Le Mali a célébré le 58ème anniversaire de son indépendance le samedi dernier. Pour la circonstance, une équipe du Quotidien « Le Pays » a fait le tour de la capitale malienne pour recueillir les impressions des populations. C’est la deuxième série de réactions, la première ayant paru dans notre édition précédente.
Moctar Sangaré, entrepreneur habitant à Daoudabougou en commune V du district de Bamako : « Nous regrettons l’indépendance actuelle que nous sommes en train de vivre »
« Nous félicitons les pères de la Nation qui se sont battus pour que le Mali puisse avoir son independence, mais malheureusement nous regrettons aussi l’indépendance actuelle que nous sommes en train de vivre car le drapeau malien ne flotte pas sur la totalité du territoire malien. C’est ce que nous déplorons, particulièrement. Nous souhaitons vraiment qu’à la fête de l’indépendance prochaine, le Mali puisse avoir son intégrité totale et que le drapeau malien puisse flotter sur la totalité du territoire. Nous sommes en train de vivre un peu une situation d’occupation, qui ne dit pas son nom malheureusement. Mais je pense que si tous les Maliens se donnent la main, cette occupation prendra fin. Nous souhaitons vraiment que le Mali puisse vivre dans la paix, la quiétude totale. En prenant l’exemple sur la fête d’Independence de 1985 où j’étais à Bourem, derrière Gao, c’était uniquement quelques éléments de la Garde nationale et quelques agents forestiers qui étaient présents là-bas, mais ils ont défilé pour dire qu’à chaque fête de l’indépendance, on voyait le défilé dans le Mali entier, ce qui n’est pas le cas actuellement. Nous déplorons vraiment cette situation et nous demandons à tous les Maliens d’être patients, de se donner la main, de se battre surtout pour que cette occupation qui ne dit pas son nom puisse prendre fin »
Ibrahima Baba Samaké, encadreur au football vivant à Daoudabougou : « Dans le passé, cette fête se faisait sentir à travers la joie de la population et les drapeaux qui flottaient partout et dans toutes les localités »
« C’est une fête nationale qui dépasse un seul individu, c’est une fête qui appartient au Mali et donc à tous les Maliens. De ce fait, quelle que soit la situation dans laquelle peut se trouver notre pays, aujourd’hui, cette fête doit être célébrée dans la joie. Pour ceux qui sont frustrés de la légitimité du Président, je reconnais qu’ils sont aussi dans leur droit de manifester, mais j’estime seulement que ce moment n’est pas opportun. Particulièrement, je suis très content pour cet anniversaire. Se trompent ceux qui pensent que le 22 septembre est une fête militaire, je dirais qu’elle est même plus civile que militaire puisque Modibo Keita, Fily Dabo Sissoko et leurs compagnons de l’indépendance étaient pratiquement tous des civils. Les gens oublient qu’en célébrant le 22 septembre, on célèbre également leur combat, c’est donc une occasion de chercher à connaître ces grands hommes qui sont méconnus par notre génération. Une autre remarque est que cette célébration ne se passe qu’à Bamako pendant que certaines régions et des cercles ne sentent rien de la fête. Alors que, dans le passé, cette fête se faisait sentir à travers la joie de la population et les drapeaux qui flottaient partout et dans toutes les localités. Aujourd’hui, la célébration ne se fait que symboliquement dans des camps militaires par certaines autorités compétentes.
Je regrette, enfin, qu’en cette journée nationale si importante pour notre pays, qu’il y ait eu une course du PMU-Mali. Même si nous savons que la France, son organisatrice, n’a besoin de notre pays que pour préserver son intérêt, nos dirigeants, en tant que fils de ce pays ne devaient en aucun cas accepter cette course, en cette seule journée de fête de notre indépendance. Une preuve que la France s’en fout totalement de notre indépendance et dans l’indifférence totale de nos autorités. Une grande déception pour notre nation. »
Ibrahim Tapily, commerçant au grand marché : « Je ne vois pas les raisons de cette célébration parce que le Mali n’a pas le contrôle de l’intégralité de son territoire »
« Moi, particulièrement, je ne vois pas les raisons de cette célébration parce que le Mali n’a pas le contrôle de l’intégralité de son territoire. Nous voyons que les Maliens ne s’y sont même pas intéressés. Pour preuve, le marché était rempli de commerçants le samedi, ce qui n’était pas le cas auparavant. Dans les temps, les gens partaient très tôt le matin à la place des défilés en vue de se chercher une bonne place pour mieux voir le spectacle, mais aujourd’hui ça n’intéresse personne. Nos dirigeants ont l’impression de songer plus à l’extérieur qu’à leur propre population. Ils veulent uniquement mieux vendre l’image de notre pays à l’étranger en dépit de la réalité que nous vivons quotidiennement. Une illustration de ce fait est l’organisation très officielle et coûteuse de cette cérémonie avec des invités de marque venus de partout dans le monde pendant que certains Maliens y étaient interdits d’accès par une sécurité qui, en temps normal, doit servir à ce que d’autres Maliens puissent travailler et dormir dans la quiétude, mais hélas. »
Yacouba Bouaré, juriste de formation : « C’est très normal de célébrer cette fête qui a une portée nationale »
« C’est très normal de célébrer cette fête qui a une portée nationale. Tout en manifestant la joie de 58 années de notre accession à l’indépendance, il sera également normal de faire le bilan de cette large période qui a franchi, depuis quelques années, le seuil d’un demi-siècle. Si nous avons évolué dans certains domaines, je dirai que cela ne représente que le minimum face aux enjeux auxquels doit faire face notre pays aujourd’hui. Il reste donc encore beaucoup à faire. On peut dire qu’on a déraillé d’un système politique hérité de nos aïeux qui menait sur un véritable développement. Maintenant, on a des insuffisances dans pratiquement tous les secteurs et cela est dû, à mon avis, à la mauvaise gouvernance, un obstacle à tout développement. Nous assistons continuellement à une régression en flèche des secteurs qui faisaient la fierté de notre pays avant, notamment la sécurité, l’éducation et surtout le patriotisme. J’invite d’ailleurs à cette occasion tous les Maliens à s’impliquer résolument en se donnant la main pour préserver ces acquis de nos pères de l’indépendance qui sont en même temps le socle de la reconstruction d’un véritable développement. »
Rassemblés par Issa Djiguiba