Alors que les Musulmans du monde entier, observent avec ardeur et piété, le mois de Ramadan, l’occasion est toute trouvée de faire une introspection. D’abord sur soi, sa foi, sa patience et son comportement envers les autres. Mais aussi, sur la perception même de l’Islam à travers le monde, grandement ternie par l’idéologie haineuse et mortifère de l’extrémisme violent. Mohamed Bajrafil, Imam en France à Ivry-sur-Seine, casse des préjugés qui ont pignon sur rue en Occident : « Non, l’Islam n’appelle pas à tuer les juifs, les chrétiens ou les athées. Non, l’Islam n’a pas vocation à conquérir le monde. Non, les femmes ne doivent pas porter le voile, si elles n’en ont pas envie ». Ce sont là, entre autres vérités que l’Imam livre dans une interview menée par le chroniqueur média, Hugo Clément, connu pour ses différents interviews et reportages sur des sujets souvent tabous.
A la première question, comment se porte l’Islam en 2018, Mohamed Bajrafil, distingue deux islams. L’Islam de Dieu, l’Islam véridique va très bien. Mais, l’Islam des hommes, a énormément du souci à se faire. Car, il y a presqu’autant d’Islam que de musulmans. Quand un terroriste ouvre le feu en criant Allahou Akbar, cela n’est nullement le même que lorsque le musulman lambda crie Allahou Akbar lors de sa prière.
Toutefois, l’imam comprend cette peur que l’Islam inspire en France et dans le monde. Il aurait, lui-même, eu peur en étant l’autre. Et même en tant que musulman, il a peur, a-t-il déclaré. Le phénomène touche le monde entier. Il rappelle que lors du massacre à Nice, 30 victimes musulmanes étaient à déplorer. L’assaillant s’en fichait royalement de qui il allait tuer. Il avait une envie de mort, il fallait qu’il tue des gens, y compris des musulmans. Il s’agit juste d’une idéologie mortifère, qui déteste voir des gens réfléchir autrement. Et en tant que musulman, l’imam dit qu’il faut qu’il entende la peur des non-musulmans vis-à-vis de ce déchainement de violence. Ce serait une erreur que de nier que l’autre puisse avoir peur. C’est son droit, pense Bajrafil.
Pour certains non-musulmans, le Coran appelle clairement à tuer les non-musulmans. Les versets, entre autres cités, sont, le 4-89 : « Ne les prenez pas pour alliés tant qu’ils n’auront pas émigré vers la cause de Dieu et s’ils se détournent, emparez-vous d’eux et tuez-les où que vous les trouviez ». L’imam explique que le terme « tuez-les » fait référence à quelque chose qui a été cité avant, d’où le pronom « les ». Ce qui veut dire que si l’on situe ce texte dans le contexte, on va s’apercevoir qu’il s’agit de gens avec qui le prophète et les compagnons sont en guerre, qui les ont agressés, au moment où c’est écrit. Et Bajrafil d’ajouter : « Nous ne pouvons pas, en 2018, lire le monde avec les lunettes de gens qui ont vécu il y a 1200 ans. Ce n’est pas possible. Sinon, on produira les catastrophes que nous connaissons aujourd’hui. »
Sur la haine des juifs, l’Imam explique que ce n’est pas parce qu’on est musulman qu’on doit détester les juifs. C’est contraire à la religion. D’ailleurs, dans le Coran, le prophète Moise et les enfants d’Israël sont plus cités que le prophète de l’Islam. Egalement, jamais une foi ne s’est construite dans la détestation de l’autre. Si j’ai été envoyé pour supprimer l’autre, eh bien, je dois me dire que je n’ai pas été envoyé par Dieu, mais par Satan, raconte Bajrafil.
Sur le port du voile, Bajrafil dit qu’il s’agit d’une obligation, comme l’est le fait d’aider son prochain. Mais, est ce que tout le monde le fait ? Il est laissé à tout un chacun le soin de faire ce que bon lui semble. Il doit n’être permis à personne de décider à la place de personne. Selon l’imam, c’est coraniquement prouvé. La femme doit pouvoir disposer de son corps comme bon lui semble.
L’Islam serait une religion à vocation hégémonique, pour beaucoup dans le monde occidental. L’imam répond que si Dieu voulait, il aurait fait de la communauté humaine une seule personne. Mais, Dieu dit clairement que les hommes n’auront de cesse d’être divergents, et pour cela, il les a créés. Donc, si untel lutte pour qu’il n’y ait pas de différences, pour que tout le monde soit musulman, au fond, celui-ci est encore une fois en train de s’inscrire dans une lecture blasphématoire du Coran qui dit que parmi les preuves de l’existence de Dieu, il y a cette multiplicité et cette différence.
L’imam Mohamd Bajrafil conclu en disant que les musulmans sont les premières victimes de l’extrémisme violent. Il s’agit un peu, de la règle qui veut qu’on parle toujours des trains qui arrivent en retard, sans placer mot pour les trains qui sont toujours à l’heure. Il y a plus d’1 milliard 500 millions de musulmans à travers le monde. Et s’ils étaient tous des fous furieux, le monde aurait été à feu et à sang. Il appelle à l’union pour faire face à un ennemi dont le but est de combattre toute chose ne lui ressemblant pas.
Ahmed M. Thiam
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