L’adage voudrait dans nos terroirs que la mort arrive à bout de tout exceptée de la renommée. Libre donc à elle de dévorer les âmes, elle se courbera à jamais face au renom et à la réputation.
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rnLe regretté Samba Sangaré incarne véritablement toute la sagesse de cette vérité proverbiale. Il a quitté la vie terrestre pour des cieux plus cléments. Seigneur, accorde lui donc ton Paradis, il a déjà connu l’enfer de Taoudéni, un enfer qu’il décrit si bien dans son désormais célèbre ouvrage « le bagne mouroir de Taoudéni ».
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rnLe père et le frère s’en est allé ce vendredi saint du 11 février 2011. Qui l’eut donc cru ? Qu’il mourût un jour sur son lit de vieillesse après avoir enduré les pires souffrances infligées par ses geôliers dans la prison mouroir.
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rn Dieu dans sa toute miséricorde lui a permis de vaincre la torture afin de témoigner un jour de la bêtise humaine. Il l’a fait. Toutes les victimes d’atrocité et de la barbarie lui sont aujourd’hui reconnaissantes. Nombreuses parmi elles ont témoigné par leur présence aux obsèques. Il n’a pas vécu en vain. Mission accomplie !
rnDors en paix, père !
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rnNOUS NE T’OUBLIERONS PAS !
rnCe matin comme tous les matins, le jour s’est levé, mais pas toi, car pour toi, la vie ici-bas est terminée… Tu nous as quittés.
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rnAu cours des derniers jours de ta vie, tu t’es montré digne et d’un infini courage. J’ai lu dans tes yeux la douleur et la peur. Nous t’avions, à tour de rôle, tenu la main. Nous t’avons encouragé à suivre la lumière et nous sommes heureux qu’enfin, tes souffrances soient terminées, que tu vives dans l’éternité !
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rnPardonne-nous quand même père, de ne pouvoir supporter ton absence parmi nous, de savoir que tu ne seras plus là pour nous consoler !
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rnNous te chérissons, nous sommes fiers de toi ! De ce que tu as fais pour tant d’âmes égarées…
rnBien sûr, que nous le savons ! Le destin n’a pas été tendre avec toi. Mais tu t’es quand même efforcé à semer l’amour et le bonheur autour de toi. Nous t’en remercions infiniment.
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rnNous voilà donc réunis aujourd’hui pour une prière collective afin que le Seigneur daigne t’accorder sa Miséricorde. Et aussi, pour te dire que nous ne t’oublierons pas. Nous t’aimons, père. Tu as embelli notre existence. Que Dieu embellisse ton éternité ! Les mots seraient peut-être de peu pour extérioriser nos sentiments.
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rnQu’il en soit ainsi, selon ta volonté, Ô Seigneur ! L’homme a toujours raison, mais seulement voila : la mort est fatale !
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rnOn se souviendra de toi, d’un père généreux et aimé de ses enfants… Vois-tu père, nous te donnons aujourd’hui ce que tu nous enseigné : l’amour. Un sentiment qui se résume en trois mots : assistance, partage et bonté. Tu as été de tout cela pour nous et pour elles, notre chère mère Maïmouna Soucko qui a partagé tes souffrances de Taoudeni, et notre regrettée sœur Diaminétou que tu as tant pleurée. A notre tour de pleurer !
rnRepose en paix, PÈRE SAMBA !
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rnQUI EST SAMBA SANGARÉ
rnSamba Gaïné SANGARE est décédé le 11 février 2011 à l’âge de78 ans. Il est l’auteur du livre «DIX ANS AU BAGNE-MOUROIR DE TAOUDENIT » (un livre à lire et relire absolument). Il fut l’un des militants de l’US-RDA arrêtés le 12 août 1969 après le putsch du 19 Novembre 1968 pour avoir exigé le retour à une vie constitutionnelle normale, autrement dit, la remise du pouvoir aux civils et le retour des militaires dans les casernes.
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rnAprès deux années de service à la société de prévoyance de Nara en qualité de commis auxiliaire, Samba Gaïné Sangaré s’engagea dans l’armée en 1953 et fit sa formation militaire de base à Ségou. Du peloton I passé à Bamako en 1955 au peloton II au bataillon des transmissions à Thiaroye (Sénégal), il fut nommé sergent en 1956. Il servit successivement à Kati et Koulikoro avant d’être envoyé au front en Algérie pour deux ans en 1958.
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rnA son retour en 1960, il fut parmi les premiers à être transférés au compte de l’Armée Nationale du Mali pour constituer le contingent de la Fédération du Mali devant participer aux opérations de l’ONU au Congo ex Belge. Il y passa six mois comme casque bleu des Nations Unies.
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rnEn 1961, il fut affecté au bataillon de Kayes où il restera jusqu’en 1965 avant de rejoindre la compagnie saharienne de Kidal où le coup d’Etat militaire de 1968 le surprit.
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rnDécoré de la médaille commémorative d’Afrique du Nord et de la médaille de la paix des Nations unis en 1961, Samba Sangaré a gagné sa plus belle victoire sur son bourreau Niantao chef du bagne-mouroir de Taoudéni en restant en vie durant dix longues années empreintes d’atrocités.
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rnSon tortionnaire avait juré d’exterminer tous les détenus pour faire plaisir aux commanditaires au sein de la hiérarchie.
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rnLeur procès qui a lieu à huis clos, le 14 décembre 1969, fut une véritable mascarade. Le verdict tomba tard dans la nuit du 17 décembre 1969 : Dix neufs d’entre eux sont condamnés à des peines allant de 15 ans à perpétuité assortis de travaux forcés. C’est en chantant l’hymne de « l’Internationale Socialiste » qu’ils ont été conduits à la prison centrale de Bamako.
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rnTrente six heures après leur arrivée en prison, ils furent repartis en deux groupes. Ceux qui av aient écopé de plus de dix ans de peine furent conduits à Taoudéni. Les autres à Kidal. Commença alors une vie d’enfer !
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rnA Taoudéni, les détenus avaient pour seule nourriture le mil rouge, certainement méconnu de l’actuelle génération. De couleur rouge, ce produit est initialement destiné aux animaux. Il fut largement consommé par les populations maliennes suite à la grande sécheresse des années 70.
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rnComme seule boisson, les détenus n’avaient droit qu’à de l’eau salée qui a la faculté d’assoiffer davantage la personne qui la consomme.
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rnL’enfer de Taoudéni, c’est aussi les injures, les humiliations, les sévices corporels, les les travaux forcés.
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rnL’enfer de Taoudéni, c’est encore le bonheur pour les gardes, dans le seul but de se d
istraire, de faire sortir les détenus à 13 H sous un soleil de plomb avec une température avoisinant les 50° C à l’ombre. Pied nus sur du sable chaud, ils devraient courir et danser au grand plaisir de leurs bourreaux.
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rnLa nuit, point de répit ! Ils devraient rester et chanter parce que les soldats jugeaient anormal qu’ils s’endorment pendant qu’eux devraient rester éveiller pour les besoins de la garde…
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rnSoldat jusqu’au bout des ongles, Samba Sangaré tint bon, motivé surtout par le souci de témoigner un jour. Dieu lui accorda cette faveur. Son récit est tout simplement historique !
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rnLe défunt ne mérite pas notre pitié, mais plutôt, respect profond et admiration. Nous vous suggérons vivement de lire son témoignage.
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rnToute personne intéressée par cet ouvrage, peut contacter la Direction du Journal « Le Combat » au numéro (00223) 75.17.24.12
rnPar Neimatou Naillé Coulibaly Bathily
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