Du 25 au 26 mai, l’Association des ressortissants et amis de la commune de Faléa a organisé une conférence- débat grand public et une rencontre médias et acteurs locaux à Kéniéba. Elles se sont déroulées dans la salle de conférence du Conseil de cercle, en présence des autorités locales. L’objectif était de sensibiliser les populations sur les dangers de l’exploitation des ressources naturelles dans le cercle de Kéniéba. Etaient présents des élus et des chefs de village (9).
D’entrée de jeu, Nouhoum Keïta, membre de l’Association des ressortissants et amis de la commune de Faléa (ARACF), a tenu à lever toute équivoque quant à la tenue de ces deux activités à l’endroit du reste de la population du cercle de Kéniéba. Il a expliqué que l’ARACF a été créée pour le développement de la commune de Faléa. Mais pour lui, cela ne doit pas empêcher son association à tendre la main aux autres populations du cercle face au pillage des ressources naturelles de la localité par les sociétés étrangères occidentales. M. Keïta pense que le temps est venu pour que les habitants de Kéniéba puissent souffler de la même trompette afin de tirer profit des richesses naturelles exploitées pour alimenter le capitalisme. Il a rappelé que le combat de l’ARACF est de tout mettre en œuvre pour empêcher l’exploitation de l’uranium. Car, dit-il, les vingt-un (21) villages de la commune de Faléa sont appelés à disparaître.
L’un des conférenciers, le Pr Issa N’Diaye, ancien ministre, n’est pas parti avec le dos de la cuillère pour qualifier la situation de notre pays de trahison de la part d’une poignée de Maliens qui travaillent avec l’Occident pour satisfaire leurs propres intérêts. Il a déclaré que la guerre dans le nord de notre pays n’est pas une guerre contre les djihadistes mais de diviser notre pays pour piller ses richesses naturelles. Selon lui, avec le temps, les Maliens sont en train de comprendre les enjeux qui entourent l’intervention militaire occidentale dans notre pays.
Concernant le cas spécifique de Kéniéba, l’ancien ministre pense que l’exploitation de l’or n’a pas profité à la population. Ce qui lui fera dire qu’elle a aggravé la misère et la pauvreté dans cette localité. Pour lui, il faut mettre fin à la transaction entre Etat et sociétés d’exploitation minière qui exclut les populations dans le développement de leur zone. «Sans implication de la population dans les prises de décision leur concernant, le développement est voué à l’échec», a-t-il ajouté.
Le Pr Issa N’Diaye constate malheureusement que les habitants de la capitale de Tambaoura n’ont pas été associés à la signature des contrats entre l’Etat malien et les sociétés. Pour que l’Etat revienne sur ses pas, il a invité les populations de Kéniéba à former des groupes de pression pour se faire entendre.
L’autre conférencier, El Béchir Singaré, membre de Amnesty International, dira que les traités internationaux interdissent aux sociétés d’exploitation minière de détruire l’environnement des zones aurifères. Mais dans notre pays, constate-t-il, il y a violation des textes de la décentralisation. Selon lui, les textes de la décentralisation stipulent l’implication des populations dans le développement de leur commune. Comme cela n’est pas le cas dans le cercle de Kéniéba, la population est en train de subir les conséquences de l’exploitation de l’or à travers la destruction des pâturages, la pollution des eaux, la cherté de la vie, l’insécurité et les nouvelles maladies.
Malgré cette situation de marginalisation, le conférencier estime que le combat est loin d’être perdu. Pour lui, ce combat doit être mené avec des associations d’autres localités qui partagent les mêmes problèmes de pillage des ressources naturelles. Il a suggéré que les organisations de Kéniéba peuvent prendre langue avec celles de Ségou pour former une plateforme ou un réseau de défense des intérêts de leur communauté. Il est à rappeler que les paysans de l’Office du Niger sont spoliés de leurs terres au profit des multinationales. Pour atteindre cet objectif, le M. Singaré pense qu’il faut mettre le pays au-dessus des intérêts partisans.«Personne ne viendra régler nos problèmes à notre place», a-t-il conclu.
Après avoir salué l’initiative de l’Association des ressortissants et amis de la commune de Faléa (ARACF), les intervenants, édifiés sur les dangers qui guettent leur communauté quant à l’exploitation de l’or, ont décidé de se donner la main pour le développement de leur cercle. Mais auparavant, ils ont tous déploré leur mise à l’écart dans la signature des contrats entre le gouvernement et les sociétés minières. Ce qui leur touche le plus, c’est que l’exploitation minière n’a pas amorcé le développement tant annoncé par les autorités maliennes.
Le vice- président du Conseil de cercle de Kéniéba, Cheick Oumar Camara, en ouvrant les travaux, a déclaré que : «Les Etats négocient directement avec les grandes sociétés étrangères, leur offre des conditions avantageuses, alors que les pouvoirs locaux assistent à l’arrivée sur leur territoire d’entreprises, parfois arrogantes, dont les pratiques bousculent les dynamiques socio- économiques locales et que les pratiques artisanales d’exploitation des minerais sont très largement décriées».
Yoro SOW, envoyé spécial