L’affaire fait grand bruit en ce moment dans le cercle de Kolokani. Les vivres du Commissariat à la Sécurité Alimentaire, offerts à la localité à travers l’ONG GRDR, pour les communes vulnérables du cercle menacées de famine, ont failli mystérieusement disparaitre au profit d’autres personnes (maires, personnel de mairies et autres représentants de l’Etat) qui ne sont nullement dans le besoin, n’eut été la vigilance des députés Yaya Konaré, Ousmane Kouyaté et Sériba Diarra.
Pour tenter de voir clair dans cette affaire scabreuse et donner une saine information à nos lecteurs, nous nous sommes transportés, le dimanche 10 août 2014, dans la capitale du Bélédougou pour mener des investigations.
A cause de la mauvaise pluviométrie de l’an dernier, certaines communes du Nord et du Nord-est du cercle de Kolokani connaissent une situation alimentaire très complexe, avec des risques de famine. Pour faire face à cette menace, le Gouvernement, à travers le Commissariat à la Sécurité Alimentaire, a décidé de venir en aide à ces populations en leur offrant 748 tonnes de céréales.
Et c’est l’ONG GRDR qui a été retenue pour l’acheminement et la distribution de ces vivres, lesquels ont été réceptionnés en début de semaine dernière par le Préfet du cercle. Pour transporter ces céréales dans les communes cibles, certains maires évoqueront le manque de moyens. C’est ainsi qu’il été convenu avec la GRDR de vendre une partie des vivres (10 tonnes, pour être précis) pour couvrir les charges liées au transport.
Il n’en fallait pas plus pour que certaines autorités, maires, sous-préfet et autres agents publics, ne fassent de cette fenêtre ouverte une extrapolation, afin de se faire les poches sur le dos des pauvres populations. Dans cette sale pratique, la tête de pont est sans doute l’ex arrondissement de Didiéni, où le maire Dofing Coulibaly, en complicité certainement avec le sous-préfet, va faire une ponction de près de 20 tonnes sur la quote part de 247, 800 tonnes de la sous-préfecture.
Chargés dans un camion immatriculé AG 6745, ces vivres seront interceptés sur la route de Nara par la Brigade Territoriale de la Gendarmerie de Kolokani, sur dénonciation des députés, alertés par des citoyens. A notre passage dans la ville, le camion était encore immobilisé devant la Gendarmerie avec sa précieuse cargaison. A ces près de 20 tonnes s’ajoutent 200 kilos que les membres de la Commission de distribution et autres personnels de la mairie de Didiéni se sont indûment octroyés. Selon nos informations, la Gendarmerie est à pied d’œuvre pour retrouver les céréales qui ont été détournées par ces agents publics et qui se trouveraient dans des familles et magasins dans les villes de Didiéni et Kolokani.
Pis, au lieu d’offrir 36 kilogrammes de céréales par personne nécessiteuse pour les mois d’août et septembre, comme annoncé, les distributeurs, dans certaines zones, ont préféré procéder autrement. C’est le cas dans cette famille de 70 personnes à Balla, où 400 kilos ont été donnés au lieu de 2 520.
Autre fait troublant dans cette affaire, la surfacturation des frais de transport de ces vivres. Tenez-vous bien, sur une route goudronnée comme celle reliant Kolokani à Didiéni, sur une distance de 39 kilomètres, le sac de 100 kilos a été transporté pour 1 100 FCFA. Il y a aussi la présence dans la ville de Kolokani de 55,4 tonnes de céréales du CSA, alors même que la ville n’est pas concernée par ce don.
On peut penser qu’il s’agit là aussi d’un détournement de la part de certaines autorités politiques et administratives. Pourtant, le ministre Commissaire à la Sécurité Alimentaire disait en substance dans une récente interview que les céréales doivent arriver aux personnes cibles et qu’aucun détournement ne serait toléré. Wait and see.
Joint par nos soins, le maire Dofing Coulibaly dit que rien n’est anormal dans cette distribution. «Tout a été décidé en réunion avec les sous-préfets et préfets concernés. Seulement, une part de notre dotation, 31 tonnes, avaient été enlevée par erreur par Sagabala. C’est ce qui explique le camion dont vous parlez» nous a confié au téléphone le maire.
Idem pour Sagabala
Après la commune de Didiéni, c’est celle de Sagabala qui est la plus touchée par ces détournements qui ne disent pas leur nom. Sur les 275,50 tonnes qu’on a envoyé dans cette zone, les autorités communales, avec à leur tête le maire Mamadou Idrissa Diarra, ont cru bon d’enlever 27 tonnes pour couvrir les frais de transport et de manutention. Une situation qui agace aujourd’hui les habitants de cette commune.
«Ils n’ont certes pas les moyens de faire face à la menace, comme ils le disent eux-mêmes. Mais qu’on nous donne ce qui nous a été envoyé par les autorités. Je ne comprends pas cette attitude de notre maire et de ses conseillers. Chaque fois que nous avons des aides, ils agissent de la sorte pour détourner. C’est choquant. On a l’impression qu’ils ne sont pas venus pour nous» explique un septuagénaire très remonté de Sagabala, à qui nous avons été présentés par des Kolokanois.
Pour sa part, le maire de Sagabala exclut toute tentative de détournement. Au téléphone, Mamadou Idrissa Diarra déclare «par rapport aux frais de transport, nous avons une délibération du conseil communal qui m’a autorisé à le faire. Donc, si culpabilité il y a, je pense que c’est tout le conseil communal qui est là, en assemblée générale avec les différents chefs de villages. On a circonscrit le problème aujourd’hui. Ceux qui ont annoncé la nouvelle avaient pensé qu’on avait détourné. Ils n’avaient pas compris que c’était le transport» nous a-t-il expliqué.
Si, du côté de Didiéni et de Sagabala, des voix s’élèvent pour conclure à des détournements, à Massantola, troisième commune concernée, on parle avec beaucoup de réserves. Ayant eu vent que le pot aux rosex avait été découvert, le maire de la localité n’aurait pas touché à son butin de plus de 17 tonnes pour le transport et la manutention. Toutes choses qui nous ont été «confirmées» par le premier responsable de la mairie. «J’ai transporté ma dotation de 169, 3 tonnes sans problème. Je n’ai touché à aucune graine» nous a-t-il précisé.
Au Commissariat à la Sécurité Alimentaire, on se refuse à parler de détournements. La Chargée de communication, que nous avons contactée, affirme, depuis Ségou où elle se trouvait, que les modalités du transport des vivres ont semble-t-il été définies d’un commun accord avec l’ONG GRDR.
Aux dernière nouvelles, il nous est revenu que l’affaire avait connu un dénouement heureux. Grâce à l’engagement des trois députés élus dans la circonscription, les populations ont été remises dans leurs droits. Au sortir d’une réunion avec l’ensemble des autorités politiques et administratives, il a été décidé, sur exigence des Honorables Yaya Konaré, Ousmane Kouyaté et Sériba Diarra, que les vivres soient acheminés sans déduction de frais de transport et de manutention.
Yaya Samaké