veut dire que dès le départ, le parrainage est une affaire de moyens économiques et financiers, c’est-à-dire que le parrain ou la marraine n’est pas choisi au hasard.

D’un homme connu au départ pour sa grande culture et sa sagesse, avec l’indépendance le phénomène a lentement glissé ver le snobisme dirigé par les hommes et les femmes d’argent. Le numérisme et le consumérisme ont volé la vedette à l’élitisme de la gent lettrée dont les élégances sont visibles dans certains romans de l’époque comme “Nini la mulâtresse de Dakar” d’Abdoulaye Sadji.

Facoh Donki Diarra

(écrivain)

MICRO TROTTOIR

L’homonymie au crible

 La question a suscité des débats chez les citoyens. Les uns et les autres se sont exprimé sur l’homonymie sur quoi eux ils se basent pour donner un prénom à leur enfant.

Hawa Modibo : “Je me baserais sur la reconnaissance pour un service rendu, pour consolider les liens familiaux, ou en hommage ou par amour pour le Prophète Mohamed et sa famille paix et salut sur Lui”.

Saydou Dolo : “L’homonymie est une bonne chose dans la mesure où cela consolide les liens sociaux. Sinon les homonymes d’aujourd’hui ne créent que des conflits dans nos familles. Au moment où certains essaient de consolider les liens brisés, en donnant le nom d’une personne avec qui ils sont en conflits à leur enfant afin d’apaiser les choses, d’autres le brisent en se querellant juste pour bénéficier du prénom sans avoir le mérite”.

Diakaridia Yahya Diorome : “Le plus important pour moi c’est que les noms ne fassent pas référence au nom de fétiche. En fait je me base sur ma religion pour donner un nom à un enfant”.

Hawa Ouattara : “Je préfère donner à mon enfant le prénom d’une personne loyale, digne de confiance qui pourra éduquer mon enfant comme je l’aurais voulu”.

Dossier réalisé par

Oumou Fofana

 

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