Faire le changement avec celles et ceux qui n’y croient pas

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Peut-on faire le changement avec des personnes qui s’y refusent délibérément, n’y croient pas et répètent à l’envi à qui veut l’entendre que ce pays ne va jamais changer ? C’est là une question d’importance qui mérite qu’on y réfléchisse. Il n’est pas besoin de dire que les récents évènements qui ont secoué le Mali poussent à aborder cette question, d’autant que ce pays a été mis à genou du fait de la mauvaise gouvernance de ses propres fils dont il est inutile de rappeler le degré d’inconscience. Aussi cette question cadre avec cette période de campagne électorale qui prélude à l’élection présidentielle demandée à cor et à cri par nombre de puissances, les Etats-Unis et la France en tête.

 

 

Bien sûr, il ne s’agit pas de reprendre une analyse (1) livrée, il y a une semaine de cela, dans les colonnes de ce journal. D’ailleurs, à propos de cette analyse, il est de bon ton de préciser que son auteur s’est bien gardé de se ranger parmi le camp des confrères béni-oui-oui qui, soucieux d’être dans les bonnes grâces de tel ou tel autre candidat, passent le clair de leur temps à nous saturer de vérités insincères. Qui dit changement dans la situation sociopolitique d’un pays dit aussi changement de génération, sans cela il faut s’attendre à un prolongement d’un système grabataire qui conduira tout droit à « l’encore-pire », après le pire auquel nous venons de résister. Et les Maliens en sont toujours à se demander comment faire pour être tirés d’affaire. Qui choisir pour sauver le Mali ? Difficile question qu’ils sont seuls, peut-être, à avoir la réponse. Mais ce qui est sûr, effectivement, c’est qu’ils aspirent tous au changement. Et, cela n’étonne personne, les candidats de leur côté parlent tous de changement. L’étrange dans l’affaire, même ceux qui sont comptables de l’effondrement du pays promettent le changement. A qui ? A des naïfs de leur calibre ?

 

 

Cela amène à faire un petit rappel, toujours utile, qui consiste à dire qu’après la révolution du 26 mars 1991 qui a balayé le régime monolithique de Moussa Traoré, les « démocrates » qui sont venus au pouvoir ont été pires que ceux qu’ils ont supplantés. Et c’est à partir de cette période qu’ont été jetées les bases de la domination d’une minorité riche sur une majorité pauvre comme des mouches. C’est pourquoi, ceux qui sont nés dans l’aurore de cette démocratie n’ont connus que corruption, favoritisme, népotisme et piston. Des phénomènes qui ne vont pas avec la démocratie mais, grand paradoxe, que la démocratie elle-même contribue à créer. Le résultat se passe de commentaires : les systèmes éducatif, culturel et sportif se sont désagrégés, une armée lamentable croulant sous le poids d’une corruption de grande échelle…Un pays ankylosé. Il est difficile de ne pas intégrer cette partie dans une réflexion sur le Mali.

 

 

Les Maliens attendent le changement voilà bientôt plus de vingt ans, le fleuve de l’espoir dont ils étaient remplis a tari. Le changement n’est pas venu. La raison est simple à saisir. Le peuple malien ne sait pas ce qu’il veut, c’est tout. Témoin certains discours maintes fois entendus qui font suffoquer d’indignation. De fait, le Malien est l’une des rares personnes sur cette terre à se promettre le pire des lendemains. Une véritable schizophrénie dont je suis bien en peine de déterminer les causes réelles. « J’ai été dimanche dernier à un meeting du PDES. J’y ai été parce qu’ils nous ont payé de l’essence. Et puis, toi tu ferais mieux de changer de discours, parce que ce pays ne va jamais changer. Moi, je cherche juste où donner de la tête, le reste ne me regarde pas. Même après les élections, ce sont les mêmes voleurs qui viendront au pouvoir », ces propos sont d’un étudiant qui dit à qui veut le croire, et cela avec une complaisance insupportable, qu’il ne redoublera jamais tant que l’administration de la Faculté reste un caravansérail d’opportunistes de tous poils, de corrompus notoires et d’idiots contemporains. A celles et ceux qui veulent me faire observer qu’ « une hirondelle ne fait pas le printemps », je leur précise que ce n’était pas la première fois que j’entende pareil discours. Des amis journalistes, administrateurs civiles, hommes politiques me l’ont déjà servi. A dire vrai, cette schizophrénie peut trouver son explication dans la déception provoquée par, encore une fois, vingt ans de mauvaise  pratique de la démocratie et de mauvaise gouvernance.

 

 

Et c’est là que le rôle des élites maliennes devient d’importance grande. C’est à elles qu’il appartient aujourd’hui de sommer ces maliens de se réveiller, de leur dire qu’il n’est pas trop tard pour le Mali, que beaucoup de choses ont évolué ailleurs, dans d’autres pays, et que cela ne reste pas impossible au Mali et au Maliens. Il ne s’agit pas de se répandre en invectives contre eux dans les conférences, ouvrages et articles, mais de leur dire qu’ils ont tout avantage à aimer ce pays, à apporter leurs pierres à sa refonte. C’est uniquement  cela qui peut vaincre le mal être malien.

 

 

(1)   Le véritable changement passe nécessairement par un changement de génération, Le pays

Boubacar Sangaré         

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