Exonérations riz et sucre: «Les péchés» du Gouvernement

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Afin de juguler la crise liée à la flambée des prix des denrées de première nécessité, le Gouvernement malien  renonce à certains droits et taxes sur les importations. Si l’initiative est salutaire, le processus n’est rien d’autre qu’un délit d’initiés, un péché prévu et punis par la loi. Les résultats de notre enquête sont effarants.

A l’approche du mois de Ramadan, le marché malien du riz s’affole, le sucre est inabordable, le lait et l’huile deviennent des produits de luxe.

Comme d’habitude, le Gouvernement met en place un dispositif financier permettant aux Maliens d’accéder à ces denrées à moindre coup. C’est donc ainsi qu’il vient d’accorder des exonérations pour 60.000 tonnes de riz. Mais, la répartition de cette quantité pose déjà problème. «Il n’y a aucune transparence dans l’attribution des exos. Le Gouvernement garde une main trop lourde sur le dossier. Le Ministre du Commerce et de l’Industrie choisit à la tête du client, au mépris de tous les principes de transparence». Le coup de gueule de Bazoumana Fofana, opérateur économique en dit long sur la mafia qui règne sur ce dossier, qui semble constituer un fonds d’enrichissement illicite pour certains cadres et une catégorie d’opérateurs économique triée sur le volet.

Que se passe t-il en réalité ? En clair, les 60.000 tonnes en question devraient être partagées entre les opérateurs économiques du secteur du riz et de façon équitable. C’est une exigence de bonne gouvernance qui l’impose. Au Gouvernement, version Kaïdama, on ne pige que dalle des notions élémentaires de bonne gestion.

Selon notre interlocuteur, c’est le Ministre Niamoto Ba qui a, elle-même choisi, ses «clients» : Bakoré Sylla, Modibo Kéïta, Amadou Djigué, etc, sont quelques uns de ces opérateurs économiques qui préservent jalousement leur monopole sur les importations de riz exonérés. «C’est une affaire de magouilles. Le Gouvernement n’a pas le droit d’exclure sans preuve une catégorie d’opérateurs économiques et de privilégier une autre. Nous payons nos impôts, nos travailleurs sont inscrits à l’INPS ; nous participons à la lutte contre le chômage. Nous aimons notre pays, mais pourquoi donc nous exclure des avantages liés à notre domaine ? C’est tout simplement inadmissible», s’insurge M. Fofana qui n’a pourtant pas fini d’égrainer les péchés qu’il reproche au Gouvernement.

Selon lui, malgré les avantages accordés à ces opérateurs très particuliers, le marché du riz continue de flamber au désespoir général de tous les consommateurs en général et des musulmans en particulier au nom desquels l’Etat renonce à ces droits.
Pourquoi le Gouvernement isole systématiquement la Chambre du Commerce et d’Industrie du Mali ? Là est toute la question. En principe, il appartient à la CCIM qui est une institution légitime de gérer des questions relatives au commerce. Mais malheureusement, elle aussi est totalement muette sur les abus dont elle est victime de la part du Gouvernement. En plus de la CCIM, il y a le  tout puissant Groupement des commerçants détaillants qui, lui aussi, avait son mot à dire. Hélas !

Par rapport au sucre également, le phénomène est pire qu’une mafia japonaise. Et pour cause, le Gouvernement impose aux opérateurs économiques de s’approvisionner chez le producteur national de sucre, SUKALA. Or, ici, les dés sont pipés. En fait, en dehors de Bakoré Sylla et de Modibo Kéïta, aucun autre commerçant n’a accès à ce sucre. «Chaque année, on nous fait savoir que la production de l’usine est totalement achetée par ces deux gros clients. En réalité, ils passent une commande pour toute la quantité produite et celle à produire, alors que la canne à sucre n’a même pas encore germé. Mais, ce qu’on ne sait pas, c’est qu’en réalité, il s’agit d’un commerce virtuel. Aucun sous n’est versé à l’usine avant que les opérateurs n’aient reçu et vendu leur produit. Ainsi donc, les autres opérateurs du secteur sont obligés ou d’acheter chez les deux aux prix imposés, ou d’importer en payant les droits de douanes qui s’élèvent à 50.000 FCFA la tonne. Impossible donc de concurrencer le sucre de Bakoré et de Modibo. Dans ces conditions donc, l’Etat tombe encore dans une camorra animée par de redoutables barons. Le système est portant bien connu de nos autorités qui, on l’espérait, allaient prendre des mesures adéquates pour réparer cette injustice qui frappe la majorité des commerçants qui, portant honorent tant bien que mal leurs engagements fiscaux vis-à-vis de l’Etat.

Mais, dans ce processus vagabond, où chacun (Bakoré, Modibo et l’Etat) se lèchent et se pourlèchent les babines, le peuple trime durement pour l’éternelle chasse à la pitance.
Abdoulaye NIANGALY

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