Femmes et Employabilité : Ces dames qui montrent le chemin

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Elles sont intellectuelles ou non scolarisées, ces femmes atypiques qui œuvrent tous les jours pour non seulement booster l’économie du Mali mais aussi pour réduire, dans une certaine mesure, le taux de chômage. Chacune dans son domaine, donne quotidiennement le meilleur d’elle-même dans l’entreprise qu’elle a réussi à mettre en place et qui aujourd’hui fait la fierté de toutes les femmes.  Qui sont- elles ?

Ecrivaine et éditrice, Dramé Kadiatou Konaré :

Promouvoir la culture,  histoire d’éduquer à travers l’écriture

Femmes et Employabilité :  Ces dames qui montrent le chemin
Dramé Kadiatou Konaré

Du haut de ses 1m75 centimètres, belle, élégante, souriante et pleine d’énergie, Kadiatou Konaré est d’un commerce très agréable. Plus connue sous le diminutif de ‘’Atou’’, l’épouse de l’homme politique Tiéblé Dramé est une jeune éditrice malienne qui  sait où mettre les pieds avec sa maison d’édition « Cauris livres », qui emploie aujourd’hui cinq permanents, compte plusieurs collaborateurs extérieurs et, à son actif, des centaines d’ouvrages.

Fille d’enseignants historiens célèbres et de politiques hors pair, la première et unique fille d’une fratrie de quatre enfants a grandi dans les livres. Un avantage qu’elle a voulu mettre au service d’une idéologie « je suis femme et je dois réussir pour montrer la voie à d’autres dans un milieu pas très fréquenté par les femmes».

Suivant d’abord une voie initialement tracée pour des études scientifiques, avec un bac en série Sciences Exactes, elle va ensuite bifurquer dans l’écriture dont le goût va se renforcer à Paris où elle était allée étudier. Déterminée après le HEC et une école de commerce, Kadiatou va préparer un master en management  de l’édition à l’ESCP de Paris. Ce qui lui a valu plusieurs stages dans de célèbres maisons d’édition où elle restera travailler deux ans.

Puis l’envie de continuer cette aventure au pays va vite se concrétiser avec la création, en 2000, de Cauris,  à Paris  mais avec la vocation de communiquer sur l’Afrique, à travers l’écrit. C’est en 2007 que Cauris est né à Bamako, après qu’elle soit revenue s’installer  définitivement au pays.

Cauris livres, qui emploie aujourd’hui une main d’œuvre conséquente, histoire de lutter contre le chômage, est aujourd’hui une maison d’édition qui a la vocation de promouvoir la Culture, l’Histoire et l’Education à travers l’écrit.

Selon l’éditrice, la violence faite aux femmes est la traduction tragique du profond malaise que traverse notre société : perte de repère social, accroissement de la misère tant urbaine que rurale.  Les femmes restent  vulnérables malgré tous les discours, malgré le travail militant de certaines organisations  et donc  les plus exposées à la violence.

Atou croit sincèrement qu’à chaque fois qu’une femme est victime de violence, qu’une femme est maltraitée, c’est la société tout entière qui  prend un coup, qui recule.  Notre pays peut-il  avancer si les droits de la femme, pilier essentiel de  son développement, sont bafoués ? Aussi, estime-t-elle qu’il est temps d’engager un débat sur ce que  veut dire violence dans un pays aux ressources limitées comme le nôtre. Les femmes pourront-elles jamais accéder à l’autonomisation tant que le minimum n’est pas garanti pour tous,  à savoir  se nourrir, se soigner, s’éduquer ?

Une femme peut-elle être autonome si c’est elle qui doit se  plier en quatre, courir de  droite à gauche pour trouver à manger       pour ses  enfants, sa famille, pour les soigner ? La femme doit être reconnue et réhabilitée dans ce rôle de pilier avant de pouvoir accéder à l’autonomisation.

Admirant profondément les femmes maliennes, Atou estime qu’elles sont au début et à la fin de tout : l’éducation des enfants, la marche de la famille, l’organisation sociale.  C’est la femme au Mali qui  oublie son confort personnel pour s’occuper des autres, qui s’efface pour faire la place aux autres.  Souvent, la première levée, elle est toujours la dernière couchée.  Elle n’existe pas en tant qu’individu mais  plutôt en tant que société. La femme du Mali, ce n’est pas une personne mais une société.  Les femmes de ce pays sont des  chefs d’Etat.

 Transformatrice de produits locaux Tamboura Mah Kéita :

« L’autonomisation de la femme est un slogan, la réalité est tout autre »

Partie de presque rien, Mah Kéita a su se frayer un chemin. La cinquantaine  révolue, et bien connue dans le milieu de la transformation de produits locaux à Koulikoro, la deuxième  région et à Bamako, elle est aujourd’hui une référence.

Produit  de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA), section Economie, elle s’est très rapidement tournée du côté de l’entrepreneuriat. Ainsi, son expérience va démarrer en 1993 avec une unité de séchage de viande qui va ensuite s’élargir au séchage de produits agricoles, à la production de jus de fruits locaux, en particulier du vinaigre de mangue, aujourd’hui très prisé. Ces activités vont lui permettre de bénéficier de plusieurs formations en Afrique et hors du continent.

La présidente du Réseau des Femmes entrepreneures de Koulikoro, qui adore meubler ces temps libres par l’internet et le théâtre, est très engagée dans le combat de reconnaissance des mérites des femmes et de leur épanouissement. Même si elle est d’accord pour certaines discriminations positives, elle n’en pense pas moins que les femmes doivent se battre pour arracher les postes par leurs mérites, « la Femme aura dans la Décentralisation la place qu’elle aura elle-même arrachée », affirme-t-elle. A côté de ce travail valorisant et lucratif, Mah est très engagée politiquement, en étant la présidente des femmes PARENA et membre  du Comité directeur, en qualité de vice-présidente.

Se prononçant sur l’autonomisation de la femme, Mah Keita estime que c’est juste un slogan du gouvernement et des ONG mais la réalité est tout autre. Une femme autonome est celle qui a la capacité financière de subvenir à tous ses besoins,  à partir de ses propres efforts. Au Mali, nous avons deux catégories de femmes, celles qui travaillent, soit dans la Fonction publique étatique, ou qui exercent dans le privé ou les ONG.  Elles représentent dans l’ensemble 20%  et, à mon avis,  10% parmi elles sont autonomes.

L’autre catégorie de femmes est dans l’entrepreneuriat formel ou informel et parmi elles seules 2% sont autonomes,  les 78% autres, vivant  dans les villes et dans les campagnes luttent pour leur survie sans succès. Pour l’autonomisation des 78%, des mesures d’accompagnement ont été mises en place, « au-delà des festivités, nous devons mettre le mois de mars à profit pour évaluer  l’impact de ce fonds et de ces ONG sur les indicateurs concernant l’autonomisation des femmes, aujourd’hui 88% des femmes sont loin d’être autonomes ».

La violence faite aux femmes, à en croire Mme Tamboura, devient très inquiétante. Alors qu’il y a des avancées dans la lutte contre les mutilations génitales, aujourd’hui nous assistons à l’émergence d’autres formes de violences, très graves et révoltantes pour les leaders  de femmes, ce sont les cas de viols collectifs des filles qui se multiplient  et les assassinats des femmes par leurs conjoints.

Ces pratiques sont des humiliations pour les femmes mais aussi pour le monde entier. C’est pourquoi, Mah Kéïta soutient que la femme a un grand rôle à jouer  dans  la reconstruction de la cohésion sociale en éveillant la conscience de toutes les femmes sur leur capacité de faire changer les choses et bouger les lignes.

Sira Fané, conductrice de Sotrama Koulikoro-Bamako : quand la passion devient un métier

« Il n’ya pas de sot métier, il n’y a que de sottes gens » cet adage colle parfaitement au choix singulier de la jeune dame de 26 ans, pleine de détermination. Sira Fané s’était donné un destin pour la mécanique auto, mais le destin, lui, en a décidé autrement, un jour de l’an 2010 où, sur le chemin de l’école, elle  a contracté le virus de la conduite en voulant donner un coup de main à un ami chauffeur, en assurant la fonction d’apprentie. Ainsi, est né l’amour pour le métier de chauffeur.

Le virage en a d’autant été facile qu’après avoir tenté le DEF à plusieurs reprises, sans succès, elle avait besoin de se trouver une occupation rémunérée. Son intention, en exerçant ce métier, était d’aider sa maman à la prise  en charge de certaines dépenses de la famille et combler ainsi le vide laissé par ses frères partis à l’aventure.

Mais, elle devra d’abord surmonter les réticences de ses parents, notamment de sa mère, qui pense  que le métier était réservé aux hommes et semé d’embûches. Sa détermination aura finalement raison des a priori de cette dernière. C’est avec courage et abnégation que celle qu’on surnomme ‘’Bébé’’ a réussi à passer son permis de conduire ‘’Poids lourd et Transport en commun’’. Depuis quatre ans maintenant, elle est devenue une conductrice convoitée et très respectée dans le milieu des chauffeurs.

Pour elle, « il n’y a pas de travail d’homme ou de femme, quand tu te sens des dispositions pour n’importe quel métier il faut oser l’entreprendre ». Etre conductrice de véhicule de transport en commun, c’est un travail que Bébé a choisi, mais elle veut être autonome, c’est-a-dire, avoir son propre véhicule de transport et aller au bout de ses ambitions de femme battante.

Vendeuse d’essence, Aminata Traoré : Une handicapée pas comme les autres

Aminata Traoré

Au moment où les handicapés, et même ceux qui ne le sont pas, passent leur journée sur les boulevards, les lieux publics et devant les mosquées à mendier, Aminata Traoré, elle, meuble les siennes par la vente de carburant. Pleine d’enthousiasme, ‘’Ami Fimani’’, comme elle aime se faire affectueusement appeler par ses proches, quitte son domicile, à Kanadjiguila, chaque jour vers 5h30 du matin, à l’exception du dimanche (journée dédiée à la visite à son enfant de trois ans vivant chez sa sœur à Niaréla), pour rejoindre son office de la devanture du siège de l’Association Malienne des Personnes Handicapées,  en face de la base aérienne, où elle exerce son commerce de carburant.

Handicapée mais portée par une idée haute d’elle-même, elle a ainsi décidé de sortir des chantiers battus des personnes handicapées pour se faire un nom dans le métier de Vendeuse d’essence en bouteille.

Elle a commencé cette activité avec 7000 FCFA comme fonds de commerce. Aujourd’hui, elle peut vendre jusqu’à 30.000 FCFA les jours de fortes demandes,  avec un bénéfice de 2500 à 3.000 Fcfa. Et c’est avec ça qu’elle fait ses dépenses. Rentrée chez elle vers le crépuscule, elle n’oublie jamais  de se procurer à la station le carburant du lendemain matin, à l’intention de ceux qui sortent tôt.

Elle estime que c’est dans ce métier qu’elle pourra mériter le respect et gagner la confiance des uns et des autres. Cependant, elle demande l’indulgence des autorités à les laisser se débrouiller dans la vente de carburant, qui lui permet de se distancer du chômage et de la mendicité.

Il faut rappeler qu’Aminata Traoré est membre de la troupe théâtrale de l’Association malienne des personnes handicapées. L’activité ne rapportant pas  suffisamment de ressources, elle a dû se résoudre à se lancer dans la vente de carburant.

Propriétaire d’une moto tricycle de 14 ans, ‘’ Fimani’’ sollicite l’aide des bonnes volontés pour la remplacer par un modèle neuf.

Détentrice d’un atelier de collage de pneu (vulcanisation), Adiaratou Sissoko :

Une jeune femme au service des clients.

Adjaratou Sissoko

Une jeune femme acharnée, avec son lot de clés, à démonter, à coller et à remonter les roues des engins à deux, trois et voire quatre roues, telle est l’image assumée d’Adiaratou Sissoko, la vingtaine à peine dépassée mais déjà attachée à la satisfaction de sa clientèle, à longueur de  journée.

Depuis 5 ans exactement, Adiaratou Sissoko effectue ce métier de collage de pneus au quartier Magnambougou Faso Kanu, en Commune VI du district de Bamako. De la coiffure, elle a viré dans cette activité que certaines filles trouvent salissant. Surmontant les quolibets,  Adiaratou a su apprendre sur le tas auprès d’Abdoulaye Diallo, dont l’atelier  est contigu à sa famille. Et c’est de ce même atelier que se sert Adiaratou pour mener à bien son travail, après que son mentor soit parti exercer ailleurs.

A côté de son activité de vulcanisation, elle pratique la coiffure et la vente d’essence en détail, de chambre à air, de pneus pour engins à deux, trois et quatre roues.

Au niveau de sa famille, tout le monde s’accorde sur son courage et sa détermination à réaliser ses ambitions. Ce qui lui a permis de se prendre en charge, de payer les taxes et l’électricité.

Aujourd’hui, Adiaratou assure son épanouissement avec fierté, même si elle a besoin d’un soutien conséquent pour mieux faire son travail, en disposant notamment de matériels de travail comme une machine à air, de clés, de chambres à air et jantes pour auto et moto.

Partageant sa vie entre son atelier et ses occupations à la maison, le soir, la jeune ‘’vulcanisateure’’ exhorte les filles de sa classe d’âge à se consacrer à une activité génératrice de revenus pour éviter les flâneries susceptibles de se muer en pièges pour elles.

Maçon aux 1553 logements sociaux  de  N’Tabacoro , Mariam Diarra:

Faire des chantiers, ces compagnons de la journée

Mariam Diarra

Au chapitre de l’émancipation des femmes, le cas de Mariam Diarra mérite que l’on s’y arrête un peu.  A 21 ans seulement, elle a réussi une belle pirouette aux images consacrées en se professionnalisant maçonne au chantier des 1553 logements sociaux de N’Tabacoro, la seule femme parmi tant d’hommes. Un motif de fierté, sans doute, pour toutes les maliennes.

Mariam a commencé comme aide-ménagère dès son arrivée à Bamako. Les limites financières de ce travail d’aide-ménagère lui étant apparues très tôt, elle s’est lancée dans la maçonnerie, où elle aidait les maitres maçons dans la construction des maisons. Et sans passer par une école de BTP, Mariam a appris toutes les techniques en la matière.

Toute sa vie professionnelle se résume aujourd’hui à ce métier de maçon et il lui permet de faire face  financièrement   à toutes ses obligations familiales. En trois années  d’exercice, cette ressortissante de « Baniko », dans le Dioila profond, est très sollicitée en raison de son application et son engagement dans le travail.

Avec ses collègues, les relations sont à la fois détendues et courtoises. A toutes les femmes, Mariam suggère d’être fières de leur métier.

Pour elle, le fait d’être femme n’est pas un frein à l’émancipation, c’est pourquoi les femmes sont présentes dans différents domaines en terme de travail. C’est le prix à payer pour être indépendantes financièrement.

Directrice de publication de L’Annonceur, Dado Camara est le symbole du refus de la complaisance faite à la femme

 

Dado Camara

Détentrice d’une maîtrise à l’Institut de gestion et de langues appliquées aux métiers (Iglam), Dado Camara, épouse Traoré, est elle aussi partie avec très peu de moyens mais armée de courage, de persévérance et de conviction, pour se lancer dans la publication de l’hebdomadaire L’Annonceur, aujourd’hui très connu dans le monde de la presse malienne.  Connue elle même pour son honnêteté, son humilité, la quarantaine sonnée, présentant un visage volontaire, elle ne mâche pas ses mots pour asséner la vérité. Après deux années passées à la faculté des sciences juridiques et économiques (FSJE), elle a viré dans une école de journalisme à travers une bourse d’étude de l’ONG américaine Winrock Internationale.

Dès les vacances de sa première année, elle a commencé à écrire dans le quotidien Soir de Bamako. Trois mois plus tard,  le Directeur de publication, feu Chouaïdou Traoré,  décidait de la transférer à Nouvel Horizon, l’autre titre lui appartenant aussi.

Après huit années de service, Dado décida  avec son amie et collègue de tous les jours, Mariétou Konaté, de créer l’hebdomadaire d’informations générales «L’Annonceur», uniquement animé par les femmes.

Créé en 2006, par des femmes, le journal continue d’être tenu que par des femmes  avec quatre salariés et deux stagiaires et Camara Mariétou Konaté, au poste de rédactrice en chef. Ce qui lui fait dire « si la femme n’existait pas, il aurait fallu  l’inventer, car sans elle, il n’y a pas de vie ».

En plus de sa  fonction de coordonnatrice des activités du journal, elle démarche les partenaires pour entretenir la bonne santé financière du journal.

Dado refuse de se considérer sur le terrain moins comme une femme que comme une journaliste, refuse les faveurs de la part de ses confrères parce qu’elle est femme. Elle estime que tout le monde doit prendre du courage et travailler pour mériter sa place. « Je condamne l’injustice, si une femme mérite une place on ne doit pas la priver parce qu’elle est du sexe féminin ».

Parlant de la violence exercée sur les femmes, Mme Traoré dira que tout le monde est responsable de cette situation, « je n’ai jamais vu une femme ou une famille de l’épouse qui dit à sa fille d’abandonner son foyer parce que son mari la violente. On nous conseille toujours d‘être patientes et soumises ».

Rizicultrice, Haïdara Oumou dite Many Sow: Elle a très vite compris que la terre ne ment pas

« Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années », cet adage résume toute la vision de la vie de cette kayésienne convertie à la riziculture.  Elle travaille avec courage et abnégation ses 420 hectares au milieu de ses 42 employés dont 8 permanents et 32 saisonniers qui, tous, la jugent pleine d’humilité.

Haidara Many Sow

La riziculture est un monde qui était totalement inconnu de l’enfant de Kayes jusqu’à ses 22 ans, âge de son mariage. Après l’Ecole centrale de l’industrie, du commerce et de l’administration (ECICA) d’où elle sort, quatre ans plus tard, avec un Brevet de technicienne en transit-Douane et un temps à la Générale Alimentaire Malienne (GAM), elle dut rejoindre son époux qui venait de se retrouver en chômage. Il a ainsi décidé de se retirer dans son village natal à Dioro. Many a fait le sacrifice de son boulot au profit de son mariage. Confrontée au départ à un problème de chômage, elle trouvera ensuite du travail à Nyésiguiso. Parallèlement à cette fonction, elle s’adonnera à l’embouche bovine, l’aviculture et la pisciculture.

Depuis une dizaine d’années maintenant, la maman de 5 enfants a la pleine main de ses 420 hectares à Dioro où elle est basée et s’y plait bien. Connue pour son sens élevé à la vie, son humanisme, Mme Haïdara est  une fervente défenseure des droits de la femme dans sa localité. C’est pourquoi, elle explique qu’elle « est féministe si ce terme veut dire égalité des sexes dans le domaine professionnel, mais pas dans le sens où  la femme  se présente en tant que victime ».

En se prononçant sur la violence faite aux femmes, Many explique qu’il est indéniable que ces pratiques sont intolérables et qu’elles doivent être dénoncées avec vigueur à travers tous les canaux de communication (surtout les réseaux sociaux).  La femme non autonome, à l’en croire,  est plus exposée à la violence.  Ainsi, pour définir l’autonomisation économique des femmes, il faut d’abord se rapporter au concept plus général d’autonomisation.

Les Nations Unies définissent l’autonomie des femmes à partir des cinq principaux critères suivants : le sens de la dignité, le droit de faire et de déterminer ses choix, le droit d’avoir accès aux ressources et aux opportunités, le droit d’avoir le contrôle sur sa propre vie, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du foyer, et la capacité d’influencer le changement social afin de créer un ordre économique et social plus juste, nationalement et internationalement. Malgré la prise en compte de ces documents dans tous les projets/programmes au Mali et les avancées considérables en la matière, il reste entendu que des pesanteurs socio culturelles et économiques freinent considérablement cette progression.

Pour une sortie de crise, la rizicultrice avance deux exigences essentielles pour les femmes. Il s’agit de l’information, la sensibilisation et le plaidoyer en faveur de la paix auprès de toutes les couches socio-culturelles et politiques de notre pays ; et l’autonomisation de la femme qui réduit considérablement la pauvreté, la faim et le chômage.

Présidente de l’association Arc en ciel, Haïdara Nania Hako:

L’exercice de la violence demeure dans l’éducation et l’exemplarité »

« Si être féministe, signifie défendre l’égalité de traitement entre hommes et femmes, lutter contre les discriminations et les violences faites aux femmes dans le travail, l’éducation, et dans nos cultures, alors je ne vois aucune autre qualification qui me sied autant. Alors oui, j’en suis une », précise la présidente de l’Association Arc en ciel, qui raffole de la bonne sauce au poisson sonrhaï.

Haidara Nania Hacko

Diplômée de l’Université de Paris X Nanterre, en qualité de juriste, Nania est une jeune mère de quatre enfants, belle, souriante, épanouie d’expérience professionnelle, soignée et très attachée aux valeurs humaines et aux enfants, en particulier ceux de la rue, d’où l’idée de la création d’une association en faveur des enfants vulnérables. Comme un miracle du ciel, l’Association fait rêver et fait sourire, malgré la misère ou la maladie.

L’association est composée uniquement de bénévoles, simplement motivées par les valeurs de générosité, l’altruisme et l’humanité et qui, par plaisir et dévouement, donnent de leur temps et de leur énergie pour aider et assister les enfants démunis. Le but est de faciliter la réalisation du rêve de chaque enfant, le rêve de vivre en paix, d’être scolarisé, d’être en bonne santé, de jouer, de rire. Le rêve de vivre simplement comme un enfant, « une occasion pour moi de dénoncer les actes ignobles d’enlèvement et d’assassinat dont sont victimes nos enfants. J’interpelle les plus hautes autorités de l’Etat à mesurer l’ampleur de ce phénomène et à prendre toutes leurs responsabilités pour la recherche et la protection de ces enfants. C’est une question d’urgence sociale et humaine », assène-t-elle.

Par ailleurs, la violence pour Mme Haïdara dépasse l’entendement. Et ceci la pousse à des interpellations à plusieurs niveaux. On assiste à une culture de l’impunité qui découle plus de la volonté des familles des victimes à dissimuler ces faits qualifiés de honteux que d’un désengagement de l’Etat au niveau de la défense des droits des femmes, « Il n’y a pas pire souffrance pour les victimes de violence que le sentiment d’injustice ».

Cependant, lorsque les auteurs sont dénoncés et qu’ils ne sont pas inquiétés, ça peut aussi décourager les victimes et les réduire au silence. Aussi, exhorte-t-elle  les forces de l’ordre à la pratique de la « tolérance zéro », afin qu’il y ait un effet de dissuasion sur cette pratique indigne et inhumaine. Et elle en appelle aux parents et surtout aux femmes à apprendre à leurs enfants de sexe masculin à respecter les filles dès le bas âge. Elle fait aussi observer qu’un homme qui agresse sa femme apprend à son rejeton à faire de même.

Vendeuse de pagnes 8 mars

Togo Fatoumata Coulibaly est une icône

Enseignante à la retraite depuis 22 ans, Mme Togo fait partie des femmes qui ont créé la coordination (Cafo) en 1991. Elle s’est retrouvée dans la vente de pagnes des évènements de femmes à cause d’une querelle qui a failli dégénérer. Tout est parti du fait que les femmes n’avaient pas accès aux pagnes à la veille du 8 mars. Alors, la Cafo a décidé de confectionner des pagnes pour son compte. S’appuyant sur son statut d’ainée, elle est intervenue en tant que médiatrice auprès de la ministre de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, de l’époque, Diallo M’Bodji Sène.

La réussite de l’expérience lui a valu l’estime et la confiance générales. Et, depuis, c’est elle qui a été investie de la mission de gérer  la vente des pagnes de la Journée Internationale de la Femme et de la Journée Panafricaine des Femmes.

Décoratrice de maison : Fifi Doucouré ou le diamant noir

« Travailler et réussir, c’est ma devise »

Fifi Doucouré

Une femme de caractère, on peut dire qu’on ne l’a jamais rencontré, mais, rares sont au Mali ceux qui ne la connaissent pas ou qui n’ont jamais entendu parler d’elle. Cela de par son charisme, son audace et son courage à atteindre son objectif à chaque qu’elle s’y met. Elle, c’est Fatoumata Doucouré affectueusement surnommée Fifi, d’un commerce très agréable et très sociable.

N’ayant pas eu beaucoup de chance dans les mariages, l’originaire de Goumbou vers Nara, se donne à fonds dans son travail pour pouvoir s’affirmer car dit-elle « Je n’aime pas l’échec et je n’aime pas qu’on me marche dessus ». Une mentalité soninké qu’elle a développée « travailler et réussir ». C’est fort de cette idéologie que Fifi Doucouré va très vite se lancer dans le monde des affaires. C’est pourquoi, pour le diamant noir à la peau d’ébène, taille moyenne, l’ambition ne connait pas de limites pour bien faire. Partie très jeune après le bac étudier hôtellerie et le tourisme, en Yougoslavie puis Reims en France, Fifi décide de rentrer au bercail en 1991. C’est ainsi qu’elle a ouvert « Farafina Mandingue» au quartier du fleuve, le premier restaurant géré par une femme de 21 ans à l’époque. Une première expérience bien partie mais qui ne fera pas long feu à cause des absences de la promotrice pour des déplacements à l’étranger. Mais ce restaurant va lui ouvrir un autre monde, celui de l’aérien. Elle deviendra la représentante de Air Ivoire au Mali pendant dix ans jusqu’à l’éclatement de la crise ivoirienne. Elle a dû s’imposer en tant que Malienne et en tant que femme pour pouvoir se maintenir. Puisque c’était compliqué avec la crise, il fallait passer à autre chose. Le choix va tomber sur le Cristal, un grand restaurant en plein cœur de Hamdallaye ACI 2000. En raison de la montée de l’insécurité marquée l’attaque du Radisson Blu situé en face du restaurant, en novembre 2015, cet établissement va fermer ses portes. Après plusieurs réflexions, elle a décidé de virer dans la décoration de l’intérieur des maisons avec un style très particulier. Pour ce faire, elle s’est installée à Bamako Coura. Sa tâche consiste à faire de la décoration avec des mobiliers de bureau. Elle s’occupait également de l’intérieur des maisons (chambre, toilettes, des vaisselles de cuisine, linge, senteur…). Cette affaire lancée sur fonds propre montre à quel point Fifi est engagée à aller de l’avant. Cela, elle dit avoir hérité cette détermination de ses deux parents dont le père est un ancien banquier et la maman administratrice de l’hôtel l’Amitié.

Aujourd’hui, en plus de la vente d’objets et articles de décoration, son bureau qui fonctionne avec sept personnes dont trois femmes offre d’autres services comme le conseil et l’accompagnement des clients, la prise en charge de la décoration des événements, la mise à disposition de personnel qualifié pour le service après-vente pour des aménagements… Aujourd’hui, sa détermination l’amène à démarcher chaque jour des entreprises pour décrocher des marchés. Sa maison de décoration commence à s’implanter même dans la sous-région où elle envoie des articles.

Visiblement très remontée de la recrudescence de la violence sur les femmes, la grande dame ne passe par quatre chemins. « La violence est tellement barbare qu’il faut des sanctions pour ceux qui l’exercent. Nos mamans ont reçu des coups mais pas de la barbarie. Oter la vie de quelqu’un est la pire des choses qui puissent arriver à une femme. La société ne doit pas être un poids sur les femmes ».

Pleine de vie, le diamant noir est mère d’une jeune fille de 22 ans, étudiante à l’université Paris Sorbonne de Abou Dabi. Evitant le stress, l’enfant du Sahel pratique le sport et aime la détente.

Dossier réalisé par Fatoumata Mah Thiam KONE

Source : L’Indépendant

 

 

 

 

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