Enquête sur le processus électoral du CNPM : Les péripéties d’un faux problème

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Jamais au Mali, le processus de renouvellement des instances du Conseil national du patronat du Mali (Cnpm) n’a suscité autant d’agitations, pour rappeler les élections houleuses de la Chambre de commerce et d’industrie du Mali. Est-ce justement un effet de contagion pour que l’élection du bureau syndical des patrons du Mali, avec un peu moins de 200 votants, puisse produire autant de bruit ? Pour en savoir davantage sur ce processus électoral qui risque de tourner au vaudeville juridico-administratif, nous avons mené des investigations, notamment en scrutant les différentes péripéties qui ont abouti, hier, à la reconduction de Mamadou Sinsy Coulibaly, suite à une élection sous haute surveillance.

Depuis qu’un certain Jeamille Bittar, ex président de la Chambre de commerce et d’industrie du Mali a inauguré en 2006 l’ère des listes multiples de candidatures pour assurer sa réélection, l’oraison funèbre fut prononcée pour le consensus autour d’une liste unique de candidature dans les chambres consulaires et organisations du secteur privé national.

Le Conseil national du patronat du Mali (Cnpm) a résisté à cette tendance grâce à la vigilance et la grande sagesse de feu Moussa Balla Coulibaly qui a eu pourtant, dans ses derniers mots après son retrait de la présidence du Patronat malien, à insister sur la nécessaire unité fondée sur le consensus pour faire de l’organisation patronal un outil efficace au service du secteur privé national. Mais ce qui se passe actuellement au Cnpm ne contribue pas à respecter sa mémoire. Cela va dans tous les sens, sur fond de tiraillements, contrairement à son vœu et ses conseils. Mais comment en est-on arrivé là ?

L’actuel bureau du Cnpm présidé par Mamadou Sinsi Coulibaly tire vers la fin de son mandat prévu le 11 de ce mois d’octobre 2020, pour avoir bouclé la durée de cinq ans prévue par les textes de l’organisation patronale. C’est dans ce cadre que le processus électoral a été ouvert pour aboutir à l’Assemblée générale élective qui a été fixée dans un premier temps au 26 septembre 2020, selon un calendrier électoral adopté par le Bureau du Cnpm, en sa réunion du 03 juillet 2020.

Notons que ce ne sont pas des candidatures individuelles, mais un scrutin de listes car chaque candidat au poste de président devra se faire élire en même temps que sa liste complète pour le Bureau et le Comité statutaire. Selon l’agenda électoral, le dépôt des listes de candidature est clos le 16 septembre 2020.

A cette date, le Secrétariat général du Cnpm n’a reçu que deux déclarations de candidatures accompagnées de leurs listes. Il s’agit de celles du président sortant, Mamadou Sinsi Coulibaly et de Diadié dit Amadou Sankaré, président de la Fédération nationale des groupements professionnels des transports routiers du Mali.

Des anomalies sur les listes de candidatures

Mais problème : le Secrétariat général du Cnpm constate sur les deux listes des anomalies, notamment la présence de certaines personnes sur les listes des deux candidats. En d’autres termes, ce sont des délégués d’organisations professionnelles figurant à la fois sur les listes de Mamadou Sinsi Coulibaly et sur celles de Diadié dit Amadou Sankaré. L’élection ne pouvait se tenir dans ces conditions car pareilles erreurs, selon la jurisprudence en matière d’élection de listes, peuvent entraîner la nullité du scrutin. Sur cette base, le Secrétariat général du Cnpm a cru devoir ne pas tenir un scrutin voué à l’annulation et a informé les deux parties du report pour corriger ces anomalies, tout en se gardant de fixer une nouvelle date, cette prérogative ne relevant pas de sa compétence.

Ces anomalies sur les listes étaient pourtant connues des deux candidats puisque chacun a reçu, par courrier du Secrétariat général du Cnpm en date du 17 septembre 2020, la notification de la liste de l’autre candidat, en attirant l’attention sur les constats de double candidature.

Le candidat Diadié dit Amadou Sankaré, en réponse dans une lettre datée du 18 septembre 2020, demande au Secrétariat général, de lui donner “une réponse précise  fondée sur les textes régissant l’organisation et le fonctionnement de notre faitière afin de clarifier cette situation”. Quelle situation ? Il l’a précisée dans la même correspondance en ces termes : “Dans la lettre de transmission des listes du candidat-président, vous avez fait référence à certaines personnes qui figureraient sur les deux listes en compétition mais sans pour autant préciser le traitement juridique de cette situation qui vous semblerait préoccupante.”

Le Secrétaire général, par courrier n°0433/CNPM-SG en date du 21 septembre 2020, répond qu’il a “cru devoir attirer, à toutes fins utiles, l’attention des candidats en lice, sur la présence de noms de délégués sur des listes différentes. Mais, en revanche, ses compétences au regard des textes régissant le Cnpm ne lui permettent pas de donner un avis juridique quelconque sur les faits, actes ou incidents qui pourraient survenir au cours d’un processus électoral”.

Un dialogue de sourds s’installe

D’ailleurs, en réponse à l’avis n°001/2020/CNPM-CS en date du 25 septembre 2020 du Comité statutaire qui s’opposait au report de l’Assemblée générale élective du 26 septembre, parce que violant les textes selon ledit avis, le secrétaire général du Cnpm de répondre que le Comité statutaire n’a pas qualité pour exiger la tenue de l’Assemblée générale, cette mission étant dévolue au président du Cnpm, lequel donne mandat au secrétaire général du Cnpm de renvoyer l’Assemblée générale à une date ultérieure.

Un dialogue de sourds s’installait déjà. Rappelons que cette situation concernant les listes de candidatures est fréquente lors des élections de listes comme à la Chambre de commerce et d’industrie du Mali où dès la publication desdites listes, un délai de trois jours est accordé aux candidats pour procéder aux corrections. Ces trois jours sont une véritable période de marchandages, à la suite desquels des candidats désistent d’une liste au profit d’une autre.

Huit personnes figurent sur les listes des eux candidats

Les personnes concernées par les doublons qui posent problème pour l’élection du président du Cnpm sont au nombre de huit (8): Valérie Beilvert du Conseil des investisseurs européens du Mali qui a finalement opté pour la liste de Mamadou Sinsi Coulibaly; Moussa Alassane Diallo de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers (Apbef) qui a préféré s’abstenir parce que ne cautionnant pas la violation du principe sacrosaint du consensus au niveau du Cnpm ; Bakary Yaffa de l’Association malienne des exportateurs de légumes et fruits (Amelef) qui s’est retiré des listes de Mamadou Sinsi au profit de celles de Diadié; Seydou Nantoumé du Réseau des opérateurs d’intrants agricoles au Mali (Oriam) qui a choisi de rester sur la liste du président sortant, Mamadou Sinsi Coulibaly ; Soya Golfa du Groupement des commerçants maliens (Gcm) qui a opté pour les listes du président sortant ; Boubacar Toutou Kanté du Conseil national des bureaux de placement payant et entreprises de travail temporaire du Mali (Conabem), lequel est resté avec Diadié dit Amadou Sankaré; Dramane Diarra de l’Association malienne des experts-évaluateurs agréés en industrie et transport (Ameita) qui a finalement choisi le camp Diadié et Thierno Ba de l’organisation patronale des industriels (Opi) qui a confirmé qu’il reste avec Mamadou Sinsi Coulibaly.

Tous ont notifié leur choix par voie d’huissier et dans un camp comme dans l’autre la manipulation ne serait pas absente puisque ce sont les mêmes lettres de notification qui ont été servies par voie d’huissier. Du simple copier-coller. Seul le nom et l’adresse changent.

La désolation de Moussa Alassane Diallo

Le banquier Moussa Alassane Diallo se distingue pour avoir écrit la même lettre à chacun des deux candidats avec ampliation à l’autre. La correspondance de Moussa Alassane Diallo est plaine de sagesse et pouvait inspirer les membres du Cnpm afin d’éviter de se donner en spectacle, tant et si bien qu’ils représentent encore la crème des affaires du Mali.

Ainsi s’exprime Moussa Alassane Diallo dans sa lettre : “Il m’est revenu de constater que deux membres du bureau sortant se sont portés candidat à cette élection et ont même déposé une liste e membres de leur bureau.

Tout en reconnaissant la légalité et la légitimité de ces candidatures, il me plaît de rappeler toutefois quelques principes et pratiques non écrits en cours au Conseil national du patronat du Mali depuis sa création :    

1-    La recherche de compromis autour d’une liste unique de candidature,

2-    Le soutien des membres au bilan de la mandature ;

3-    L’impérieuse nécessité de préserver et de garantir l’unité, la cohésion et la solidarité de tous les membres afin d’assurer l’intégrité et la crédibilité au sein du Conseil national du patronat du Mali”.

Après avoir rappelé combien il tient tant à ces principes et l’a prouvé en menant durant plusieurs mois une mission de médiation entre les deux candidats restés malheureusement figés sur leur position, Moussa Alassane, fidèle à son “attachement  à la cohésion et à l’unité d’action du Cnpm”, a jugé nécessaire, pour respecter “ses intimes convictions”, de ne soutenir aucun des deux candidats et donc de se retirer de leurs listes sur lesquels ils l’avaient inscrit.

Mamadou Sinsy Coulibaly accepte de remembrer ses listes

Au moment où Mamadou Sinsi Coulibaly a remembré sa liste en vue de l’élection qui s’est tenue hier, jeudi 8 octobre 2020, Diadié n’a pas fait signe. Certains de ses colistiers que nous avons rencontrés ne reconnaissent pas l’Assemblée générale d’hier parce qu’élus lors du vote qu’ils ont forcé le 26 septembre, malgré la décision de report.

Pour sûr, l’on s’achemine donc vers une prolongation de l’élection dans les tribunaux pour consacrer la cassure officielle au sein de l’organisation patronale menacée de faire naître de son flanc un autre syndicat patronal, comme cela se susurre ces derniers temps.

Un faux problème

Une chose est sure : ces tiraillements n’avanceront en rien le secteur privé national qui risque de tout perdre face à des autorités qui vont surfer aisément sur les vagues de leur division, pour finalement ne pas leur donner la place qui leur revient dans le cadre de la relance économique post crise multidimensionnelle au Mali.

D’ailleurs, à deux reprises, des tentatives de division du Cnpm ont eu lieu avec la naissance d’organisations parallèles mises en place pour ne durer réellement que le temps d’une saison. C’est parce que les grosses pointures du secteur privé abhorrent cette démarche de dispersion de leurs rangs et finissent toujours par se retrouver pour gérer ensemble leurs intérêts. Alors, pourquoi tant de bruits et d’agitations pour un vrai faux problème !

Si tout ce qui brille n’est pas de l’or, est-ce que tous ceux qui se réclament opérateurs économiques méritent de parler et d’agir au nom des patrons du Mali ? C’est une autre question sur laquelle nous reviendrons en même temps que d’autres aspects que nous mettons en veilleuse, pour le moment.

                  Amadou Bamba NIANG

 

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1 commentaire

  1. Monsieur NIANG, vous avez fait un excellent travail d’investigation et d’analyse. Bravo pour la qualité de l’article!
    On voit bien l’historique d’un véritable bras de fer qui aurait pu être évité….
    Maintenant, c’est à la justice d’intervenir pour démêler cette affaire le plus tôt possible avant que ça ne dégénère.
    Tout le monde veut être “chef” dans ce pays en une fraction de seconde, c’est justement ça le problème.
    Dieu même a dû travailler 6 jours d’affilé pour bâtir le monde, mais les Maliens veulent avoir ce monde en moins de 6 jours sans nécessairement travailler.

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