La protection des droits des enfants contre toute forme de violence et d’exploitation commerciale ou sexuelle est la principale mission du Bureau national Catholique de l’Enfance, (BNC-Mali). Nous avons essayé d’en savoir plus sur son combat au quotidien sur l’exploitation sexuelle des aides ménagères à des fins commerciales.
Le Mali, deuxième plus grand pays d’Afrique de l’Ouest, compte 17,8 millions d’habitants, dont plus de la moitié est âgée de moins de 18 ans.
Malgré les politiques volontaristes des dernières années, la situation des enfants au Mali reste difficile. Plus de 85 % des moins de 15 ans souffrent de privations sévères, que ce soit en matière de logement ou d’éducation. Par ailleurs, les diverses pratiques sociales, culturelles et religieuses ont une forte influence sur l’éducation, la socialisation et le développement de l’enfant. Ainsi, bien que le Code de Protection de l’Enfant au Mali, en conformité avec la Convention internationale relative aux droits de l’enfant et la Charte Africaine sur les Droits et le Bien-être de l’Enfant, définisse l’enfant comme toute personne humaine âgée de moins de 18 ans, 14 % des filles se marient avant l’âge de 15 ans et 61 % avant l’âge de 18 ans.
Qui utilise leurs faveurs sexuelles ?
Mme Bouanga Anna, chef de centre au Bureau national Catholique de l’Enfance (BNCE Mali), affirme : “les filles que nous recevons ici, nous sont référées généralement par le Samu social. On a seulement eu 3 qui ont été à Bolé et qui sont passées par l’exploitation sexuelle avant de travailler et être référées ici. Les écoutes que nous organisons nous ont permises de découvrir qu’elles ont été victimes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales (ESEC). Ce sont des filles qui ont frôlés ou qui ont fait la prostitution. Donc quand on parle de prostitution, il y a tout dedans, parce que c’est des filles qui sont sous l’influence des proxénètes ou l’influence des grandes personnes ou même d’un parent qui donne de l’argent à une fille en échange de faveurs sexuelles“.
“Nous avons des filles référées par le Samu social. Nous les aidons à sortir de la prostitution. C’est un travail de longue haleine qui n’est pas facile, qui prend un long processus. Nous faisons ce que nous pouvons avec les sensibilisations, les animations, les boîtes à image. Et les risques de maladie qu’elles peuvent trouver la-dans. C’est des filles aussi qui suivent des formations spéciales dans les centres aussi dans un centre de couture. Elles seront installées plus tard. La formation permet d’oublier ce qu’elles faisaient dans la rue et les maisons closes. Il y a une qu’on vient de réinsérer en famille avec une activité génératrice de revenus. D’autres sont en formation et vont être réinsérées plus tard. Nous travaillons avec les parents, car certaines sont rejetées par la famille“.
BAKARY KONATE, AVOCAT: Les rigueurs de la loi
Selon Maitre Bakary Konaté, avocat stagiaire au Barreau du Mali, les violences faites aux aides ménagères prennent une certaine ampleur eu égard au nombre élevé de cas enregistrés ces derniers temps. Toutefois, nombre de cas ne sont pas déférés devant les juridictions, ce que l’on peut déplorer. “J’ai en mémoire une affaire encore pendante devant un tribunal et qui avait fortement défrayé la chronique tant l’indignation qu’elle a suscitée était grande. Il s’agit d’une dame ou plutôt une patronne dont je tairai le nom qui avait versé de l’eau bouillante sur sa “bonne“ détruisant ainsi affreusement une bonne partie de son corps allant de son dos à ses seins et même une partie de son visage. Cette dame a alors fait une demande de mise en liberté pour recouvrer la liberté provisoire suite au mandat de dépôt décerné contre elle. Les juges ont rendu une décision salutaire en rejetant sa demande. Elle est toujours derrière les barreaux, attendant d’être fixée sur son sort“, ajoute notre interlocuteur.
Pour lui, en Droit, les violences sont un terme générique en ce qu’elles regroupent les infractions constituant une atteinte à l’intégrité des personnes. Il s’agit par exemple des cas de coups et blessures, d’homicide, de torture, etc. La loi est très hostile aux violences puisqu’il s’agit des infractions les plus sévèrement punies. Dans le contexte malien, concernant les violences faites aux aides ménagères, ce sont plutôt les cas de coups et blessures qui sont monnaie courante. Ces violences n’ont toutefois pas fait l’objet d’une législation spécifique. C’est donc aux dispositions générales du code pénal qu’il faut se référer. Ce code non plus ne réserve pas un traitement particulier aux violences exercées sur les aides ménagères. En d’autres termes, la qualité d’aide-ménagère de la victime importe peu dans la répression. Ces violences sont alors sanctionnées de la même manière que celles faites aux autres personnes.
“Les sanctions sont en fonction de la gravité et de la nature de la violence. Par exemple, l’article 200 du code pénal prévoit la peine de mort en cas d’assassinat. Pour le meurtre, la peine peut aller jusqu’à la réclusion à perpétuité. En ce qui concerne les coups et blessures, elles sont sanctionnées d’une peine d’emprisonnement d’un (1) à cinq (5) ans et une amende de 20 000 à 500 000 F CFA“, ajoute Me Konaté.
PORTRAIT: Habibatou ou le calvaire d’une bonne
“Je viens de Farabana. Je me suis enfuie de la maison pour venir travailler à Bamako, la capitale. Une fois à Bamako, je n’avais pas de famille d’accueil. Ma copine qui était venue avant moi m’a trouvée une place dans une famille à Kalaban-Coro. Ma patronne me traitait bien, mais c’est moi-même qui ne voulais pas de ce travail. Je l’ai donc quitté pour rejoindre ma copine. Là-bas j’ai rencontré un monsieur qui m’a enceintée et je suis tombée très malade. Et quand ma famille l’a su, elle a tout fait pour que je retourne au village. Je n’ai pas accepté. Un jour, dans la rue, je me suis évanouie. Quelqu’un m’a récupérée pour me conduire au centre. Là, j’ai expliqué ma situation. On a appelé l’auteur de ma grossesse qui a reconnu les faits. Ici j’ai été bien traitée. Le centre m’a prise en charge jusqu’à mon accouchement et il s’occupe de mon bébé et de moi. C’est mon père qui est très fâché contre moi. Et là le centre est en train de le démarcher pour qu’il me pardonne afin que je puisse réintégrer ma famille pour ensuite me marier. Vraiment je déconseille la rue à mes sœurs aide-ménagères et aux enfants qui fuguent pour venir travailler dans la capitale. Car tu peux rencontrer plusieurs sortes de difficulté, ton patron peut abuser de toi comme ta patronne peut te maltraiter, tu peux avoir une grossesse non désirée comme mon cas”.
Bintou Diawara