Manger beaucoup de légumes et de fruits et assez peu de viande rouge est bon pour la santé mais semble n’avoir aucun impact favorable sur l’environnement, et peut même augmenter l’impact carbone de l’alimentation, selon des chercheurs français.
Des chercheurs de l’Inra (Institut national de la recherche agronomique) et du Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) viennent de publier une “réflexion stratégique” sur les possibilités d’une alimentation durable, considérée de la sortie du champ à l’assiette du consommateur. Nicole Darmon et Louis-Georges Soler, de l’Inra, ont travaillé particulièrement sur l’impact carbone de l’alimentation. Jusqu’à maintenant, on estimait que pour réduire l’impact carbone de son alimentation, il suffisait de réduire la consommation de viande rouge en provenance de ruminants, puisque, rappellent les chercheurs, “ce sont les aliments dont la production entraîne le plus d’émissions de gaz à effet de serre par calorie”. L’élevage compte pour 80% des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole.
En outre, une alimentation riche en fruits et légumes et comportant des produits animaux en quantité modérée est meilleure pour la santé. Reprenant une étude sur les consommations alimentaires menée de 2005 à 2007, les chercheurs en ont tiré une estimation de l’impact carbone de l’alimentation habituellement consommée en France, ainsi qu’une analyse de cet impact en fonction de la qualité nutritionnelle. Il apparaît ainsi que les hommes ont un impact carbone supérieur à celui des femmes (4,7kg équivalent CO2/j pour les hommes contre 3,7 pour les femmes), particulièrement parce qu’ils mangent davantage. Ils consomment aussi davantage de viandes rouges ou de charcuteries, dont l’impact carbone est dix fois plus élevé que celui des fruits et légumes.
Les chercheurs ont comparé ensuite l’impact de l’alimentation nutritionnellement adéquate -riche en certains nutriments et à faible densité énergétique, où les produits végétaux constituent une grande part de la consommation- et celui d’une alimentation à base de viande. Ils ont constaté que la qualité n’avait pas à voir avec l’impact carbone. Ainsi, chez les hommes, l’impact carbone est le même quelle que soit la qualité de la nourriture. Quant aux femmes, “celles qui mangent le mieux ont l’alimentation qui entraîne le plus d’impact carbone”, a récemment souligné Nicole Darmon devant la presse. Car pour compenser l’absence relative de viande, on mange des aliments peu impactants -yaourts, fruits et légumes, féculents- mais en grande quantité. “Manger bien, c’est manger beaucoup d’aliments avec peu de densité énergétique”, note-t-elle. “La vision selon laquelle les produits végétaux sont bons pour la santé et l’environnement alors que les produits animaux seraient à la fois mauvais pour l’environnement et la santé apparaît simpliste et nécessite d’être reconsidérée”, estiment les chercheurs. D’autres chercheurs ont étudié l’impact des gaspillages -”20% des aliments achetés sont jetés à domicile, 12 % étaient comestibles”, a souligné Catherine Esnouf (Inra). Ou les problèmes de l’urbanisation : pour la distribution, “ce qui se joue dans les cinq derniers kilomètres est ce qui pèse le plus en matière d’impact sur l’environnement”, a affirmé Bertrand Schmidt (Inra).