Femmes Africaines : RĂ© enchanter le Continent

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En hommage aux Femmes, Ă  toutes les Femmes nous vous proposons ce texte d’une dame dont l’essence de sa vie est le combat pour l’égalitĂ© des genres.

Pr Adame Ba KonarĂ©, ancienne premiĂšre dame du Mali, c’est d’elle il s’agit.

Le rĂŽle de la mĂšre est fascinant et quasi mystique, d’autant plus qu’il repose sur un aspect charnel encore mystĂ©rieux en dĂ©pit des avancĂ©es de la science.

C’est la femme qui, proclame-t-on au Mali dans une formule apparente de lapalissade, engendre les rois, les ministres, les hommes richissimes. La procrĂ©ation est son apanage exclusif. L’homme n’y accĂ©dera jamais !

La mĂšre est l’icĂŽne de la maison. Son premier rĂŽle demeure l’éducation des enfants mais en rĂ©alitĂ©, elle rĂ©gente la vie de l’ensemble de la communautĂ© familiale, allant jusqu’à s’immiscer dans les relations de couple de ses fils. C’est que dans le mental collectif, la rĂ©ussite d’un homme dĂ©pend de sa mĂšre : le nom, c’est le pĂšre, mais la force, la baraka, c’est la mĂšre, assĂšne le dicton populaire.

Cette rĂ©ussite, croit-on, dĂ©coule surtout de sa souffrance. La souffrance devient ainsi une valeur positive, mieux, une valeur Ă  sublimer puisque sa puissance est symĂ©trique Ă  celle de l’enfant. Plus elle est immense, plus la rĂ©ussite de l’enfant est Ă©clatante. Ainsi, tous les hĂ©ros bĂątisseurs d’empires sont saluĂ©s Ă  travers les noms et le martyre de leurs mĂšres.

MĂȘme si la mĂšre d’un grand homme n’a pas souffert dans sa vie de couple, il faut la faire souffrir pour qu’elle cadre bien avec l’archĂ©type de la mĂšre d’un fils exceptionnel. Le pĂšre est gommĂ©, il n’est que le gĂ©niteur.

GĂ©nĂ©ralement, la souffrance, voire la disparition physique, prĂ©figure la grandeur du fils. L’histoire de notre pays nous en offre des exemples Ă©difiants.

Prenons le geste de Sunjata, le plus populaire. Le jour oĂč le hĂ©ros quitte le MĂ©ma pour voler au secours de son pays – nous sommes en 1235 – la conversation qu’il a avec sa mĂšre, leurs adieux, rĂ©sument la situation : « Djata, cours, pars vers le Manden, lui dit Sogolon, sa mĂšre, un grand destin t’y attend. J’ai souffert, toute ma vie durant, dans ma chair de femme, mĂ©prisĂ©e, bafouĂ©e, humiliĂ©e, mais aujourd’hui je suis apaisĂ©e. Je suis venue sur cette terre, Djata, avec seule mission de te mettre au monde, toi le prĂ©destinĂ©, le Nankama. Toutefois, pour que ton destin s’accomplisse, il a Ă©tĂ© aussi tracĂ© que je dois disparaĂźtre de ce monde. A l’aube, je ne serais plus en vie, je rendrai l’ñme mais mon esprit continuera Ă  te protĂ©ger. »

Une mĂšre pour de vrai augmentera son pouvoir et son ascendant sur son fils et son entourage en cherchant Ă  renforcer sa puissance protectrice. Elle recourt Ă  des pratiques magiques, frĂ©quente marabouts et devins, qui lui lisent l’avenir, la prĂ©vient des menaces qui planent sur elle et les siens, l’aident Ă  conjurer le sort, Ă  attirer la chance etc. Sur sa lancĂ©e, elle apprend elle-mĂȘme versets, incantations, formules et potions magiques pour accroĂźtre ses dons, au point de devenir Ă  son tour femme de savoir, qui n’est jamais prise de court par un mauvais Ă©vĂšnement et qui, progressivement, se trouve dotĂ©e par la sociĂ©tĂ© d’une aura singuliĂšre. CanonisĂ©e de son vivant, Ă©levĂ©e sur un piĂ©destal, elle inspire crainte et respect.

La mĂšre est nourriciĂšre, saluĂ©e Ă  ce titre. Elle est comparĂ©e Ă  la vache aux pis intarissables, quand elle met cette qualitĂ© au service d’autres enfants.

Une mĂšre nourriciĂšre accomplie reçoit une autre Ă©pithĂšte : la bonne mĂšre, fleuve nourricier. Ainsi, la nature dote la femme/mĂšre d’un apanage, assorti de valeurs pendantes : le don de soi, la gĂ©nĂ©rositĂ© et la bontĂ©.

L’image de la sƓur et de la femme-Ă©pouse complĂšte celle de la femme-mĂšre. Appesantissons-nous sur la femme-Ă©pouse.

 

La femme-épouse :

L’idĂ©al fĂ©minin de la femme-Ă©pouse fait d’elle un ĂȘtre fort psychologiquement, nantie, Ă  cause de cet Ă©tat de fait, d’une capacitĂ© de protection de son Ă©poux, l’homme, fort dans le corps, mais faible dans la tĂȘte. Un proverbe tamasheq enseigne par exemple que « la femme est le pantalon de l’homme » c’est Ă  dire qu’elle le protĂšge et cache ses forces et ses faiblesses. Les Bamanans disent : ka soutra. Soutoura, voilĂ  une autre valeur cardinale !

Partout, la socialisation de son Ă©poux lui est dĂ©volue. Elle gĂšre ses relations sociales, est sensĂ©e faire son bonheur et sa rĂ©ussite, rien que par son intelligence, sa conduite et son savoir-faire, au point que l’adage populaire considĂšre que lorsqu’un homme a la chance d’avoir une Ă©pouse cadrant avec les normes mentionnĂ©es, il surpassera en grandeur ses frĂšres rivaux et tous ses semblables hommes. Cette responsabilitĂ© super protectrice est telle, qu’on va jusqu’à imputer Ă  la femme les dĂ©viances de son mari, y compris les dĂ©viances extra conjugales. Si un homme, en effet, en arrive Ă  tromper sa femme, croit-on, c’est parce qu’elle ne sait pas user de savoir-faire ou d’artifices pour le retenir Ă  la maison. Allez savoir !

Sur l’échiquier du pouvoir, l’image de la femme-Ă©pouse, reflĂ©tĂ©e Ă  travers les PremiĂšres dames, a recouvert celle de la reine-mĂšre.

 

La soumission, comme arme de défense :

 Nonobstant ce rĂŽle essentiel, primordial, ce rĂŽle de la vie, la femme s’est laissĂ©e doublĂ©e sur sa gauche par l’homme qui l’a assujettie grĂące Ă  sa force brutale.

Dans ce contexte de domination des hommes et de partage des responsabilitĂ©s, la femme, pour se dĂ©fendre, a imaginĂ© des scĂ©narios de rĂ©sistance pacifique, d’auto-protection, pour plaire non seulement Ă  son Ă©poux, mais Ă©galement Ă  ses parents et amis. Cette tactique, globalement, est taxĂ©e de soumission. La femme africaine a vite Ă©tĂ© qualifiĂ©e de femme soumise, surtout par la littĂ©rature occidentale, qui n’a retenu que la façade, l’aspect qui saute Ă  l’Ɠil. Le fait de soumission est devenu un acte rĂ©prĂ©hensible, la femme sujet de compassion.

En passant au peigne fin cette « soumission », on se rend compte qu’elle est une posture d’humilitĂ©, majigin ; elle est aussi une « ruse de guerre » et au bout du compte, elle tend Ă  consolider la rĂ©putation et la position centrale de la femme. La femme dite soumise devient la personne incontournable auprĂšs de laquelle il faut se rĂ©fĂ©rer pour avoir Ă  manger, ĂȘtre blanchi. D’une disponibilitĂ© Ă  toute Ă©preuve, aucun Ă©tranger ni aucun parent venu du village ou d’ailleurs, ne peuvent se passer de ses services.

Quant Ă  sa relation avec son propre mari, elle est faite de soumission apparente. Dans ce registre, elle aiguise sa fĂ©minitĂ© pour lui plaire : petits plats, artifices de beautĂ©, techniques de sĂ©duction, attentions particuliĂšres etc. Elle affine cette arme au point de la transformer en comĂ©die : la comĂ©die de l’effacement.

L’effacement de la femme africaine, en voilĂ  une autre image d’Epinal ! En rĂ©alitĂ©, il participe, le plus souvent du mĂȘme jeu de recherche de l’équilibre dans le foyer. Je ne puis m’empĂȘcher d’évoquer ce proverbe sud africain, qu’il me plaĂźt de citer chaque fois que j’en ai l’occasion. Ecoutez-le bien, parce que l’image est forte et suffisamment symbolique : « la poule sait que le jour s’est levĂ©, mais elle laisse le coq chanter. »

N’est ce pas qu’elle fait pĂąlir cette expression, dĂ©sormais usĂ©e, qui dit que derriĂšre tout grand homme se cache une grande dame ?

Mais revenons Ă  la souffrance dans le silence.

 

La souffrance dans le silence :

L’autre valeur rĂ©fĂ©rencĂ©e par le code de bravoure de la femme est la souffrance dans le silence, l’ai-je dĂ©jĂ  dit, la capacitĂ© de subir, de se rĂ©signer, d’accepter. Souffrir dans le silence, sans se plaindre ni surtout colporter ses malheurs, est une vertu dont la femme doit se parer dans la culture malienne; c’est sa marque de fabrique. Dans ce domaine comme ailleurs, la femme s’est abritĂ©e derriĂšre cette recommandation au point d’en faire une arme d’auto-protection, dans la mesure oĂč ceux qui prĂȘtent une oreille attentive aux rĂ©cits de ses malheurs, ne sont pas forcĂ©ment des amis, ni a fortiori, des protecteurs ; mais surtout, cette sublimation de la souffrance et son acceptation par la femme, lui permettent de contourner un rapport de force inĂ©galitaire.  

L’abnĂ©gation, Ă©levĂ©e au stade de dispositif transcendantal, de foi, parachĂšve le code chevaleresque de la femme au point qu’une fille rĂ©pudiĂ©e en pleine nuit par son mari est immĂ©diatement chassĂ©e par sa famille qui refuse de lui ouvrir les portes de la maison et lui intime l’ordre de retourner dans son foyer, mĂȘme si son mari doit la tuer. La patience, la douceur, l’endurance, la tolĂ©rance et l’abnĂ©gation, sont supposĂ©es venir Ă  bout de la mĂ©chancetĂ©, de l’injustice, de l’épreuve de force. Ainsi, nous sommes dans une rĂ©gulation sociale opposant la vertu au vice et Ă  la force brutale, dont la femme reste la victime expiatoire et le porte-Ă©tendard.

De tout cela il rĂ©sulte que la femme, arrivĂ©e Ă  ce stade de perfection, devient la gardienne et la personnification vivante de toutes les valeurs dĂ©crites. Mieux, elle se transforme en monument de vertus, forgĂ© Ă  la suite d’une longue Ă©preuve dans laquelle elle s’est trouvĂ©e dans l’obligation de renĂ©gocier « son moi ».

Ce qui est sĂ»r, c’est que la sociĂ©tĂ© joue un rĂŽle majeur dans la marche de la femme vers les vertus. Elle est confortĂ©e par le savoir-faire, le poids des mots, vĂ©hiculĂ©s par ces orfĂšvres du verbe que sont les griots, Ă  la fois rĂ©gulateurs et catalyseurs sociaux.

Ce code d’honneur a subi des influences, nous l’avons dĂ©jĂ  annoncĂ©. Dirons-nous tans pis ou parlerons-nous de menaces ? Peut-ĂȘtre les deux Ă  la fois.

 

Menaces sur le patrimoine immatériel des femmes :

La vague de revendication fĂ©ministe qui a secouĂ© le monde Ă  partir des annĂ©es mille neuf cent soixante dix, s’est attelĂ©e Ă  courir derriĂšre l’égalitĂ© des sexes, dans une espĂšce de challenge Ă  relever. Et la femme s’est vue affublĂ©e d’attributs du genre « dame de fer » dĂšs l’instant oĂč elle bousculait l’homme sur le terrain de la fermetĂ©, voire de la force musclĂ©e ou mĂȘme de l’apparence physique, jusqu’à le relĂ©guer dans l’arriĂšre cour d’une Ă©masculation pitoyable et de faire de son pouvoir un infra pouvoir.

Tous ces mouvements atteignirent l’Afrique Ă  travers sa frange intellectuelle formĂ©e Ă  l’école occidentale. Un coagulant unit dĂ©sormais toutes les femmes : le combat pour la libĂ©ration des chaĂźnes de l’oppression du mĂąle, brutalement apparu sur la scĂšne comme l’ennemi historique Ă  abattre. Les diffĂ©rences sont gommĂ©es. La femme cesse d’ĂȘtre plurielle ; elle devient un ĂȘtre collectif planĂ©taire ; elle est une partout dans le monde, parle le mĂȘme langage de solidaritĂ© transfrontaliĂšre, transcontinentale, transculturelle. La femme africaine subit, sans s’en rendre compte, dĂ©jĂ  les contrecoups de la mondialisation. Vive l’ouverture !

L’allùgement des tñches domestiques est devenu un secteur de revendication.

Le dĂ©veloppement de la technologie, mettant Ă  la disposition des femmes l’équipement moderne, a assurĂ©ment Ă©tĂ© une rĂ©volution, contribuant Ă  leur soulagement.

L’effritement et l’atomisation des familles ont accusĂ© cette tendance Ă  l’allĂšgement. Qui plus est, le fĂ©minisme a inscrit dans son agenda le partage des responsabilitĂ©s domestiques avec les hommes qui voient ainsi leur rĂŽle se dĂ©placer.

Dans le domaine de l’éducation des enfants, en plus des crĂšches, garderies et jardins d’enfants, tout un arsenal para technologique vient aider les mĂšres et crĂ©er un facteur de diffĂ©renciation sociale : laits dits maternisĂ©s,  biberon, couches jetables, petits pots, landaus etc. Dans ce domaine-lĂ  Ă©galement, l’éducation et la socialisation des enfants sont revues dans un cadre partenarial voire Ă©galitaire avec l’homme.

De plus, les nounous, ou les « petites bonnes » des bĂ©bĂ©s, arrivent et Ă©largissent le cercle familial ; elles travaillent elles aussi Ă  plein temps, tandis que Madame vaque Ă  ses prĂ©occupations orientĂ©es Ă  remplir sa vie de femme Ă©panouie entre bureaux et autres espaces de travail, salons de coiffure, ateliers de tailleurs, bijouteries, mariages, baptĂȘmes sur les lieux desquels, la rivalitĂ© est sans pitiĂ©. C’est Ă  qui paraitra le mieux, gratifiera le plus la cohorte des griots et griottes venues chanter les charmes, flatter les Ă©go par le rappel des prestigieux arbres gĂ©nĂ©alogiques. Vive l’allĂšgement, que dis-je ?

Vive la déresponsabilisation et la déresponsabilité !

Mais, si l’intellectuelle africaine s’inscrit dans ce mouvement d’émancipation, la grande majoritĂ© de ses soeurs bĂ©nĂ©ficient peu de ces avancĂ©es technologiques.

Par ailleurs, toutes les valeurs dont se parait la femme africaine, se dressent dĂ©sormais comme autant de facteurs aliĂ©nants pour cette nouvelle catĂ©gorie de femmes. Plus question de se soumettre au mari. Plus question de s’effacer !

Au contraire, il faut dĂ©montrer, publiquement, (si besoin), qu’on le domine. Plus question de se taire, encore moins de souffrir dans le silence. Adieu, bonnes vertus de grand-mĂšre ! Et vive l’Affranchissement !

Cette nouvelle gĂ©nĂ©ration de femmes refuse de jouer son rĂŽle de forçat, de pilier et de poubelle. Du coup, elle se trouve dĂ©possĂ©dĂ©e de son rĂŽle d’épicentre du systĂšme social, qui glisse subrepticement vers la petite bonne de la maison.

Les relations belle-mĂšre/belle-fille prennent un autre tournant. Elles deviennent conflictuelles. Ennemie publique numĂ©ro un, les dĂ©mĂȘlĂ©s avec la « mĂ©chante belle-mĂšre » agrĂ©mentent  dĂ©sormais les causeries de salon de la jeune femme Ă©mancipĂ©e, Ă  telle enseigne que les relations belle-mĂšre/belle-fille sont en train de devenir un clichĂ©.

Face au bolide fait femme, les hommes rĂ©sistent peu aux discours officiels, mais se dĂ©fendent tant qu’ils le peuvent, au sein de leurs foyers.

La lutte des sexes se substitue à la lutte des classes. Beaucoup de couples se déchirent.

ImprĂ©parĂ©s Ă  un tel chamboulement, privĂ©s de vertus pour y faire face, les hommes perdent tout repĂšre et certains croient trouver le correctif dans les remariages et la polygamie, pour corriger, prĂ©tendent-ils le plus souvent, leurs « mĂ©chantes femmes. » Mais les « mĂ©chantes femmes » s’accumulant, ils accumulent femme sur femme, soucis sur soucis, tracasseries sur tracasseries. Le foyer conjugal se transforme en chaudron de soupe pimentĂ©e. L’imprĂ©paration des jeunes couples, qui ont dans la plupart des cas, dĂ©cidĂ© de se marier Ă  la faveur d’une rencontre aux rĂ©sonnances de coups de foudre, sans se connaĂźtre plus amplement, sans que leurs familles se connaissent, accuse l’instabilitĂ© familiale si tant est vrai que le mariage, furu, c’est d’abord une affaire de responsabilitĂ©s et de contraintes sociales dont l’amour kanu, si puissant soit-il, ne peut faire bon marchĂ© s’il veut rester solide. S’aimer Ă  deux sans aimer la famille du mari et celle de son Ă©pouse, est difficilement gĂ©rable. Furu s’oppose bien Ă  kanu dans leur essence.

Quid du rituel du mariage traditionnel, la retraite nuptiale de sept jours, avec le rĂŽle important de la conseillĂšre nuptiale, qui mĂ©rite  d’ĂȘtre revisitĂ©, en tant que vecteur d’éducation et de socialisation du jeune couple et qui a Ă©tĂ© larguĂ© au musĂ©e des usages dĂ©suets par le fĂ©minisme des annĂ©es 1970 ?

Et pourtant les femmes peuvent rĂ© enchanter le Mali, l’Afrique et le monde.

Les femmes peuvent rĂ© enchanter l’Afrique :

Les discours modernes sur l’émancipation, redevables des systĂšmes de valeurs importĂ©es, ont opacifiĂ© le rĂŽle moteur de la femme africaine. Ils ont souvent souffert du dĂ©lit d’impertinence et de simplicitĂ©. Notamment, ils n’ont pas suffisamment pris en compte la rĂ©alitĂ© de la culture, qui nous le savons, a comme caractĂ©ristique majeur l’entĂȘtement et la forte capacitĂ© de rĂ©sistance.

Aujourd’hui, des courants de pensĂ©e nĂ©o-maternistes, germĂ©s aux Etas Unis d’AmĂ©rique, propagĂ©s ensuite un peu partout en Europe notamment dans les pays scandinaves, prĂŽnent le retour Ă  l’image de la femme-mĂšre, femme au foyer, responsable de tout et de tous. Mais, c’est la nature que ces courants (d’essence Ă©colo-morale), replacent au cƓur de la responsabilitĂ© fĂ©minine. La femme du XXIe siĂšcle doit allaiter son bĂ©bĂ© pendant de longs mois, travailler Ă  temps partiel, rester Ă  la maison, deux ans s’il le faut, pour couver, chouchouter, pouponner, pomponner, son rejeton. A bas le biberon ! Il existe mĂȘme des hĂŽpitaux dĂ©nommĂ©s « HĂŽpitaux amis du bĂ©bé » oĂč l’on impose le « peau Ă  peau ». On n’est pas l’amie de son bĂ©bĂ© si on ne l’allaite pas.

Je pense que, face aux sĂ©ismes qui nous secouent, (au point de nous Ă©branler dans nos certitudes les plus absolues) les femmes du Mali et d’Afrique peuvent rĂ© enchanter en reconsidĂ©rant leur capital de vertus rĂ©fĂ©rencĂ©es. Je leur propose de le dĂ©terrer non pas dans un dessein de retour en arriĂšre, mais de rĂ©appropriation.

Ensemble, avec la sociĂ©tĂ© entiĂšre, elles les reconsidĂ©reront Ă  l’aune des enjeux actuels, car je crois Ă  la fluctuation et Ă  la relativitĂ© des valeurs en fonction des dĂ©fis qui se posent Ă  chaque gĂ©nĂ©ration d’hommes. On a beau ĂȘtre fervent dĂ©fenseur des traditions ancestrales, on ne peut pas clamer dans le contexte d’aujourd’hui que se taire, s’effacer, souffrir dans le silence sont salutaires pour les femmes. Au contraire, je souscris Ă  tout ce qui est dĂ©fense des droits de la femme, d’abord en en tant qu’Etre humain, ensuite en tant qu’ĂȘtre privĂ© de droits liĂ©s Ă  son sexe. Cependant, je dis qu’il y a un esprit en l’air ; on peut le capter, cet esprit, je le sens, dans les vertus du compromis, de la patience, de la tolĂ©rance, de la souplesse, de l’humilitĂ©.

Il s’agit donc d’une rĂ© appropriation, par les femmes, des valeurs qu’elles ont forgĂ©es au bout d’un long processus de socialisation forcĂ©, devenu pli culturel au bout du souffle ; elles en tireront la quintessence, la sĂšve salvatrice aussi bien pour elles-mĂȘmes que pour l’ensemble de la communautĂ©.

L’on ne devra pas perdre non plus de vue que nos sociĂ©tĂ©s sont traversĂ©es par des questions et des questionnements qui se posent ailleurs dans le monde. ConnaĂźtre au mieux ces questions et les gĂ©rer sans mimĂ©tisme en tenant compte de nos propres rĂ©alitĂ©s, lĂ  rĂ©side le dĂ©fi.

Dores et dĂ©jĂ , nous savons que de nouveaux concepts, Ă©laborĂ©s ou en cours d’élaboration, font dĂ©sormais partie du dictionnaire de la problĂ©matique fĂ©minine et doivent ĂȘtre assimilĂ©s : le concept mĂȘme de femme qui s’étend dĂ©sormais à toute personne de sexe fĂ©minin, y compris la petite fille. Ce sont aussi, en plus de la promotion de la femme, des concepts d’équitĂ©, de paritĂ©, d’égalitĂ© des genres, d’approche selon le genre, ou encore, d’égalitĂ©, de participation, d’implication, de leader et son corollaire leadership, de discrimination positive ou d’autonomisation etc.

En retombant sur nos pieds maliens, le modĂšle fĂ©minin ne devrait-il pas ĂȘtre transfigurĂ© en code de contribution Ă  la renaissance de l’Afrique ? La femme ne devrait-elle pas rĂ©habiliter le sein nourricier auquel tout le monde s’abreuve d’abord, pour apporter plus de bontĂ©, plus de douceur, plus de compassion, plus de sagesse et reprendre en main le pouvoir d’éducatrice, de socialisation de ses enfants qui Ă©tait le sien et dont sa spoliation a engendrĂ© des effets pervers !

Aussi, en jouant avec des artifices qui ont longtemps Ă©tĂ© les siens, elles revisiteront leur autoritĂ© sur leurs enfants et leurs hommes, les propulseront dans un contexte plus pacifiĂ©, plus Ă©largi, dĂ©passant le cadre Ă©triquĂ© des familles pour s’ouvrir Ă  la sociĂ©tĂ© et au monde. En d’autres termes, le combat des femmes doit ĂȘtre redĂ©fini dans une perspective dĂ©mocratique qui n’a de but que de tendre vers la dignitĂ© et le bien-ĂȘtre de tous, femmes et hommes. Il contribuera, ce combat, Ă  identifier les futurs possibles pour des initiatives citoyennes toujours plus probantes pour le devenir de notre destin collectif.

Pourquoi ne pas Ă©galement injecter une dose de sacrĂ© dans la redĂ©finition de ce statut de la femme en tant que mĂšre nourriciĂšre collective, gĂ©nĂ©reuse ? L’un des effets collatĂ©raux du triomphe de la raison a justement Ă©tĂ© le gommage du cĂŽtĂ© sacrĂ© qui rĂ©gulait les relations humaines en Afrique. En effet, c’est parce que les mentalitĂ©s Ă©taient rituellement ancrĂ©es qu’elles ont Ă©tĂ© mĂŽle de rĂ©sistance. Par exemple, quand une jeune fille se mariait,  – c’est d’ailleurs toujours le cas – la femme de caste qui l’amenait dans son foyer conjugal Ă©tait toujours chargĂ©e du message suivant adressĂ© Ă  la belle-mĂšre et Ă  toute la belle famille par les      -propres parents de la jeune femme : « nous vous confions cette enfant, nous vous demandons de la mettre entre votre chair et votre peau ; elle appartient dĂ©sormais Ă  votre famille. Nous ne voulons rien savoir la concernant ; toute sa gestion vous Ă©choit, morte ou vivante.»

N’est-ce pas dans ce ressourcement rĂ©ajustĂ© que nous devrions Ă©duquer nos filles, en insistant Ă©galement sur les vertus du travail, valeur libĂ©ratrice, valeur Ă©mancipatrice ?

Quant aux hommes, je voudrais leur faire passer le message comme quoi, une relation de couple doit se jouer comme une symphonie dans laquelle le dialogue, la communication occupe une place de choix.

 

Pr Adame Ba Konaré

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3 COMMENTAIRES

  1. Le prĂ©sident ATT a certainement ses qualitĂ©s et ses supporters, mais la vĂ©ritĂ© est que son laxisme a dĂ©truit notre pays. Qui aurait pu imaginer que ce “grand gĂ©nĂ©ral” allait fuir devant un petit show organisĂ© par les gamins intoxiquĂ©s de Kati ? Tellement irresponsable et ridicule ! S’il Ă©tait arrĂȘtĂ©, blessĂ© ou tuĂ© dans son palais, il serait aujourd’hui vĂ©nĂ©rĂ© en martyre par l’ensemble de la population Malienne. Mais il a choisi la fuite et l’humiliation.
    Selon Albert Einstein, il ne faut pas compter sur ceux qui ont crĂ©Ă© le problĂšme pour le rĂ©soudre…

  2. Dieu merci, le Mali Ă  encore des femmes de culture, de mĂšre de rĂ©fĂ©rence et d’Ă©pouses responsables. tout ira bien inchaallah.
    merci Ă  nos chĂšres Maman pour leur sacrifice et Ă  nos Papa pour leur bravoure.
    c’est un plaisir de lire vos Ă©crits.

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