La gouvernance et la réconciliation nationale qui sont aujourd’hui sur toutes les lèvres ne laissent pas indifférents le M5-RFP (Mouvement du 5 Juin /Rassemblement des Forces Patriotiques). Le 21 février 2021 à Bamako au Palais de la Culture Amadou Hampaté Bâh, le M5 a organisé un meeting pour donner son point de vue sur le sujet.
Question éminemment sensible et complexe, la gouvernance et la réconciliation nationale, dans le fond, ont besoin de clarification, de l’avis du M5-RFP. Cela pour permettre aux maliens d’être sur la même longueur d’onde. Pour ce regroupement en effet, «les affaires semblent encore assez floues dans les esprits des uns et des autres». Car les responsables du mouvement se disent convaincus, preuves à l’appui, qu’il existe une complicité objective et une convergence d’intérêts entre le défunt régime d’IBK et les autorités militaires de la transition. Depuis, les responsables du M5-RFP déclarent, à qui veut l’entendre, qu’ils ne peuvent ni s’associer ni assumer la gouvernance en cours, ni rester non plus des observateurs passifs de ses dérives.
Quel que soit le modèle de gouvernance et de réconciliation à adopter, le M5 trouve la question simple et complexe à la fois. Pour lui, il faut arrêter de tourner en rond et poser les vrais problèmes. Il faudra à un moment donné, faire un choix d’opportunité. Un choix dont l’efficience dépendra de la bonne volonté de tous les acteurs et de leur capacité à s’oublier pour enfin penser à l’intérêt général, à celui du pays. Des dossiers méritent une attention toute particulière, selon les responsables du M5-RFP. Il s’agit, entre autres, des crimes de sang et des crimes politiques, des conflits communautaires, fonciers.
Pour le M5, deux solutions sont nécessaires pour une réconciliation nationale véritable : la justice classique et celle transitionnelle. Il propose par conséquent la mise en place d’une cellule autonome pour travailler avec le gouvernement. L’expertise de cette cellule composée de chefs coutumiers et religieux, d’acteurs politiques et de la société civile, pourrait permettre d’aboutir à une vision consensuelle sur chaque dossier.
La contestation grandit contre l’emprise des militaires sur la transition
Installées après le putsch du 18 août 2020, les autorités de transition au Mali font face à une contestation grandissante, un acteur majeur de la crise politique, le M5-RFP, se braque contre l’emprise jugée excessive des militaires.
À en croire, le M5 « quand on n’est pas d’accord, on dit : Non ». Aussi, il soutient qu’il dit non et agira en conséquence pour mettre un terme à la perpétuation des pratiques que le peuple malien, sous sa houlette, a combattu au prix du sang des martyrs tombés sous les balles assassines du régime déchu.
Pour cette raison, les responsables du mouvement précisent qu’au-delà des annonces futiles du pouvoir militaire, le M5-RFP réaffirme sa ferme détermination à obtenir justice et réparation pour eux.
S’agissant de la ‘’caporalisation’’ de l’administration publique, le M5-RFP déplore les velléités de quelques hauts gradés des Forces de défense et de sécurité qui ont usurpé la victoire du peuple, de troquer le treillis militaire contre le costume ou le boubou civil et d’abandonner les théâtres des opérations pour s’embourber dans les jeux et intrigues à Bamako et ailleurs. « Ce sont eux qui sont responsables de l’aggravation et de l’extension de l’insécurité par leurs comportements et ses impacts négatifs sur le moral de la troupe », fustigent les responsables du M5 dans leurs déclarations.
Sur la question lancinante de la lutte contre la corruption et la délinquance financière, le mouvement tombeur du régime IBK dit non à l’impunité pour les auteurs de la corruption et de toutes les autres formes de délinquance financière qui ont ruiné et appauvri notre pays et qui continuent de narguer le peuple malien auquel ils ont imposé des conditions de vie infrahumaines. Pire, le M5 précise que les pratiques de corruption continuent à tous les niveaux à un rythme effrayant.
Ainsi, s’adossant à la volonté du peuple malien à travers les prises de positions de toutes ses composantes, le M5-RFP dit non à la mise en œuvre intégrale et accélérée de l’Accord d’Alger et exige, pour le moins, sa relecture. « L’intégrité territoriale du Mali, la souveraineté nationale, l’unité nationale, la forme républicaine et laïque de l’État ne sont pas négociables », soutiennent mordicus, les responsables du M5.
Par rapport à la marche d’une transition sans boussole ni repère, ne sachant où aller ni que faire, le principal mouvement de contestation contre le président déchu IBK prône la tenue, sans délai, des Assises nationales de la refondation pour arrêter le pilotage à vue, les multiples dérives et surtout pour fixer un cap à l’action publique.
Quant au maintien d’un Conseil national de transition (CNT), le M5-RFP estime qu’il est illégal, illégitime et budgétivore. À cet égard, il exige sa dissolution pure et simple. « La procédure de dissolution introduite auprès de la Cour suprême ne peut qu’aboutir au regard de la solidité de nos arguments et du souhait des Maliens de ne plus avoir à faire à des juges aux ordres comme dans un passé récent », mentionne le M5.
Sur la question des prochaines élections générales, le mouvement dénonce les manœuvres en cours pour faire des élections à venir une cession du pouvoir à un homme choisi par la junte pour perpétuer son pouvoir et s’assurer d’une immunité. « La Transition en général et le processus électoral en particulier, ne peuvent continuer à être l’affaire d’une junte militaire qui a décidé de faire main-basse sur tout le Mali, les institutions, l’administration, l’économie, les élections… », déplore le mouvement.
En ce qui concerne les arrestations arbitraires et extrajudiciaires, le M5-RFP dit non aux injustices qui se perpétuent ; aux atteintes aux libertés d’expression, de la presse, de manifester et aussi aux démolitions sélectives d’habitations sans le moindre respect des règles procédurales et de la dignité humaine, dans le mépris total des missions et des priorités assignées à la Transition. « Avec le M5-RFP, les Maliennes et les Maliens disent non, non et non et agissent en conséquence pour redonner à la Transition son vrai sens et la trajectoire dont elle n’aurait jamais dû dévier. Nous le ferons pour nos Martyrs. Nous le ferons pour notre peuple. Nous le ferons pour la grandeur de notre pays”, renchérissent les responsables du M5.
Enfin, le M5-RFP a laisse entendre que ce rassemblement n’est que le premier jalon de l’entreprise de rectification de la Transition que le mouvement a entamée et qu’ils comptent conduire ensemble à terme.
Jean Pierre James
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