Exploitation de sable et de gravier : Une affaire de femmes

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Le travail est très dur et plus ou moins lucratif mais les nombreuses Koulikoroises qui le pratiquent n’ont pas trop le choix après la fermeture de l’usine Huicoma.

Koulikoro est située à une soixantaine de kilomètres à l’est de la capitale. Aujourd’hui l’activité économique de la ville tourne presque essentiellement autour du petit commerce et de l’exploitation de sable et de gravier. Cette activité lucrative occupe plus de 85% des femmes de Koulikoro. Confrontées à la pauvreté urbaine, notamment avec la fermeture de l’usine Huicoma (Huilerie cotonnière du Mali), les Koulikoroises sont très impliquées dans l’exploitation de ces matériaux de construction. On se souvient qu’au moment où Huicoma tournait en plein régime, beaucoup de femmes de la ville tiraient profit de la fabrication et de la vente du savon communément appelé « Koulikoro savon ». Elles gagnaient facilement leur pain quotidien dans la production de ce produit très prisé par nos ménages. Il faut reconnaître que lorsque Huicoma marchait bien, Koulikoro aussi se portait à merveille. La ville battait au rythme de cette usine qui faisait la fierté et le bonheur de la population locale. Maintenant que Huicoma est à genoux, toutes les énergies se sont reportées sur la berge du Fleuve Niger qui est tout le temps noire de monde. Femmes et enfants ont investi ce petit « coin de paradis » à la recherche de sable et de gravier.

Les femmes sont en première ligne. Elles entrent même dans l’eau pour extraire la matière précieuse. Ce sont d’autres femmes aussi qui négocient avec les clients. Exploiter le sable et gravier ne demande pas de qualification particulière, mais exige tout de même beaucoup de courage et d’endurance. Chaque jour, de bonne heure le matin jusqu’au crépuscule, équipées d’un seau d’eau, d’une bassine et d’une pelle, les femmes « affrontent » les eaux du fleuve Djoliba pour extraire le sable et le gravier. Elles passent environ 5 à 20 minutes à remplir un seau. Un tas de sable qui nécessite environ 6 à 10 seaux est vendu à 250 Fcfa. Pour le gravier, le tas est cédé à 1000 Fcfa. L’activité semble rentable et attire même des personnes que l’on n’aurait pas imaginées là. C’est le cas de Adam Sidibé. A 20 ans, elle est étudiante en 3ème année de dessin bâtiment à l’Institut de formation technique de Koulikoro. « Chaque week-end, je viens extraire le sable de l’eau. Je peux gagner 1000 à 1500 Fcfa par jour. L’argent que je gagne me permet de subvenir à mes petits besoins, mais surtout je donne une part à mes parents », indique avec fierté la jeune fille. Tout comme Adam, beaucoup d’autres jeunes filles pratiquent cette activité économique.

POUR NE PAS MENDIER. Les femmes qui achètent les tas de sable et de gravier pour les revendre se frottent elles aussi les mains. Fanta Diarra en est une. « Le commerce de sable est difficile et complexe dans la région. Car, il faut avoir un petit fonds pour acheter le tas avec les exploitantes. Dans le cas contraire, il faut aller ramasser le sable dans l’eau. Or tout le monde n’a pas cette force, ni cette énergie », explique notre interlocutrice. « Mon mari n’a pas de travail, alors que nous avons 4 enfants en charge. Ce que je gagne permet de nourrir ma famille et ça fait plus de 10 ans que je pratique ce métier », annonce la quinquagénaire Ténimba Koné. Mama Astan Coulibaly a 48 ans. Cette exploitante de sable s’occupe seule de ses trois enfants et de sa mère. « Avant, notre coopérative fabriquait et vendait des savons au moment où Huicoma fonctionnait. Mais après la fermeture de l’usine, il n’y avait pas d’autres sources de revenus pour nous les femmes que l’exploitation du sable et de gravier », indique Mama Astan Coulibaly qui ne peut retenir quelques larmes. La sexagénaire Kadiatou Maïga dite Hadi pratique depuis longtemps cette activité. Elle se plaint aujourd’hui du manque d’équipements adéquats pour faire ce travail.

Notre interlocutrice semble accepter son destin puisqu’elle n’a aucun autre moyen de subvenir aux besoins de sa famille, si ce n’est ce métier très dur. « C’est un travail fatigant, mais malgré mon âge je suis obligée de le faire pour ne pas mendier », lance-t-elle. A Koulikoro comme partout ailleurs dans le pays, le prix de sable et de gravier varie selon la quantité, les saisons et la distance à parcourir. Un chargement de camion à 6 roues est vendu à 20.000 Fcfa tandis que le chargement d’un 10 roues et plus est cédé entre 25.000 à 27.500 Fcfa. Pour le gravier, il est estimé à 27.500F pour les camions à 6 roues. Pendant l’hivernage, l’activité ralentit et le produit devient très rare et donc très coûteux. En cette période, le gravier est vendu à 70.000 Fcfa pour le camion à 6 roues et 100.000 Fcfa pour le camion à 10 roues. L’essentiel de la clientèle vient de Bamako. Les femmes qui exploitent le sable à Koulikoro sont assujetties à certaines obligations financières. Elles doivent payer, par exemple, 1500 Fcfa par chargement au syndicat. Selon le syndicaliste, Hama Maïga, sur les 1500 Fcfa versés par les exploitantes, 500 Fcfa reviennent à la mairie en guise de taxe municipale.

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