Et puis rien…

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Vendredi, le 11 février 2011, Samba Sangaré a rejoint son créateur, Allah, le Tout-Puissant. Il est parti, sans tambours ni trompettes, dans la discrétion et la douleur de sa famille. La presse écrite, les radios privées lui ont rendu hommage. Personne n’oubliera Samba Sangaré, auteur du très douloureux livre : « Dix ans au bagne mouroir de Taoudenit ». Car, rattrapé par la mort à laquelle nous sommes tous destinés, Samba a été un survivant. Courageux, digne, fier. Il a été arrêté par le CMLN de Moussa Traoré, après le coup d’Etat de novembre 1968, puis expédié chez le lieutenant Almamy (quelle ironie !) Nientao, avec ordre de ne pas revenir vivant. Tiéocoro Bagayoko lui avait souhaité « bonnes vacances », il ne savait pas qu’il allait le trouver sur place et mourir avant lui. C’est ainsi que Dieu, de Son omniscience, décide de choses que nous croyons maîtriser.

Samba Sangaré, ancien sous-officier, a fait la guerre pour la France avant de rejoindre la patrie indépendante en 1960, attiré par les chants de sirène des libérateurs. Il a fait la campagne du Nord au cours de la première rébellion. Il a cru en son pays et en l’indépendance. Il a cru en la mission sacrée d’une (jeune) armée nationale créée pour défendre la terre des ancêtres et tenir loin les envahisseurs. Il a été dévoré par l’ambition démesurée des hommes et la cruauté sans fard d’un régime devenu une machine à tuer. Quand il voit Moussa Traoré, il n’a pas de haine, il aurait juste souhaité que pendant les dix ans de détention de GMT, qu’on lui fît faire un tour à Taoudenit, simple histoire de gouter, un tout petit peu, à la médecine qu’il prescrivait à d’autres.

Samba Sangaré est mort, il n’a pas eu droit aux clairons, aux honneurs de la nation, aux larmes (de crocodile) de ceux qui pleurent les héros morts. Car, Samba et les autres, Guédiouma Samaké, Victor Sy etc., survivants, sont les témoignages de la honte de certains barons de notre pays. Oui, à l’occasion, Samba Sangaré croisait dans la rue ou dans les cérémonies familiales, certains de ses ex-tortionnaires. Il savait que l’ancien patron et concepteur de Fort Nientao, notre camp de concentration, passait des jours paisibles à Mopti-Sévaré et accordait même des interviews pour justifier la monstruosité de l’époque. Il citait d’autres bourreaux qui, après la retraite, se sont installés anonymement quelque part. Le sergent Nouha a fait les jours sombres de Taoudenit. Tous ces individus qu’il citait, ces soldats, caporaux, sergents qui, fouets à la main, se « défoulaient » sur des prisonniers et des otages, se vengeaient d’avoir été une bande de ramassis, de bons à rien.

Pendant ce temps, à Bamako, Moussa Traoré affichait de l’assurance. Abandonné l’uniforme militaire pour le grand boubou bazin brodé comme sans pareil au monde. Des gens agglutinés sur les bords de route clamaient « Moussa ! Moussa ! » Et pendant ce temps, Samba Sangaré et ses compagnons d’infortune croupissaient dans le désert. Dibi Silas, Tiécoura Sogodogo, Tiécoro, Kissima, et bien d’autres sont morts de monstruosité. Moussa a été arrêté, mis aux arrêts de luxe et… puis rien. Samba devait partir, il est parti, mais certaines personnes n’auront jamais la conscience tranquille. Et puis, rien…

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