Ce n’est que le 12 octobre 2012, lorsque tout le septentrion malien est occupé que le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) se réunit pour demander à la Cédéao et à l’Union africaine d’établir un plan d’action par sa résolution numéro 2071. Elle donne 45 jours à ces organisations pour préparer leurs plan et feuille de route ! Pas d’urgence tant que meurent des Maliens. Qui se souciait de la famine qui sévit dans toute la bande sahélienne ? La France se taisait à l’époque.
Le plan sera donc soumis à l’ONU en vue de l’adoption d’une nouvelle résolution qui permettrait l’intervention de la future force, appelée désormais Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (Misma), dans les zones sous contrôle des groupes armés du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), d’Ansar Dine, d’Aqmi et du Mujao. Ce qui est étrange et extraordinaire, qui trahit la pensée impérialiste des rédacteurs qui font partie du Conseil de sécurité, c’est qu’il est textuellement écrit dans la résolution 2071 adoptée par le Conseil de sécurité : “La situation au Mali constitue une menace contre la paix et la sécurité internationales”. Elle ne dit pas une menace pour le peuple malien, pour l’Etat malien ou pour l’intégrité du territoire malien ! Si l’on s’en tient uniquement au contenu, la résolution ne vise pas les intérêts du Mali mais à protéger “la paix et la sécurité internationales”, et ce n’est que subsidiairement que le CSNU impose la mise en place d’une force militaire internationale “en vue de la reconquête des régions occupées du nord du Mali”.
Selon Alterinfo (6-4-2012), depuis 2011, des convois d’armes libyennes ont été acheminés au Mali, via le Tchad, avec les complicités des services de renseignements français. Etaient-ils destinés au MNLA, au Mujao ou aux autres factions de mercenaires ? Des ressortissants français sont pris en otages en Afrique. La France tente de libérer l’un d’entre eux en Somalie, un certain Denis Allex, un agent de la DGSE enlevé le 14 juillet 2009, à Mogadiscio. L’opération est ratée et le commando perd deux soldats en plus de l’otage. La France continue à faire pression pour trouver un bon alibi pour intervenir au Mali, mettant en avant ce nouveau drame. Un bon casus belli justifierait l’invasion coloniale américaine camouflée sous les bons hospices de l’ingérence humanitaire. A Bamako, le fragile gouvernement de transition a désigné une ligne rouge à ne pas franchir par les mercenaires : le franchissement de cette ligne mettra le pouvoir central en danger. Au Tchad, en 1986, une ligne rouge (celle du 16e parallèle) a aussi été désignée par Hissène Habré, le dictateur qui a demandé de l’aide à Paris lorsqu’il s’est senti menacé par l’armée libyenne en soutien aux forces loyales au président déchu Goukouni Oudeï. Pendant ce temps-là, les forces mercenaires ne cessent de renforcer leurs positions au Mali, grâce aux armes et à l’argent qataris. En se basant sur une information de la Direction du renseignement militaire (DRM) française, le Canard enchaîné du 26 mars 2012, a révélé que des 4×4 frappés du Croissant-Rouge qatari ont été vus au Mali et a précisé que Doha finançait les groupes armés qui ont pris le contrôle du nord de ce pays : selon la source de l’hebdomadaire, “les insurgés du MNLA (indépendantistes et laïcs), les mouvements Ansar Dine, Aqmi (Al- Qaïda au Maghreb islamique) et Mujao (djihad en Afrique de l’Ouest) ont reçu une aide en dollars du Qatar”. Le Canard insistait sur le fait que les responsables français, au premier rang desquels le ministre de la Défense, n’ignoraient rien de l’affaire et que la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) aurait transmis plusieurs notes à ce sujet à la présidence de la République française. Des mois durant, les 4×4 frappés du sigle du Croissant-Rouge qatari ont continué à sillonner le désert malien, bourrés de dollars, sans que l’Elysée réagisse. Des avions auraient même atterri au Mali de nuit et déchargé des cargaisons, selon des témoins maliens.
Terrorisme transnational et intérêts qataris…
Le 3 avril, sept diplomates algériens sont kidnappés à Gao, au Mali. Or, le 3 avril 2012, le chef d’état-major des forces armées du Qatar, le général-major qatari, Hamad Bin Ali Attiya, débarque à Alger sur “invitation” du général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’ANP. Lors de l’entrevue avec le président Bouteflika, assistera même le ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel, qui est surtout chargé du dossier du terrorisme. Outre sa relation évidente avec le Mali, la convocation du général qatari avait-elle un lien avec la prise d’otages des sept Algériens qui est survenue, chose étonnante, le jour-même ou la veille de sa venue à Alger ? Après l’information donnée en mars 2012 sur l’implication du Qatar, le Canard enchaîné du 6 juin 2012 publie un autre article disant que Doha finançait les groupes armés qui ont pris le contrôle du nord du Mali : “Les insurgés du MNLA (indépendantistes et laïcs), les mouvements Ansar Dine, Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique) et Mujao (djihad en Afrique de l’Ouest) ont reçu une aide en dollars du Qatar.” Parmi les récipiendaires figure donc le Mujao qui a kidnappé sept diplomates algériens. Comme quoi le Qatar… Comme pour faire pression sur Alger afin d’intervenir au Mali dans le cadre global, des attentats sont perpétrés à Tamanrasset, Ouargla et Tindouf. Les services secrets occidentaux fabriquent de fausses filières terroristes vers les pays où les intérêts de leurs pays sont en jeu. Les faux “islamistes”, ces nouveaux mercenaires, sont l’argent béni de l’impérialisme occidental qui promet à ses citoyens de ne plus faire de guerres qu’indirectes avec les sous-développés. Les interventions auront lieu dans des théâtres à forte valeur ajoutée sur des opérateurs à forte valeur ajoutée, l’Occident se contentant de “l’assistance militaire” et de l’intelligence. La guerre armée quant à elle se fait par procuration par des supplétifs dits “djihadistes”, séparatistes ou autres “combattants de la liberté” qu’il s’agira de soutenir matériellement, technologiquement, scientifiquement, de former, d’équiper et d’orienter, ouvertement comme en Libye, en Syrie et de liquider par la suite, comme au Mali, si nécessaire. Désormais, la guerre est indirecte et se fait par propagation, contagion puis élimination, en cas de besoin. Les 200 mercenaires du GICL (Al-Qaïda libyenne) utilisés pour éliminer Kadhafi serviront ultérieurement à former les mercenaires en Syrie et y mener un nouveau “djihad”. Propagation du djihad = extension des intérêts américains.
En juin 2012, Abdelkrim Belhadj avait déjà envoyé 700 mercenaires libyens en Syrie. Il a récolté des milliards, payés rubis sur l’ongle par le Qatar. Puis, selon le New York Times, Qumu et Al-Libi, des subalternes de Balhadj, qui avaient aidé les Américains à dégommer Kadhafi seraient suspectés de l’assassinat de l’ambassadeur américain et ses deux fonctionnaires… Les dommages collatéraux sont pris en compte par le Pentagone : une médaille comme récompense. La prétendue lutte contre Al-Qaïda en Afghanistan a permis de contaminer tous les pays musulmans et au-delà de leurs frontières, déstabilisant les ennemis. Les services secrets sont donc chargés du travail le plus complexe des guerres du XXIe siècle, selon le Rapport Horizons Stratégiques 2012 du ministère français de la Défense qui fait des prévisions pour les 40 années à venir. Pour cela, ils utilisent les moyens pervers de la corruption et de la compromission des élites, et parfois en s’impliquant directement, voire en sacrifiant quelques éléments des forces spéciales payés pour cela. Ils sont même chargés de se faire prendre en otages, pour faire vrai. Ils utilisent le trafic de la drogue ou le prétexte de son développement non sans l’avoir développé (Indochine, Colombie, Mali, Afghanistan où ce fléau n’existait pas et qui est devenu un grand producteur aujourd’hui). Parfois, pour faire vrai, ces agents des renseignements occidentaux sont appelés à mourir, comme lors d’une opération de sauvetage de l’un deux, qui a eu lieu en Somalie comme par hasard quelques jours seulement avant l’intervention française au Mali. Nous parlerons plus loin de ces nombreux otages-espions français. Les Etats-Unis avancent donc en Afrique, en se servant des réseaux coloniaux de la Françafrique et non pas de leur propre étendard. Ce n’est pas le drapeau qui compte mais les dollars. Même les bidasses sont des victimes de ce nouvel ordre mondial militaro-financier qui sacrifie les faibles sur l’autel des riches. Selon certaines sources, c’est la DGSE qui détiendrait les otages algériens kidnappés à Gao, par l’entremise de leurs mercenaires camouflés sous la bannière de “djihadistes”.
Pays victimes ou coupables ?
En outre, Roland Marchal, chercheur au Centre d’études et de recherches internationales de sciences politiques à Paris (CERI) affirme : “De la même façon que le Qatar a fourni des forces spéciales pour entraîner une opposition à Kadhafi, on pense qu’un certain nombre d’éléments des forces spéciales qataries sont aujourd’hui dans le Nord-Mali pour assurer l’entraînement des recrues qui occupent le terrain, surtout Ansar Dine.” Quant à Sadou Diallo, l’ex-maire de Gao au Mali, il disait sur RTL : “Le gouvernement français sait qui soutient les terroristes. Il y a le Qatar par exemple qui envoie soi-disant des aides, des vivres tous les jours sur les aéroports de Gao, Tombouctou, etc.” Le Qatar s’est-il permis de distribuer armes et argent aux terroristes et aux “rebelles” sans l’aval américain ? Qui finance ne commande pas toujours, car il est connu que Doha ne joue que comme agent ou intermédiaire… Le journal Malien l’Indépendant du 6 avril (le lendemain de l’enlèvement du consul d’Algérie) écrivait, quant à lui, qu’un cargo qatari avait atterri à l’aéroport de Gao pour livrer des armes et des stupéfiants aux rebelles, d’autres sources maliennes parlent même de plusieurs cargos à des dates différentes, ajoutant que des islamistes affluaient du Sud du Niger, du Tchad et du Nigeria (Boko Haram) vers le nord du Mali.
A.E. T. (17 février 2013)