Front social: le pays à l’épreuve du temps

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Front social: le pays à l’épreuve du temps
Modibo Keita

Alors que la crise sécuritaire fragilise déjà l’équilibre socioéconomique et politique de notre pays, c’est le front social qui s’embrase. En effet, depuis quelques mois, ce sont des grèves à n’en pas finir dans les secteurs les plus stratégiques: santé, éducation, justice, administration.

Face à cette situation qui préoccupe les Maliens soucieux de l’avenir et du devenir de leur pays, malheureusement la recherche des intérêts souvent égoïstes et démesurés a pris le pas sur la raison qui doit pourtant prévaloir en ces temps de rudes épreuves.

Si en 2013, les Maliens se souciaient en priorité de la sauvegarde de leur patrie ; de la paix, de l’unité nationale, de la cohésion sociale, ainsi que de l’intervention des forces étrangères pour aider notre vaillante armée à chasser les djihadistes ; et de l’élection démocratique d’un nouveau président de la république ; hélas ! Ces préoccupations légitimes sont, de nos jours, reléguées au second plan.

Aujourd’hui, méconnaissant ou faisant sembler d’ignorer les capacités économiques réelles et les marges budgétaires du pays, des corporations font de la satisfaction de leurs conditions de vie et de travail leurs priorités peu importe d’où l’Etat sortira les moyens pourvu qu’elles soient satisfaites. Ce, au grand bonheur d’une opposition politique aux ambitions mal inspirées, surréalistes, qui croit déjà que son heure est arrivée. Une opposition qui d’ailleurs n’hésite plus à raviver les tensions en vue de précipiter le pays dans l’abime. Alors, depuis bientôt une année, le mercure ne cesse de monter sur le front social.

Comme dirait l’autre, la saison des grèves se poursuit bel et bien dans le pays dans une logique de surenchère qui ne trompe personne. Qui a intérêt à paralyser l’État ?, peut-on s’interroger au regard de la succession des événements

Après un premier round de 48 heures, la semaine dernière, le Syndicat national de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique (SNESUP), non satisfait des réponses apportées à ses doléances, observe, depuis le 14 mars une nouvelle grève de 72 heures. Ces professeurs de l’Enseignement supérieur et de la recherche demandent, la signature immédiate du rapport de la Commission tripartite déposé le 31 janvier 2017 et l’application immédiate de la grille plafond 3000 et plancher 1368 au personnel enseignant de l’enseignement supérieur et aux chercheurs ; l’adoption immédiate du nouveau statut « Enseignant-Chercheur » avec : les 4 fonctions (Assistant/Attaché de Recherche, Maître Assistant/Chargé de Recherche, Maître de Conférences/Maître de Recherche, Professeur/Directeur de Recherche) ; les charges horaires actuelles en semestre ; la transposition des Assistants/Attachés de Recherche Docteurs dans le corps des Maîtres Assistants/Chargés de Recherche, etc.
A l’autre échelle de notre système éducatif, l’on retrouve, le Collectif des enseignants dit des signataires du 15 octobre 2016. Il regroupe en son sein un nombre important de syndicats évoluant aux niveaux fondamental et secondaire. Ce collectif, depuis le lundi dernier, observe une grève de 216 heures, mettant l’école dans une situation de paralysie en cette période cruciale des évaluations du deuxième trimestre de l’année scolaire. Au cœur de la discorde entre les enseignants grévistes et le gouvernement, l’adoption d’un statut autonome en faveur des premiers. Les frondeurs accusent l’État de ne pas avoir respecté ses engagements à leur endroit.
D’ailleurs, si ce point de revendication avait fait l’objet d’accord entre les deux parties, il est important que contrairement aux arguments avancés par les syndicats lors de leur meeting d’information du jeudi 2 mars 2017, au Pavillon des sports du Stade Modibo Keita de Bamako, le gouvernement ne s’est jamais engagé à donner un statut autonome aux enseignants. En atteste le procès-verbal de conciliation du 8 janvier 2017 points 1, 2 et 3 : « le gouvernement s’engage à donner un statut aux enseignants… »
Autant dire que l’ensemble du système éducatif de notre pays en ce moment précis est au bord de la paralysie.
En plus de l’Éducation, un autre secteur non des moindres, la santé est en grève illimitée. En effet, le Syndicat national de la Santé, de l’Action sociale et de la Promotion de la Famille (SNS-AS-PF) et la Fédération des Syndicats de la Santé et de l’Action sociale (FESYSAM) ont entamé, depuis jeudi dernier, une grève illimitée sur toute l’étendue du territoire national, paralysant, du coup, les centres de santé et les hôpitaux du pays au grand dam des usagers.

« Nous sommes désolés devant la situation. Ce n’est pas une situation qui date d’aujourd’hui, il y a eu des préalables. Il y a eu la grève de 48 heures, suivie d’une grève d’une semaine, et maintenant, c’est la grève illimitée. Nos revendications datent depuis longtemps. Nous souhaitions, nous-même un dénouement rapide de la situation, pourvu que les autorités prennent l’initiative. Il faut qu’elles pensent à la souffrance des populations. Nous sommes prêts à travailler, mais pas dans les mauvaises situations », a martelé un gréviste à notre équipe de reportage mardi.
Au-delà de la pression sur l’exécutif, la saison des grèves, telle qu’elle est agencée, au niveau des différents secteurs, et selon le rythme qu’elle se reproduit, s’annonce difficile pour un pays, déjà bien fragilisé par de nombreuses difficultés récurrentes. Ce contexte de fragilité socio-politique, sur d’autres cieux, devrait constituer un facteur de détente sociale, par laquelle bien de moratoires, comme c’est le cas souvent entre syndicats et pouvoirs publics, se nouent.

Certes, les périodes électorales sont favorables à l’agitation sociale, comme c’est le cas, pour notre pays, qui rentre, dans une année au moins, dans une période politique agitée, celle de la présidentielle de 2018. Mais de là, à tout mettre en cause, même les fragiles accords sociaux, avec en toile de fond des revendications maximalistes, il y a le risque de courir tout droit vers le mur et, de ce fait, rendre improbable la défense des intérêts des travailleurs. Et ça, ce n’est pas le propre de l’action syndicale.

Par Sidi Dao

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1 commentaire

  1. Les opposants n’ont aucun intérêt à ce que le pays brûle. Ils veulent simplement, que le Bon Dieu sauve notre pays d’un régime familial et clanique, qui est en train de détruire ce qui nous reste de dignité et de valeurs. C’est la gouvernance d’I.B.K elle même, qui a paralysée le pays. Pourtant, il s’était engagé à résoudre tous ces problèmes, une fois élu, mais, qui ont fini par le rattraper. Depuis son accession au pouvoir, il ne s’est occupé que de l’enrichissement de ses proches et famille, en reléguant les préoccupations essentielles des Maliens à un second plan, puisqu’ils ne l’intéresse pas. Que tout le pays parte en grève contre cet incapable. Voilà quelqu’un qui a passé plus de vingt cinq ans au pouvoir et qui n’a acquis aucune expérience, si ce n’est dans la façon de savourer le whisky et d’en déterminer l’âge de la composition. I.B.K passe plus de temps à siroter son whisky, que de s’occuper de ce pour lequel il a été élu. Le front social va s’enflammer d’avantage, car I.B.K, au lieu de se pencher sérieusement sur les doléances des grévistes, passe le plus clair de son temps, en calculs réélectionnistes grossiers, qui risquent d’ailleurs de le perdre, faute de bilan. De bilan, Dieu sait qu’il en a. La précipitation du Mali dans le gouffre, le manque de vision, les errements, l’amateurisme, la corruption du système et l’insécurité grandissante et son exportation dans les pays voisins, la prolifération des bandes armées, sont là pour témoigner en sa faveur. De bilan, il a le plus morbide que puisse avoir un irresponsable de sa qualité.

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