Le Secrétaire à la communication de l’ARACF Nouhoum Keita a bouclé son périple européen par l’étape de Bonn en Allemagne après plusieurs intenses activités menées au Parlement européen à Bruxelles, puis ensuite en France, en Suisse et en Allemagne autour du projet citoyen Faléa.
À Bruxelles, Nouhoum Keita a évoqué devant les députés européens venus nombreux à l’ouverture officielle de l’exposition –Faléa, les enjeux essentiels de la situation sociale et politique au Mali qui sont : la terre, le contrôle des ressources minières stratégiques et leur exploitation conformément au respect des normes environnementales, en fonction d’un mode de développement équilibré qui préserve notre patrimoine écologique, nos traditions, nos modes de vie avec comme fondement essentiel le respect de l’éthique.
S’agissant de la terre, il a déclaré qu’au Mali, l’Etat tolère la propriété coutumière, c’est-à-dire le droit coutumier jusqu’au moment où il en aura besoin lui-même pour cause «d’utilité publique». C’est-à-dire, pour mettre en place des programmes publics ou des projets d’exploitation avec les investisseurs étrangers. Les communautés locales n’ont pas le droit de refuser l’implantation de ces projets. Elles peuvent juste obtenir des compensations en fonction de leur capacité de négociation. Par exemple, un paysan qui a sa terre dans un périmètre octroyé par l’Etat pour une durée de 25 à 30 ans à une société minière ne peut pas s’opposer en vertu du code minier du Mali à l’accès de l’exploitant minier au sous-sol où se trouve son champ. Il est obligé de partir. C’est à lui de négocier avec la société minière la compensation. De fait, c’est-à-dire dans la pratique, il sera exproprié.
Dans la vision des communautés villageoises, la terre, les eaux, les forêts et les autres ressources naturelles n’appartiennent à personne, c’est un don de la nature et un patrimoine commun qui doit être à la disposition de tous les membres de la communauté. Autrement dit, c’est un bien commun, source vitale pour tous.
Les communautés locales s’organisent pour que tout le monde puisse y avoir accès et que l’harmonie soit assurée dans la réalisation de toutes les activités de production et d’échange et dans le fonctionnement de la société. C’est pourquoi, dans plusieurs régions du Mali, les autorités traditionnelles que sont les chefs de village ou des familles spécialisées, en général les familles fondatrices, sont chargées de veiller à l’application de ces règles. Les démarches protocolaires (informations, présenter des colas ou des poulets) ont pour but de vérifier l’application de ces règles.
À Faléa, cette coutume ne s’impose même pas. Puisque l’espace foncier est suffisamment vaste (400 KM2) et la population n’est que de 17.000 Habitants. Il y’a la possibilité de s’installer sans gêner les autres et après plusieurs années d’exploitation de laisser reposer la terre pendant 5 ans et plus, puis d’aller s’installer ailleurs. Aujourd’hui, avec la ruée des multinationales au Mali qui se traduit par l’octroi de permis à tour de bras par l’Etat malien, des menaces planent sur les populations qui vivent dans la crainte de voir leur espace vital se rétrécir.
Devant cette situation porteuse de tensions et de risques d’affrontements et d’implosions sociales aux conséquences imprévisibles, le Secrétaire à la Communication de l’ARACF a souligné l’urgence pour l’Etat malien de prendre le problème à bras le corps et de définir dans les plus brefs délais des couloirs d’orpaillage traditionnel comme l’indique d’ailleurs le code minier du Mali afin que les populations locales puissent développer leurs activités.
Partout où il est passé, Nouhoum Keita a plaidé pour un soutien actif des organisations de la société civile européenne, des institutions et autres fondations autour de l’initiative de l’ARACF qui n’a pas caché son opposition à l’ouverture d’une mine d’uranium dans la commune de Faléa. Les autorités maliennes considèrent que l’exploitation de l’uranium offrira de meilleures chances de développement pour le pays parce que les besoins d’approvisionnement en énergie des pays occidentaux hautement industrialisés et des pays émergent ne cessent d’augmenter.
Or, selon lui, cette option irréaliste et coûteuse va entraîner la naissance d’industries polluantes et dangereuses pour l’environnement et la santé des populations dans notre pays. L’espoir d’engranger des bénéfices pour Le Mali est très mince. En effet, les conditions géopolitiques du marché mondial des matières premières ne permettent pas d’assurer un accroissement significatif et constant de nos ressources financières. Afin de réaliser des investissements dans d’autres secteurs stratégiques (éducation, santé, recherche, agriculture, etc.), il faudrait diversifier l’économie, créer massivement des emplois, améliorer les revenus et développer le marché intérieur.
L’Etat du Mali n’a aucune maîtrise sur ces filières et les échanges commerciaux internationaux.
Tout juste il ne joue qu’un rôle d’exportateur de nos matières premières dans des conditions extrêmement défavorables et qui organisent en fait le pillage de nos ressources et l’érosion de nos revenus. Pour exemple, Nouhoum Keita a cité le cas du Niger où depuis quarante années la société française AREVA exploite l’uranium. Mais sur toute cette période, le Niger n’a reçu, selon les organisations de la société civile de ce pays que seulement 12% de la valeur de l’uranium produit sur son sol et il figure en peloton de queue des pays les plus pauvres du monde ! Déjà avec une production de 50 tonnes d’or par an, (l’or représente 75% de nos recettes d’exportation) le Mali ne génère qu’un revenu de 300 milliards de FCFA /an pendant que les sociétés multinationales se taillent la part du lion.
L’exploitation de l’uranium présente de graves inconvénients aux conséquences environnementales et sanitaires irréversibles. Non seulement les activités des entreprises uranifères déposent dans les zones d’extraction du minerai jaune 80% de la pollution produite par la filière nucléaire, mais elles exigent en plus d’énormes quantités d’eau pour les forages et la production du yellow cake et entraînent l’assèchement des nappes fossiles, la pollution et la dégradation de l’environnement.
Plusieurs organisations de la société civile comme le Forum Civique Européen, la Bürgerinitiative Umweltschutz Lücho-Dannenberg, (organisation citoyenne allemande), la Gauche Unie et l’Alliance des Verts au Parlement européen, la diaspora malienne ont apporté leur soutien à l’ARACF et aux populations de la commune de Faléa.
S. TOURE
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