Après trois jours de travaux, les participants aux concertations nationales ont adopté, le samedi 12 septembre 2020, la charte finale de la Transition. Même si certains groupes ont applaudi, d’autres, dont le M5-RFP, ont rejeté le document. Ceux-ci dénoncent une tentative de « confiscation » du pouvoir par le CNSP.
IBK est parti, mais les problèmes demeurent. Cette phrase est toujours d’actualité. Les conclusions des concertations nationales prouvent cela. Le consensus tant attendu au sortir de ces concertations est devenu un rêve.
Le rejet de la charte par le M5-RFP et d’autres groupes
En effet, après trois jours de dur labeur, les participants aux concertations nationales ont adopté la charte proposée par le CNSP. Cependant, certains groupements ont rejeté, en bloc, le document. C’est le cas du M5-RFP. Au sortir de la salle, Mme SyKadiatouSow, membre du comité stratégique de ce mouvement a exprimé sa déception quant aux conclusions des concertations. « Après deux journées de travail intenses dans les commissions de travail, des groupes ont échangé sur la feuille de route et sur la Charte. Mais à la grande surprise, on vient nous présenter un document qui a complètement changé le contenu des rapports qui ont été présentés par tous les groupes », a déploré la présidente de la plateforme An ko Mali dron. Selon Mme SyKadiatouSow, le rapport général qui devait être présenté ne correspond pas du tout à ce qui a été fait dans les groupes. Elle a annoncé que le M5-RFP n’est pas prêt à accepter la charte en l’état actuel. « S’il n’y a pas de débats sur ce qui vient d’être présenté et que les choses se passent correctement, de façon démocratique, qu’on puisse enregistrer les observations, les réactions des uns et des autres, nous n’approuverons pas cette charte », a menacé l’ancienne gouverneur. À en croire Mme Sy, KadiatouSow, le CNSP, à travers l’adoption de cette charte, veut confisquer le pouvoir. « Ce qui vient de se passer est une volonté de confisquer le pouvoir par le CNSP et ceux qui le soutiennent, ceux qui étaient opposés au changement. Nous n’accepterons pas cette confiscation. Nous continuerons à nous battre. Les organisateurs doivent se ressaisir et remettre le document à débat », a-t-elle laissé entendre.
Dans un communiqué publié le même jour, le M5-RFP a indiqué que le document final lu lors de la cérémonie de clôture n’était pas conforme aux délibérations issues des travaux des différents groupes, surtout concernant le choix majoritaire d’une transition dirigée par une personnalité civile ; le choix d’un Premier ministre civil.
Selon ce mouvement, certains points ont été ajoutés à la charte alors qu’ils n’ont jamais fait l’objet de débat. Ces points sont, entre autres : les prérogatives du Vice-président de la transition ; la composition et le mode de désignation des membres du collège de désignation du Président de la transition ; l’acte fixant la clé de répartition entre les composantes du Conseil National de Transition.
Le M5-RFP se plaint également de «la non prise en compte unilatérale de très nombreux points du document qui n’avaient fait l’objet ni de rejet ni même de réserve dans aucun groupe ». Ces points sont, selon le communiqué : les Assises nationales pour la Refondation ; l’organe de gestion du mécanisme de veille sur la Transition ; la Cour constitutionnelle ; le Haut Conseil Consultatif ; la Cour des comptes ; les dispositions à valeur constitutionnelle en faveur de l’accès des femmes et des jeunes aux fonctions électives et nominatives et en faveur des personnes vivant avec un handicap ; l’autorité unique indépendante assurant la régulation de la communication audiovisuelle ; la prolongation des délais de garde à vue en cas de présomption de terrorisme et d’atteinte à la sureté nationale ; la nomination des responsables administratifs et financiers ou questeurs des Institutions de la République par décret pris en Conseil des ministres ; la reconnaissance des mécanismes traditionnels de règlement des litiges fondés sur les us et coutumes des différentes communautés.
Compte tenu des raisons avancées, le M5 a rejeté la charte qui, pour lui, ne reflète pas les points de vue et les décisions du Peuple malien.
En plus du M5-RFP, Moussa Mara, président du parti Yelema n’est pas d’accord avec la charte. « Les gens ne sont pas satisfaits du document. Le M5-RFP n’est pas satisfait, d’autres groupes ne sont pas satisfaits et il ne va pas satisfaire la CEDEAO car les règles de cette institution sont violées dans la charte », a-t-il regretté. Pour l’ex député élu en commune IV du district de Bamako, il faut reprendre le travail. « Je souhaiterai que le document soit entièrement repris. Simplifions les organes de transition. Le choix des animateurs doit être consensuel. Mettons en place des panels de choix et proposons au CNSP », a-t-il recommandé.
Des partis politiques soutiennent la Charte
Dans un communiqué , le Bureau Politique National de l’Alliance pour la Solidarité au Mali – Convergence des Forces Patriotiques, ASMA – CFP a apporté son soutien à la Charte de la transition validée par les concertations nationales tenues les 10, 11 et 12 septembre 2020.
Le parti Soumeylou BoubeyeMaiga dit saluer « l’esprit patriotique et le sens du dialogue qui ont prévalu lors de ces assises ainsi que la maturité dont les participants ont fait montre ». Il dit prendre acte de l’adoption d’une Charte de la Transition et d’une feuille de route auxquelles le Parti souscrit et apporte son soutien. Il a invité l’ensemble des acteurs à s’engager dans la « voie ainsi tracée pour la sortie de crise ». Le parti après avoir remercié la Communauté internationale pour son vif intérêt pour le Mali et invite notamment la Communauté Économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à s’inscrire dans une logique de soutien et d’accompagnement. L’ASMA, précise le communiqué, «réitère au Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP) sa demande de prise de mesures d’apaisement qui passent par l’élargissement des personnalités détenues ».
Enfin, le parti a engagé les autorités à « intensifier leurs efforts en vue de la libération de Monsieur Soumaïla Cissé ».
En plus de l’ASMA-CFP, beaucoup de participants, notamment le Conseil national de la société civile, des groupes politiques de l’ancienne majorité présidentielle… ont validé la charte.
Issa Kaou N’djim du M5-RFP soutient la Charte
Pourtant membre influent du M5-RFP, Issa Kaou N’djim n’est pas pour la position prise par le comité stratégique. Il dit non seulement soutenir le CNSP mais aussi la charte adoptée le samedi dernier. « Je soutiens le CNSP. Je soutiens cette charte. La charte a pris nos préoccupations en compte. Que ceux qui veulent des postes attendent les élections », a-t-il laissé entendre. Pour lui, aucune partie de la charte ne montre la mauvaise volonté ou une confiscation du pouvoir par les militaires. Au même moment, il dit n’être que pour une transition dirigée par un civil, cela pour éviter les sanctions de la CEDEAO. Or, il a été dit, dans la charte que « la transition sera dirigée soit par un civil ou un militaire ». Le bouillant coordinateur de la CMAS a-t-il parlé au nom du M5-RFP ? Non, selon Mme SyKadiatouSow.
« Tous ceux qui se sont prononcés, qui ont fait de déclarations qui n’ont rien à voir avec les positions du M5-RFP ne parlent qu’en leur nom. Au niveau du comité stratégique du M5-RFP, les positions sont claires : la gestion de la transition, les organes de la transition, la feuille de route, la charte de la transition, nous avons discuté de tout ça avec le CNSP. Ceux qui disent d’autres choses différentes du contenu du document du M5-RFP ne parlent pas au nom du M5-RFP », a-t-elle précisé.
Il faut préciser que la charte viole beaucoup de recommandations de la CEDEAO, notamment le choix du président et la durée, 18 mois contrairement à un an de la CEDEAO pour la transition.
BoureimaGuindo