Les matchs aller du deuxième tour des compétitions africaines des clubs se sont disputés le week-end dernier sous de bons auspices et sur fond de belles opérations pour les clubs maliens. En Coupe de la Confédération, le Réal de Bamako s’est imposé, samedi, devant le Hearts Of Oak du Ghana au stade du 26 Mars. Les Réalistes sont donc sur la bonne voie pour se qualifier aux barrages, ce samedi, lors de la manche retour à Accra, dans la capitale ghanéenne. En Ligue des champions, le Djoliba a gagné, dimanche 2-1 contre le CR Belouizdad d’Algérie. Le match retour est prévu ce vendredi en Algérie. La tâche sera plus compliquée pour le Djoliba mais les Rouges ont 90 minutes pour se qualifier pour la phase de poules et écrire une nouvelle page de l’histoire du football malien. Car, depuis la nouvelle formule en 1997, aucun club malien n’a accédé à la phase de poules de la plus prestigieuse des compétitions africaines des clubs.
L’autre vainqueur des événements qui se sont succédés au Stade 26 Mars n’est autre que le ministre en charge des Sports. Et pour cause, les deux rencontres sportive ont coïncidé avec un autre rendez-vous annuel : la célébration de la fête de Maouloud qu’observe chaque année l’Association de Chérif Ousmane Madani Haïdara par une veillée de prêche au même endroit, au jour de naissance comme du baptême. La célébration de la naissance est ainsi intervenue en mettant le ministre Mossa Ag Attaher devant le défi d’une exploitation du Stade du 26 Mars pour chacun des événements prévus aux mêmes dates, un défi que le ministre de la Jeunesse et des Sports a su relever en réussissant une habile alternance des compétitions sportives avec la célébration de la fête de Maouloud (la naissance du prophète Mouhamad, salut et paix sur lui) par l’Association Ançardine au stade du 26 Mars. Tout s’est déroulé en tout cas sans les anicroches redoutées durant toute la semaine dernière et qui ont suscité tant de commentaires sur la tenue des matches et de la traditionnelle cérémonie de prêche sur la même arène. Inquiète, la Fédération malienne de football (Femafoot) a même adressé, mercredi dernier, un courrier à la Confédération africaine de football (CAF) pour solliciter le report des matches du Réal et du Djoliba, une requête à laquelle la CAF a opposé un refus catégorique, estimant qu’elle ne peut être approuvée «qu’en cas de force majeure reconnue par la commission interclubs de la CAF».
Toutes les parties et sensibilités auront finalement trouvé leur compte dans le mode opératoire déployé de main de maître par le ministre Moussa Ag Attaher. Les matches du Réal et du Djoliba se sont achevés avec un goût de triomphe inespéré, tandis que la communion du célèbre prédicateur et leader d’Ançardine s’est déroulée sans le moindre hiatus entre le monde confessionnel et celui du sport.
On peut en déduire qu’avec l’actuel ministre de la Jeunesse et des Sports – souvent décrié à la moindre occasion et pour des peccadilles – le bon ménage et la convivialité entre le football et la religion ne tiennent qu’à la recherche du compromis et à la conciliation des intérêts. En tout cas, c’est la stratégie déployée par Ag Attaher, dans la gestion de la délicate équation d’un chevauchement événementiel que beaucoup d’observateurs estimaient ingérable. C’était sans compter avec l’ingéniosité et le talent diplomatiques d’un ministre dont le leadership prend de l’étoffe devant chaque défi. La coïncidence entre la fête de Maouloud et les rendez-vous de la CAF en était sans doute un et aura donné libre cours au défaitisme de Cassandres, qui ne voyaient aucune alternative à un malaise socio-politique aux conséquences imprévisibles et peut-être inévitables. Sauf que le pessimisme contagieux devrait sans doute avoir épargné le ministre Ag Attaher, pour qu’il arrive à déjouer les pronostics apocalyptiques. Son impressionnant talent de négociateur est visiblement passé par là, puisque la préférence du compromis au bras de fer a fait place à une gestion plus inclusive, avec l’implication de tous les protagonistes à travers diverses rencontres et concertations. C’est la démarche qui a sous-tendu, en effet, la mise en place d’une certaine commission conjointe autour du ministre – dont les exploits et prouesses aboutiront finalement à la solution satisfaisantes pour tous, jeudi dernier : celle qui consiste à tenir les différents événements au même endroit dans une habile articulation temporelle. Le Réal a ainsi joué son match samedi et laissé la place aux organisateurs du Maouloud pour l’installation de leurs matériels avant que ces derniers ne libèrent à leur tour les lieux à 5h du matin pour permettre d’accueillir le match du Djoliba dans les meilleures conditions.
Quelques heures avant la dernière rencontre sportive, le ministre en charge de la Jeunesse et des Sports est allé constater de visu l’état du terrain. «Ces matches ont coïncidé avec la fête de Maouloud et nous avons engagé des échanges avec tous les acteurs pour qu’on arrive à une solution qui puisse permettre la tenue de Maouloud et des matches. On est venu trouver que tout est dans l’ordre au stade grâce à l’engagement des équipes de l’entreprise tunisienne, grâce à la concertation entre nous et les organisateurs de Maouloud. Nous avons un terrain complètement prêt à accueillir le match», s’est réjoui Mossa Ag Attaher face à la presse, à la suite de son passage. Le ministre a également ajouté que c’est «la preuve que face à tout problème, toute difficulté, seul le dialogue, le compromis, le consensus peut nous sortir tous grandis des épreuves». Mossa Ag Attaher n’a pas omis de féliciter les acteurs qui ont utilisé l’infrastructure, rappellant que c’est l’Etat qui a construit le stade pour le Mali et pour tous les Maliens. Et de se féliciter, par la même occasion, de la capacité du peuple malien à surmonter le pronostic défaitiste ainsi que de l’exploitation du Stade du 26 Mars par les religieux sans dégât.
Ousmane CAMARA