Est-ce possible qu’une exposition de photos sur les 50 ans du Mali fasse l’impasse sur le Mouvement démocratique ? Est-ce possible que l’histoire de cette révolution soit retracée en occultant l’un de ses tout principaux acteurs, en l’occurrence le premier président du Cnid-Association ?
On ne peut pas retracer l’histoire des 50 ans du Mali sans évoquer le Mouvement démocratique qui a ouvert le pays à la démocratie. Mais il est tout aussi impensable de jeter la lumière sur ce mouvement sans parler du Cnid Association, la première formation non gouvernementale à caractère politique qui a décidé de réclamer la démocratisation du pays au régime du général Moussa Traoré à visage découvert (contrairement à d’autres qui avaient opté pour l’action clandestine depuis des décennies). A cet effet, cette association est la première force à descendre dans la rue, lors d’une marche absolument pacifique, qui enfantera d’autres marches unitaires qui vont finir par balayer le régime Moussa Traoré le 26 mars 1991.
Le leader de cette force de démocratisation – le Cnid Association- n’était autre que Me Mountaga Tall, un jeune kamikaze qui avait alors apposé sa signature au bas de la lettre qui exigeait du généralissime et tout puissant Moussa Traoré de descendre de son Palais de Koulouba afin que la démocratie s’installe au Mali ; après avoir rendu compte au peuple. Cet homme, quand il s’agit de parler de cette page de l’histoire du Mali, n’a-t-il pas droit à être cité parmi les autres acteurs mis en exergue ?
Une absence non remarquée
L’Exposition-photos du cinquantenaire qui prit place à Bolibana du 3 au 10 décembre dernier, sur le pourtour de trois stades de football, ne le pensait pas. Bien entendu une place de choix avait été réservée à la glorieuse histoire du Mouvement démocratique et ses différents acteurs avaient eu droit à voir leurs photos accrochées aux grilles de l’exposition inauguré par ATT himself. Pas tous toutefois, et parmi les grands absents, on peut compter le premier président du Cnid Association Me Tall.
Est-ce une omission involontaire ? Oublier est humain et cela peut arriver à n’importe quel être bipède. Mais un oubli de cet acabit et qui perdure dans le temps, qui est relégué aux oubliettes et qui n’est jamais déploré tend à être autre chose.
Doit-on alors retenir la thèse de l’omission volontaire ? On l’aurait compris sous Alpha Oumar Konaré mais avec Amadou T. Touré cela est étrange. En effet, le Cnid Fyt a soutenu ATT au second tour en 2002 et son président a renoncé en 2007 à être candidat pour mieux diriger la campagne du candidat ATT ; et ce malgré la canne avec laquelle il marchait péniblement. Alors, Comment expliquer l’impensable ? Et pour quelles raisons le chef de l’Etat a-t-il ordonné ou tout au moins cautionné cette forme de chasse aux sorcières à l’encontre d’un allié qui a rempli pour lui des missions délicates ? Par exemple, lorsque ce livre à (ou aux) auteur(s) inconnu(s) était apparu sous les manteaux et qui trainait le chef de l’Etat dans la boue, c’est à l’avocat Me Tall qu’il a demandé d’aller en France pour colmater les brèches. Alors pourquoi la ségrégation envers un tel soutien loyal, dévoué et solide ?
De longues semaines sont passées depuis l’exposition mais l’absence de Me Tall sur ses pages n’a soulevé aucune remarque à ce jour de la part d’aucun officiel. Cela est tout simplement mauvais dans un Etat de droit qui tient à la démocratie. Car le silence sur une action mal placée est encore pire que l’action elle-même. C’est cela qui emmène les Blancs à dire qu’une faute avouée est à moitié pardonnée. Mais quand toute une communauté observe le mutisme sur une anormalité et joue la partition de l’amnésie, c’est qu’elle est malade. Quand une entité d’humains ne prend pas le temps de réfléchir sur ce qu’il fait et quant l’auto-aveuglement domine en maître dans une société, alors il faut s’inquiéter pour elle.
Désormais, la ségrégation envers certains dignes fils du pays lors de cette Exposition-photos du cinquantenaire du Mali a été mise à la place publique. Il revient à ceux et celles qui aiment créer le monstre de la division et de l’exclusion de savoir que cet ogre est insatiable. Une fois qu’il a bouffé la cible pour laquelle il a été crée alors il se retourne contre une autre. Et il finit toujours par manger son créateur. Aujourd’hui, c’est sur Me Tall que la sale bête de l’exclusion a été lâchée. A qui le tour demain ?
Et si on l’éliminait tout simplement pendant qu’il était encore temps ?
Amadou TALL