Après les véhicules d’occasion dits «venus de France» et leurs accessoires, des hommes d’affaires maliens et étrangers vivant au Mali se sont lancés dans la vente du matériel usagé, importé d’Europe. Meubles, vêtements, jouets et électroménager, tout y passe. La propension à ce commerce à s’implanter partout étonne et suscite interrogation et curiosité.
Nombreux sont les Maliens qui font confiance à du matériel d’occasion venant d’ailleurs. En réaction, les commerces de ces «venus» fusent partout. Un grand magasin à Sotuba est toujours plein de curieux qui y vont pour jeter un coup d’œil. Ce magasin occupe une place de choix dans la vente d’électroménagers, matériel informatique, vélos, etc. d’occasion importés d’occident. Le maître des lieux, un Malien d’une quarantaine d’années. Comme ses concurrents, il a lancé ce commerce qui paraît intéresser la clientèle. Signes distinctifs : l’affaire occupe toute la maison. Devant, des vélos tout terrain sans roue avant sont exposés. L’intérieur du magasin bien achalandé comporte des articles d’occasion, affublés de l’inscription prix abordable. A l’arrivée de chaque conteneur d’articles, ce magasin est pris d’assaut par d’autres vendeurs de moindre ampleur. Le spectacle est étonnant, chacun veut avoir le meilleur article «premier choix» sorti du conteneur. On se bouscule par ci par là, jusqu’à empêcher les chargeurs de décharger. Cela dénote de l’engouement que les Maliens ont pour ces produits. Mais là où il y a du boom, c’est dans le commerce des réfrigérateurs et des équipements audiovisuels. Depuis les années 2003, le nombre d’importateurs d’électroménagers d’occasion a visiblement explosé. A tous les coins de rue, il y a un vendeur d’articles d’occasion qui propose des appareils à des prix imbattables. « Le problème avec ce commerce, affirme un employé travaillant dans l’équipement immobilier, c’est que dès que les gens flairent que quelque chose marche bien, ils se jettent tous là-dessus ». Le principe d’ouverture semble simple : un capital de départ, un magasin ou boutique loué, un petit personnel et bien évidemment un fournisseur, allemand, belge ou américain en général. A en croire, Barou, un des pionniers à Missabougou à s’être lancé dans ce commerce, le nombre de ce commerce a explosé et le chiffre d’affaire diminue. L’avantage de ces produits, a expliqué un fidèle client, il y a quelques deux mois, c’est que la qualité est garantie et ça dure beaucoup plus que le neuf. Selon les propos d’un jeune, la vingtaine environ, c’est la recherche de la qualité qui pousse les Maliens à se ruer vers toutes sortes de produits d’occasions importés d’Occident. Une affirmation que partage la plupart des gens rencontrés dans ces commerces en quête d’un produit ménager. Moussa Samaké, rencontré dans l’un de ces commerces à Boulkassoumbougou, explique qu’il a fait l’option d’acheter les «venus» parce qu’il n’a pas les moyens de s’acheter du neuf qui coûte un peu plus cher, mais dont la garantie est douteuse. Alors, si j’en achète, je suis au moins sûr de sa qualité et ça revient moins cher ».
« Ça revient moins cher, mais…» Quoiqu’il en soit, ces objets d’occasion sont une panacée pour les clients dont le pouvoir d’achat s’effondre de jour en jour. Du pauvre au «grand monsieur», voire même des ressortissants des pays de provenance de ces stocks, n’hésitent plus pour aller s’acheter des ordinateurs, des télévisions écran plats, du mobilier de bureau ou de maison, etc. « Ici on se dit qu’il vaut mieux avoir quelque chose que de ne rien avoir », affirme un usager, même si quelques mois après l’achat, on dépense souvent beaucoup en réparations. Voire aller acheter un autre car « la réparation de fer à repasser, cuisinière à plaques, cafetière, four à micro-ondes, réfrigérateur n’est pas aussi assurée » affirme-t-il. Ces appareils électroménagers d’occasion sont en réalité déclassés en Europe, et souvent décommandés. Les pannes fréquentes, la consommation abusive d’électricité sont entre autres des difficultés auxquelles les utilisateurs sont confrontés. En ce qui concerne les réfrigérateurs, par exemple, jusque dans un passé très récent, ils fonctionnaient au fréon, un gaz à effet de serre. Les consommateurs européens se sont débarrassés des leurs car ce gaz est interdit d’utilisation chez eux. Et ils font de bonnes affaires, car à court de moyens, les Maliens veulent toujours équiper leur maison à moindre coût. Pour le faire, avec du neuf de qualité, cela couterait les yeux de la tête, confie Cissé qui soutient que « tout le monde court se renseigner et s’offre un appareil de seconde main à moindre coût, tout en réalisant une différence de presque moitié de la valeur du produit neuf ». Et tous les appareils électroménagers sont concernés, tout y passe.
Dans les magasins du neuf, les patrons ne manifestent pas d’inquiétude majeure. Ils pensent que la population a le sens du discernement. C’est un choix à faire, analyse un responsable de magasin. Selon certains frigoristes, l’utilisation de ces appareils cause une double dépense chez les utilisateurs. Ils suggèrent à la population d’acheter des nouveaux appareils électroménagers plutôt que de dilapider l’argent dans les «venus». Il argumente : « quand vous achetez du matériel d’occasion, vous prenez le risque de vous rendre souvent chez le réparateur, mais aussi, c’est des matériels à forte consommation d’énergie électrique. Donc, vous payez cher vos factures d’électricité », explique-t-il, même s’il est loin de convaincre les clients qui voient d’abord et surtout la grosse économie réalisée.
Paul N’GUESSAN
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