Après avoir raté l’inclusivité dans la composition de son gouvernement, Choguel Maiga voudrait sans doute se rattraper en donnant matière à espérer à ses concitoyens indifférents au jeu politique. Le nouveau PM s’en est acquitté avec brio, hier, lors du conseil de cabinet inaugural. Dans son adresse consacrée aux orientations gouvernementales, les attentes les plus prioritaires font bon ménage avec les aspirations les moins essentielles et aux relents populistes.
De prime abord, on peut dire que le nouveau chef du Gouvernement aura fait montre d’une relative fidélité à ses engagements antérieurs, quoique substantiellement abrégés pour être adaptables au délai imparti. Les dix (10) exigences et conditions naguère posées aux anciennes autorités sont ainsi réduites en sept (7) domaines prioritaires parmi lesquels les plus réalistes et urgents sont liés par des rapports de conditionnalité. Il s’agit notamment de procéder aux réformes institutionnelles nécessaire et de s’attaquer à la sécurisation du territoire sans laquelle aucune consultation électorale ne serait possible. Pour ce faire, Choguel Maiga promet une accentuation des opérations militaires pour rendre effectif le retour de l’administration ainsi que l’organisation d’assises nationales de la refondation en vue de déblayer le terrain à la fois aux réformes qu’à l’élaboration d’un nouveau cadre juridique de gestion des élections par l’organe unique et indépendant tant sollicité par la classe politique.
Ainsi, par-delà la relecture consensuelle de la constitution, il est question de revisiter la charte des partis et la loi électoral et de sécuriser le fichier électoral pour circonscrire les motifs de contestation des élections
Dans la mêmeveine, le Conseil de cabinet a été l’occasion de donner le ton sur d’autres aspects sur lesquels était très attendu le nouveau Premier ministre, lequel annonce une réadaptation de la politique de décentralisation et de gouvernance locale ainsi qu’une relecture dite «intelligente de l’Accord» pour la paix qui recèle de vicieux engagements de l’Etat dans ledit domaine.
Le nouveau chef du Gouvernement n’a guère moins conscience, par ailleurs, de la nécessité d’entretenir une atmosphère sociale propice et favorable à la réalisation de tous ces chantiers. Il table pour ce faire sur « une trêve globale » avec les différentes composantes du front social, qui n’ont l’air visiblement d’avoir baissé la garde par rapport à la mise en œuvre des engagements auxquels ont souscrit les autorités à leur endroit.
Voilà pour les actions urgentes les plus essentielles et opportunes pour la réussite de la Transition. Pour le reste, l’action gouvernementale semble tirer sa substance et sa teneur d’accessoires sur lesquels l’équipe Choguel voudrait asseoir sa crédibilité et une sympathie auprès des masses. Il sera ainsi question également d’assouvir des attentes populistes que le Premier ministre a lui-même motivées en ces termes : «…Il nous appartient …de conforter l’espoir et d’obtenir l’adhésion de la grande majorité des Maliens». C’est au nom de cette logique, visiblement, qu’une vaste opération de nettoyage de l’écurie d’Augias est annoncée. Il s’agit d’engager une lutte implacable contre l’impunité déclinée dans le propos du Premier ministre comme suit : «De véritables poursuites judiciaires, consécutives aux tueries et exactions contre les victimes des journées de juillet 2020, seront également engagées.
De même, ceux qui sont appelés à servir l’Etat ne peuvent se servir de l’Etat en pillant les maigres ressources de notre pays, au vu et su de tous sans conséquence. A leur encontre, le gouvernement insufflera une politique de lutte implacable contre la corruption en appuyant de façon systématique les actions judiciaires dans tous les dossiers de détournement de deniers publics. Des audits seront commandités dans les institutions, les grandes administrations, les grands projets nationaux et locaux et dans les collectivités, ainsi que sur le patrimoine immobilier et minier de l’Etat.
Le ton est ainsi donné, le décor planté et les couleurs annoncées puisqu’il pourrait bien déboucher sur un épouvantail dissuasif ou une verge répressive contre ceux-là que le Premier ministre soupçonne d’être «les vents et marées hostiles» à la Transition. L’absence des composantes de la majorité sortante serait-elle un signal dans ce sens ?
A KEÏTA