Gouvernance économique : Pourquoi le Mali vend ses bijoux de famille?

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Ses terres agricoles de l’office du Niger, le fleuron de ses industries agro industrielles, Huicoma et la Cmdt, ses banques, la Bdm- Bmcd, la Bim et la Bhm,  ses hôtels, l’Hôtel de l’Amitié, le Grand Hôtel, et enfin sa  seule société de téléphonie mobile,  la sotelma  etc.  Tout est vendu ou en voie d’être vendu, ou même bradé.

 La vague des privatisations  a concerné tous les secteurs d’activité les plus porteurs de l’économie malienne, depuis que le pays s’est mis sous les fourches caudines   des institutions de Breton Woods, c’est à dire la banque mondiale et le FMI sous le régime Moussa Traore à nos jours.

La raison de cette mise sous tutelle est évidente. Le pays vit au dessus de ses moyens, les recettes issues de l’activité économique  interne sont insuffisantes pour couvrir les dépenses courantes et dégager une épargne pour l’investissement, autrement dit, la richesse produite par le pays est insuffisante pour couvrir ses besoins.  Le pays avait le choix entre un certain nombre de solutions à savoir augmenter les recettes internes très largement de manière a couvrir la dépense publique, réduire la dépense de manière à ce qu’elle soit couverte par les ressources internes, ou laisser croitre la dépense plus vite que les ressources internes et garder le même  train de vie en faisant financer le gap par l’apport extérieur. C’est cette solution que le pays a choisi. Or cette solution,  moins contraignante est une solution de facilité qui entraine un endettement croissant insoutenable pour un  pays qui émarge  au guichet des Pays Pauvres Très Endettés.

Puisque les politiques économiques suivies ne créent pas suffisamment de richesses pour couvrir les dépenses exposées dans le budget  dont le règlement des échéances de la dette,  le pays est pris dans un engrenage où il est même obligé de s’endetter pour pouvoir régler sa dette. Tout y passe, et le pays se retrouve dépendant de l’aide extérieure pour survivre. On lui demande d’appliquer certaines recettes économiques pour s’en sortir c’est dire appliquer en matière économique, les recettes néo libérales, c’est à dire dégraisser l’Etat et  réduire les dépenses courantes, ce qui revient à  l’ajuster à ses ressources hors dons, réduire la taille du secteur public marchand, maitriser les dépenses improductives.

La doctrine néo libérale est  fondée sur le profit et la rentabilité à tout prix afin de rémunérer les détenteurs du capital et attirer les investissements directs étrangers.  Elle rime avec le moins d’Etat dans le secteur productif et une meilleure gestion des entités publiques.    Le constat est édifiant pour le Mali. Toutes les nombreuses unités industrielles héritées de l’ère  Modibo Keita ont été mises en faillite,  fermées ou privatisées pour cause de mauvaise gestion essentiellement.  Et pour cause, les Dg, ou PDG de ces structures n’avaient ni l’expérience, ni la formation adéquate, ni les moyens en ressources humaines  pour gérer efficacement  ces entreprises. Elles présentaient  des déficits de gestion très importants, et n’étaient maintenues en vie que par les subventions de l’Etat providence. Puisque l’Etat lui même vit de subventions extérieures et ne peut boucler son budget que par les dons et  l’emprunt extérieur,   le Mali,  pour accéder aux ressources indispensables au fonctionnement d’un état viable, s’est plié aux exigences du couple FMI Banque Mondiale auquel les autres bailleurs de fonds donnent un mandat de représentativité.

Au demeurant,  la gestion des finances publiques est loin d’être vertueuse comme en témoigne les rapports de l’ancien Vérificateur général, amplifiant les besoins de financement de la puissance publique tandis qu’ une partie non négligeable des ressources disponibles  est dilapidée en dépenses de souveraineté ( entretien d’une armée mexicaine, parc auto du gouvernement surdimensionné ;  distribution de carburant aux fonctionnaires bien placés, voyages et perdiems à gogo, profusion de représentations diplomatiques Etc.)  ou dissipée d’une façon ou d’une autre. Abonné aux guichets des pays pauvres très endettés, le Mali peine à boucler ses fins de mois sur ressources propres depuis bien longtemps.

Ne pouvant faire face aux dépenses d’un secteur public encore dense, mais en cours de démantèlement et couvrir les déficits de gestion des fleurons économiques,   l’Etat a choisi de brader ses terres agricoles, ses banques, ses hôtels, son agro industrie  donc ses bijoux de familles pour atténuer ses déficits.   Il aurait pu essayer de réduire la dépense publique, ne pas accepter les revendications corporatistes qui l’aggrave  sans ressources nouvelles pour les financer, lutter efficacement contre la corruption, rien n’y fit.  La faiblesse de l’Etat ne permet pas d’atteindre un tel objectif. Pour cela, il faut une gestion vertueuse des deniers publics et un Etat fort pour appliquer les mesures de réductions des dépenses de fonctionnement. Ces ajustements   sont douloureux, mais ils sont la clé de l’indépendance économique. Le Mali vit largement au dessus de ses moyens, avec un déficit du budget de l’Etat de près de 30 milliards qu’il va chercher à combler en allant s’endetter davantage auprès  des bailleurs de fonds et tendre la sébile.  Ceux  qui sont décidés à lui prêter main forte, en retour lui demandent des contreparties. Si ce sont les bailleurs de fonds occidentaux, on lui impose des mesures de redressement de l’économie.  Ce qui, pour un État,  veut dire réduire son train de vie,   augmenter et mobiliser  les recettes internes ( impôt dont la TVA, droits de douane, recettes de privatisation, vente des licences de téléphonie  Etc. ) ; maitriser, voire réduire la masse salariale, réduire ou maitriser les autres dépenses de fonctionnement.    La révolution du 26 mars est la résultante de l’impossibilité du général Moussa Traore de satisfaire à la fois les revendications sociales c’est à dire l’augmentation de la dépense publique et  les diktats de l’ajustement structurel, c’est à dire la réduction de cette même dépense publique.

Alpha, qui avait mis en avant sa ferveur patriotique, a compris que les fondamentaux de l’économie malienne ne lui laissent que très peu de marge de manœuvre. Il comprit pourquoi Moussa Traore ne pouvait satisfaire, une augmentation de 50% de ceci ou de 100% de cela, après coup, lorsque lui même est venu aux affaires.  La gestion du pouvoir a ses réalités que l’opposition ne perçoit pas. Il y a assurément un rapport de force en défaveur de nos gouvernants lorsqu’ils sont entre l’enclume de la demande sociale et le marteau des bailleurs de fonds.

 

Birama  FALL


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