Fille, déscolarisation et non- scolarisation au Mali : Un facteur d’anéantissement des efforts pour l’autonomisation de la femme

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«Eduquer une femme, c’est éduquer toute une nation», dit- on. Mais cet adage semble être un mot creux dans notre pays. Et pour cause, au Mali, il existe une inégalité effarante entre garçon et fille en termes de scolarisation et de déscolarisation. L’illustration parfaite est donnée par le Ministère de l’Education Nationale, à travers le récent rapport d’études sur l’identification des problèmes affectant la scolarisation des filles.

 

Ce rapport, qui date du 26 août 2015, ne laisse pas apparaitre un tableau reluisant pour l’éducation de la petite fille. Tenez, sur un total de dix filles inscrites à l’école primaire, seules six parmi elles parviennent à terminer le cycle. Le rapport indique qu’il existe un grand fossé entre le taux d’achèvement du cycle entre garçons et filles.

 

Les chiffres donnés par le rapport donnent froid dans le dos au niveau du second cycle de l’enseignement fondamental. En 2013, 14,44 % des filles contre 56,8 % des garçons ont accédé à ce cycle de l’ordre d’enseignement fondamental, et 24,5 % des filles contre 32,6 % des garçons l’ont achevé. Une analyse à la loupe permet de déduire que la petite fille ne jouit donc pas de ses droits constitutionnels notamment celui relatif à l’instruction comme stipulé dans la Constitution du 25 février 1992 de la République du Mali.

 

En effet, cette loi fondamentale dispose que l’éducation, l’instruction, la formation constituent des droits reconnus (article 17), et l’article 18 de préciser que tout citoyen a droit à l’instruction. Mieux, ce dernier article ajoute que l’enseignement public est obligatoire, gratuit et laïc. Or, beaucoup de jeunes filles, issues des milieux défavorisés, sont renvoyées des classes faute d’avoir payé les cotisations annuelles, ce qui n’est pas en conformité avec l’esprit de l’article 18.

 

Pire, il y en a qui abandonnent même les études pour non payement de cotisation. Car, certains parents, n’ayant pas les ressources nécessaires d’y faire face, préfèrent demander à leurs filles de rester à la maison et d’aider leurs mères dans la cuisine. Cela constitue une cause de plus en plus irréfutable de la désertion scolaire de la petite fille surtout dans un pays, à l’image du Mali, où la majorité d’hommes pensent que la place de la femme se trouve dans le foyer.

 

D’autres causes non négligeables et fréquentes peuvent également expliquer la déscolarisation ou l’absence de la scolarisation de la fille. Certaines sont d’origine religieuse, d’autres sont culturelles et explorent les tares d’une société qui tend à discriminer et marginaliser la femme.

 

Au nom de la religion et de la tradition, la fille est discriminée dans certaines contrées du Mali. Du coup, elle n’est même pas envoyée à l’école. Le phénomène a l’allure d’une catastrophe dans les zones rurales. Et pour cause, l’enregistrement des naissances n’y est pas monnaie courante ou l’on préférait, plutôt, enregistrer les garçons, qui sont supposés perpétuer la ligné. La fille rurale a une chance réduite voire inexistante d’être déclarée à la naissance et de pouvoir aller à l’école et de connaître ses droits et devoirs, condition sine qua non pour s’affranchir du «joug colonial» des hommes, dans une communauté foncièrement patriarcale.

 

Au demeurant, l’état des lieux de l’instruction de la petite fille n’est pas assorti de satisfaction. Et comme on le sait, l’un des vecteurs, sinon le principal pour l’émancipation, demeure l’éducation. Elle permet de prendre conscience de ses propres problèmes, d’y cogiter pour trouver leurs solutions. De ce fait, il serait vain, aujourd’hui, de parvenir à la lutte contre la discrimination faite à la femme, en général, sans mettre en exergue le facteur déterminant que constitue l’éducation. Il est donc plus que vital de chercher et trouver les solutions idoines à ce problème crucial qui s’enlise d’année en année et comportant des conséquences sur l’avenir de la petite fille.

Plongée dans l’obscurité de l’ignorance qui la fait couvrir d’ignominies de la vie, la petite fille est soumise à de rudes épreuves. Les risques de connaitre l’exode, le mariage forcé et précoce, la prostitution sont susceptibles d’aller crescendo.

 

Faute de pouvoir suivre un cursus scolaire normal ou de ne pas pouvoir aller à l’école, la petite fille est soumise au mariage forcé ou précoce, car  promise dès sa naissance ou sa tendre enfance comme une marchandise. Contrainte de se marier à un âge critique, la petite fille subit d’énormes préjudices corporels et sanitaires avec ses corollaires de grossesses non désirées, de maladies vénériennes, de SIDA, de césariennes, de fistules obstétricales, de mort précoce, à la limite… Cette liste est indicative mais non exhaustive. Ironie du sort, l’article 17 de la constitution du Mali dispose également que la santé, et la protection sociale constituent des droits reconnus.

 

Selon une étude de l’UNICEF datant de 2009, le mariage d’enfants touchait 71% de la population au Mali. Ce taux a connu une baisse en 2016, selon les statistiques du Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille. Il est notamment estimé à 60% au plan national mais de l’ordre de 73% dans la région de Kayes, l’épicentre du fléau. Nonobstant cette légère diminution, le phénomène subsiste et constitue un frein au développement de la petite fille. La loi, qui devait être l’élément catalyseur pour l’extirper dans nos traditions, s’est révélée insuffisante. L’article 281 de la loi N°2011 – 087 du 30 décembre 2011 portant Code des Personnes et de la Famille fixe l’âge minimum pour contracter mariage à dix-huit ans pour l’homme et seize ans pour la femme.et accorde une dispense d’âge aux futurs conjoints âgés d’au moins quinze ans. En plus de l’insuffisance de ces dispositifs légaux, des facteurs néfastes font que la pratique va même en deçà de la loi. Dans la région de Kayes, par exemple, certaines petites filles sont mariées à l’âge de 11 ans. Quel crime ?

 

En milieu rural, la petite fille, forcée dans un lien de mariage, se trouve dans l’obligation de migrer pour la recherche de financement de son trousseau de mariage. Le phénomène est beaucoup développé de nos jours. Il touche même celle pas encore mariée mais déscolarisée ou non scolarisée. Il est fréquent de voir, dans la capitale Bamako, des filles de 12 ans employées comme servante dans les ménages.

 

Face à des injustices subies mais conscientes des retombés sociales démesurées, certaines filles renâclent les pratiques moyenâgeux du mariage précoce ou forcé. Ce faisant, elles se retrouvent sur le banc des accusés et chasser du domicile paternel. Ainsi, commence pour elles la traversée du désert. La plupart d’entre elles se retrouvent dans les labyrinthes de la prostitution pour survivre.

 

Au demeurant, il est utile de savoir que l’instruction permet, pour la petite fille, une égalité de chance et de sexe. Elle est surtout un facteur de développement. Cependant, l’état des lieux désastreux de sa scolarisation au Mali donne la poussée d’adrénaline car les politiques mises en œuvre en la matière sont insuffisantes voire inexistantes. Elles se sont substituées, pour beaucoup, à des discours penchant et prêchant en faveur de l’éducation de la petite fille.

Boubacar Djigui Diarra

 

                                  

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