Hommage: Ganda Fadiga, un monument

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Alahamdoulillaahi Rabbil Aalamiina, le fils de Denba Fadiga et de Jaaji Xamaana,  j’ai nommé Ganda, hisiru do yaaxanji, hiburu do yaaxanji, a reçu un hommage solennel et appuyé de la part de Sooninkara dans sa diversité. Les fans et les disciples sont venus de partout, des sooninko, des fulbe, des bamana, des xaasonko, des toubabs, la presse, ses producteurs et j’en passe. Ce 20 juin 2009 marque à jamais la fusion de l’homme avec son public dans le moule de l’authenticité.

Ce public enthousiaste, très attaché à ce monument du sooninkaaxu, de la culture, a fait salle comble à l’appel de l’association mère APS (Association pour la Promotion de la Langue et de la Culture Sooninke).  L’APS, épaulée par une nouvelle génération de militants déterminée à relever le défi, il s’agit entre autres de LAFIAS (la Fédération Internationale des Associations Soninké), l’AJSF (Association des Jeunes Soninké de France), l’Association SONINKARA.COM, l’ AASF (Association des Artistes Soninké de France) et le KANTAN SIGI ont décidé de l’évènement mais aussi de sa réussite.

Cette symphonie et la synergie dégagée démontrent que « senben na kofon ya da », « yellin ƞun ya na xaayen jiitana »  autrement c’est l’union qui fait la force. Cette démonstration ne doit elle pas être désormais la règle compte tenu de la spécificité de chaque structure mais aussi de la nécessité de complémentarité et de dépassement ? Pourquoi un hommage à Ganda Fadiga ?  N’est-il pas cette icône hors du commun qui a su vulgariser le message destiné autrefois qu’aux seuls princes, désormais à toute la communauté, avec lui une démocratie culturelle est née. Dans son discours d’hommage le président de l’APS a rappelé le parcours de Ganda dont l’échauffement des ñiimu (tonalité des airs joués) redore le Giya (image) et le doroke (auréole) du sooninkaaxu. Les jeunes ont  réalisé une biographie quasi exhaustive, un chef-d’œuvre qui répond au besoin de mieux cerner l’homme dans ses dimensions multiples.

Celui qui est devenu le virtuose de la musique traditionnelle, l’ambassadeur de la culture sooninke, qui éveilla et entretint la fibre du gaccinballaaxu (le refus de l’échec), est né en 1949 à Maarenna dans le Jonboxu (région de Kayes). De naissance, il est gesere (maître du ganbare et de la parole). Il est le disciple de l’éminent Jaaja Siira Banba Goori dont il fut l’étudiant le plus distingué. L’histoire retiendra que lorsque  Ganda fut rompu à l’art discursif de la rhétorique avec une maîtrise sans égal du ganbare -écoutez les 12 variantes du karo, du karo muruxunte (le karo invalide) au karo selinjaaxan xanne (les pleurs de la poule nourricière) – il eut le mérite d’être raccompagné dans son Maarenna natal par son maître, Jaaja Siira en personne pour témoigner de sa confiance, de sa fierté et de sa déférence pour le jeune prodige. Rares sont de pareils recits où une telle distinction eut lieu.

De ce jour le phénomène ne cesse de rythmer et de soutenir les sooninko et d’autres dans leur pérégrination à travers le monde. Il n’y a pas de pays, de contrées où Alahajji Ganda Faadiga n’a pas été l’invité des sooninko. Les épopées idylliques et guerrières ne manquent pas dans son répertoire fleuve : de Kan ƞen Maxa à Jaabe Siise, de Madikaama à Birante Renme Karunga en passant par Bundu Kaaka Dukkure, Baaba Wage Giden Wuren Jaagabe, Baafin Danbele, Buubu Ardo Gali Kanpeeje ou à l’histoire du Dugu Tigi Sooja etc. Avec Ganda c’est un voyage, avec Ganda c’est la chevauchée de Domonne, c’est le courage du  Danna ƞuno do a Doroke, le Jaahunu en rébellion. C’est la dénonciation du colonialisme à travers l’exil forcé du Ceex Hamallah. Les conquêtes de Ciixu Umaru n’ont de secret pour Ganda. Les témoignages sont relayés par de talentueux généalogistes qu’il est rare de pouvoir réunir sur un même plateau, les jaaru, maîtres du dondon ƞe (tambourin sooninke). Denba Jaare Tireera, Kisima Xonte pour ne pas évoquer Haaruuna Mangasi et l’inoxydable Baaba Kone qui fut le déplacement spécialement depuis Bamako. Justement, Baaba Kone figure parmi les premiers élèves de l’école de Ganda. L’école compte aujourd’hui plus de 80 élèves avec des instructeurs tels Jaaja Fadiga, Jango Fadiga ou Seetigi Siise, ces artistiques de carrure  sont rompus à la virtuosité de ceefa dunu et des autres ganbaru, sont très connus dans le pays sooninke.

Ganda reçut de la part de la communauté, par l’entremise de Jaaje Sumaare président de l’APS, le Diplôme d’honneur (un tableau doré) et une guitare traditionnelle en reconnaissance des nobles missions, de la propagation du sooninkaaxu qu’il ne cesse d’apporter au-delà, à l’humanité. On peut tout offrir au gesere, Sire Baasa ne s’est il pas sacrifié pour le gesere qui ne voulait autre cadeau que le sacrifice de sa vie, ce qu’il fut ! Xunba Suuxo, la mère de Silamaxa, n’a-t-elle pas accepté de devenir propriété de sa coépouse en ayant fait don auparavant de son trousseau d’or à son mari, pour que sa future maîtresse de coépouse puisse bénéficier d’une dot. Ces joutes nous sont relatées par le génie de Ganda avec un don oratoire qui envoûte, emporte dans des contrées ô  combien enfouies dans la nuit des temps ! Dans le tumulte de la quête d’identité, avec Ganda un dénominateur difficilement contestable n’est il pas trouvé ? Quand les sooninko veulent, ils peuvent, mais c’est le XA le problème !

Thierno TANDIA

Source : Thierno Tandia – Le 25 Juin 2009

NOTES : La lettre x en soninké se lit « kh », comme dans « Khassonké ». Ainsi : Xunba Suuxo se lira dans la transcription française: Khoumba Soukho

Soninkara : le pays soninké ; « soninkaaxu » : l’authenticité soninké ; « ganbare » : la guitare soninké tétracorde ; « Le xa du problème » : le « mais » du problème, le hic.

Source: MADIKAMA

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