Fin des accrochages Juge/Député Les versions des deux «King-boxers»

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Le député de Kati Bourama Tidiane Traoré à propos de la demande de son exclusion du parti du tisserand
Bourama Tidiane Traoré

Le député de Kati et le juge à compétence étendue de Ouélessébougou ont créé le buzz, la semaine dernière, en se livrant à un spectacle digne de l’ancien Far West. Et quand on sait que cette partie du monde qui se situe aux Etats-Unis d’Amérique n’avait rien de démocratique aux 18ème et 19ème siècles -bien au contraire- on se demande alors pourquoi certains se réjouissent et proclament haut et fort que sous l’ère Ibrahim Boubacar Kéïta.

 

Dans la mesure où c’est un acte salutaire. C’est un signal fort qui prouve que nous sommes dans un Etat de droit. Nous avons une démocratie qui n’a rien à envier aux autres. Dans ce dossier, nous n’avons aucunement senti une immixtion quelconque de l’exécutif dans le judiciaire. Le Principe sacro saint de la Séparation des pouvoir tant consacré dans la constitution a été observé. Le Député est issu de le Majorité présidentielle, mais nous n’avons aucunement constaté une  intervention de près ou de loin du Président de la République.

De toutes les façons, sans rentrer dans les polémiques, nous vous proposons les deux versions des protagonistes.

 

Le député Bourama Tidiane Traoré : « Je n’ai jamais frappé, ni insulté le juge Diadié»

«En fonction depuis 8 mois à Ouélessébougou, je vous informe que je ne l’ai rencontré que 2 fois à l’intervalle d’une semaine. D’abord le mercredi 19 novembre 2014, je lui ai rendu une visite de courtoisie aux environs de 15 heures. Je me rappelle, ce jour-là, il m’a même dit qu’il est un juge de proximité qui reste au bureau du lundi au jeudi de 8 heures à 20 heures. Avant de me dire que ses portes m’étaient grandement ouvertes. C’est sur la base de ce premier échange que je suis passé le voir le mardi 25 novembre vers 18 heures, après deux tentatives d’appels téléphoniques infructueuses. Quand je suis arrivé au tribunal, j’ai trouvé une dizaine de personnes qui l’attendait hors de la cour dont le vieux Samba Traoré de Dafara et Soumaïla Bagayoko dit Djinè. Je leur ai demandé si le juge était sur place. Ils m’ont répondu par l’affirmative en disant que je peux rentrer par la petite porte, car le portail était fermé. Dans la cour, j’ai trouvé que le juge s’apprêtait à prier. Je lui ai gentiment demandé d’accomplir la prière du soir, tout en lui disant que moi aussi je voudrais prier. Il m’a répondu que sa séance de prière prend beaucoup de temps, qu’il souhaite échanger d’abord avec moi.

C’est comme ça qu’il m’a conduit à son bureau où je lui ai dit que je suis venu partager des informations avec lui au sujet d’un litige foncier dans mon village dont il est saisi, Bananzolé. Je lui ai dis que c’est un dossier qui concerne les membres d’une même famille et que malgré les appels incessants à l’apaisement, la tension reste vive. Je lui ai dit que c’est une situation qui m’inquiète et que je suis venu lui apporter, s’il le souhaite, ma petite contribution pour apaisement du climat.

Il m’a répondu avec un ton sec qu’ils ne sont pas de la même famille. Et que si tel était le cas, qu’on aurait réglé le différend dans le vestibule. J’ai continué dans les explications en lui disant que parmi les deux parties en conflit qu’il y a une qui vit à Bamako. Il m’a alors dit sous un ton violent qu’il connaît son travail et que ce n’est pas moi qui vais l’apprendre à exercer son boulot avant de me demander de quitter son bureau.

Je l’ai prié de m’écouter. Il a insisté en me demandant de sortir de son bureau. Malgré ma tentative de lui faire revenir à la raison, il ne m’a pas écouté. Il s’est mis à me pousser énergiquement jusqu’à la porte, tout en me disant qu’il ne veut plus me voir chez lui. Je lui ai dit qu’il ne peut pas m’empêcher de venir au tribunal. Et subitement, il s’est mis à me donner des coups de poings. Il a ensuite ordonné à sa garde rapprochée de me neutraliser, au motif que je suis venu l’agresser dans son bureau. Ce dernier m’a alors tenu par les mains derrière, pendant que Diadié lui-même continuait à me donner des coups et à me lancer des insultes grossières.

Quand les gens qui étaient au dehors ont entendu le bruit, aussitôt mon chauffeur a escaladé le mur de la justice. Lorsqu’Amadou Diadié a vu celui-là, il s’est certainement senti gêner devant ce témoin. Il lui a tout de suite intimé l’ordre de quitter la cour. C’est là qu’il a pu décrocher son téléphone pour appeler le Commandant de Brigade (CB) de la gendarmerie pour lui dire que le député vient de l’agresser dans son bureau.

A l’arrivée de ce dernier, il lui ordonna de m’enfermer. Le commandant Dah Diarra et avec ses éléments m’ont alors conduit dans une voiture pour ensuite s’entretenir longuement avec le juge. Après ces échanges, le commandant de brigade est venu nous rejoindre devant le palais de justice, où il me demanda de rentrer chez moi. Je lui ai répondu que j’ai besoin qu’il me prenne mon audition. Et arrivé dans son bureau, il m’a dit qu’il n’a pas qualité à prendre mon audition, ni de me faire une réquisition pour aller à l’hôpital. Lorsque je lui ai fait cette demande, le commandant a insisté pour que j’aille à la maison. Je lui ai répondu que j’ai déjà averti des collègues députés qui sont en cours de route pour Ouélessébougou. C’est après tous ces échanges et plus d’une heure de temps après que le CB est revenu m’informer que sa hiérarchie l’a appelé pour lui dire de m’amener à Bamako. Mais, je voudrais préciser que si j’avais des mauvaises intentions envers le juge, je n’allais pas me rendre dans son bureau seul. Je me ferais fait accompagner par des gens. Je n’ai jamais porté la main sur le juge Diadié. Je le dis et je le maintiens je n’ai jamais frappé ni insulté le juge Diadié. Mon éducation ne me permet pas de porter la main sur un hôte. Cela n’est pas propre aux gens de notre milieu».  Telle est la version des faits du député Bourama Tidiane Traoré, élu à Kati.

D’une version à une autre, voici celle d’Amadou Bocar Touré, juge à compétence étendue de Ouélessébougou.

«Je  me suis défendu physiquement»

«Après la prière du soir, j’ai quitté mon domicile pour regagner le palais de justice. À Ouélessébougou, le logement du juge est contigu au palais de justice. Mais après 16 H, je ferme les portails du palais pour que les gens puissent savoir que ce n’est pas les heures de service. J’étais en train de travailler sur les dossiers pour le lendemain. Pendant que j’y étais, le garde est venu me dire qu’il va s’absenter. Je lui ai demandé s’il a vérifié si la porte est fermée, il  a dit que c’est fermé. Il est parti et quelques minutes après, le député est venu, certainement qu’il est passé par la porte de mon logement et a accédé à mon bureau. Il a tapé à la porte et a dit que c’est l’honorable. J’ai dit honorable, asseyez-vous. Il a dit qu’il est venu m’interpeller au sujet d’un dossier. Je dis désolé, vous ne pouvez pas m’interpeller. Interpeller, c’est trop dit ! Interpeller un juge ? Non ! Je dis vous pouvez interpeller mon ministre au niveau de l’Assemblée nationale par le biais d’une question orale ou écrite ou une motion de censure, mais vous ne pouvez pas interpeller un juge. Il dit ok, c’est au sujet d’un tel dossier. Je dis bien, par rapport à ce dossier, les accesseurs et moi, lors de l’audience du 20 novembre 2014, avons estimé nécessaire de renvoyer le dossier pour permettre au chef de village de Bananzolé de venir nous éclairer. Parce qu’il s’agit d’une affaire foncière, une attribution foncière, çà veut dire quoi ? Il n’y a pas de lettre d’attribution, pas de permis d’occuper, pas de titre foncier, il y a rien ; c’est une donation coutumière. Donc, il est bon que les chefs coutumiers du ressort viennent éclairer la religion du tribunal, parce que nous, nous ne sommes pas de la localité. Nous sommes à Ouélessébougou et le litige  est terrien de Bananzolé. Faudrait-il alors que les chefs traditionnels investis par la communauté viennent nous édifier. Il dit effectivement monsieur, le juge c’est pourquoi je suis là aujourd’hui parce que moi je suis contre cette mesure. Je dis, honorable, pourquoi ? Il dit les opposants de son protégé sont avec le chef de village et  ses conseillers. Je dis, honorable, c’est vous qui voulez décider à notre place maintenant ? Vous voulez que je change une décision qui a été prise en audience ? Je dis chacun doit rester dans son domaine au nom de la séparation des pouvoirs. Je lui ai dit qu’il n’a pas qualité à me dire la décision que je devrais prendre. Je lui ai dis que ce n’est pas le nom de Bourama Traoré qui est cité dans le dossier. Comment vous voulez que moi, magistrat indépendant, je renonce à cette mesure pour vous faire plaisir ? Il dit qu’il est du RPM.  Je lui ai dit qu’il ne peut pas s’immiscer dans  mes attributions, fut-il élu du RPM, je n’ai pas d’injonctions d’ordre à recevoir de lui.  Il dit qu’à Ouélessébougou, çà ne se passe pas comme çà, un magistrat a toujours de comptes à rendre à un élu. J’ai dis que je ne peux pas lui rendre compte, car je ne vois pas ce qu’il représente dans le  dossier. Je lui ai dit que je ne suis pas à la phase de compréhension du dossier. Il  s’est levé et a dit que je suis arriviste, je suis un malhonnête, j’ai la langue de bois, tout en me donnant un coup. Imaginez le garde n’étant pas là, un député qui vient nuitamment donner un coup à un magistrat dans son bureau. Je ne suis resté de marbre, après j’ai réagi avec les moyens de bord, pas avec des objets, ma force physique, mon énergie pour le maîtriser et me défendre comme il le faut».

En somme, dans ce sulfureux dossier, qui dit vrai et qui dit faut ? Même si l’un ou l’autre jure sur le Saint Coran. A chacun de se référer à sa conscience, mais ces deux «King-boxers» doivent savoir une chose ; une et une chose : ils ont fait honte à leurs professions respectives et ont terni l’image du Mali tant au plan national qu’international !

Arouna COULIBALY

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