Mars, le mois consacré à la Femme dans notre pays, tire vers la fin. Nous profitons donc de cette dernière parution de ce mois pour explorer un riche document élaboré par la Convergence Africaine pour le Renouveau (CARE) et qui vise à rétablir la Femme dans son rôle traditionnel tout en lui permettant de profiter réellement des dividendes en termes de promotion et d’acquisition de droits inaliénables. «La Femme de Kurukan Fuga» est un document stratégique que nos décideurs doivent lire car pouvant les aider à sortir de la démagogie politicienne et à s’inscrire dans le concret en termes de protection et de promotion des droits (politiques, sociaux, économiques, culturels…) de la Femme.
Agir de sorte que les politiques de promotion de la parité deviennent une réalité dans notre pays ! C’est à cela que travaille la Convergence Africaine pour le Renouveau (CARE). Elle œuvre ainsi à «une transformation des rapports sociaux dans notre pays». «La réalisation de nos objectifs exige un changement de politique transformatif. Toutes nos stratégies et tous nos programmes de développement sont liés à la transformation des rapports sociaux. Conséquemment, ils seront toujours introduits dans tous les secteurs de la planification publique et à tous les stades de l’élaboration des politiques publiques», a précisé le président fondateur de la Care, Cheick Boucadry Traoré, dans une tribune intitulée «La Femme de Kurukan Fuga» et publiée à l’occasion de la Journée internationale des droits de la Femme (8 Mars).
Ce travail est une analyse sociale sur la Malienne d’hier à aujourd’hui en passant objectivement à la loupe ses droits acquis, les perspectives contrariées et les défis à relever. «Mères épouses et filles… elles sont incontournables et présentes dans tous les secteurs d’activités de la nation. Elles sont le fondement du développement et de la prospérité de la société dans son ensemble. Mes hommages aux femmes du Mali et d’ailleurs à l’occasion du 8 Mars», a twitté le président de la Transition, Colonel Assimi Goïta, à l’occasion de la Journée internationale de la Femme cette année. Et pourtant, les femmes ont du mal à ressentir cette importance dans les politiques nationales, dans les différents secteurs, politique et socioéconomiques notamment. Une tendance que la Care veut inverser par une analyse approfondie des réalités en matière d’équité-genre.
«La pauvreté touche la majorité des Maliens. Cependant, les risques de précarité apparaissent plus nombreux pour les femmes que pour les hommes», constate ainsi la formation politique. Et pour Cheick Boucadry, «la cause de la pauvreté féminine tient partiellement aux iniquités sociales et au manque d’opportunités auxquels les femmes sont confrontées du simple fait qu’elles sont de sexe différent». Dans son analyse, cet intellectuel prolifique en termes de publications sur les préoccupations nationales, met en relief «les effets dévastateurs de l’iniquité entre les sexes». Combinés à la pauvreté, à la discrimination et au manque d’opportunités, cella affecte de multiples façons nos mères, épouses, sœurs… Et cela de leur situation économique à leur bien-être, en passant par «leurs aspirations à vivre dans de meilleures conditions».
Promouvoir l’autonomie par une extension du droit de propriété des femmes et par un meilleur accès aux investissements
C’est cette l’iniquité entre les sexes qui explique sans doute que le capital humain féminin reste toujours «un énorme potentiel inexploité» dans notre pays. «Les femmes doivent être activement et plus efficacement engagées dans la vie économique, sociale et politique. Une extension du droit de propriété des femmes, une gouvernance économique intégrant le principe d’équité entre les sexes et un meilleur accès aux investissements et aux opportunités commerciales constituent autant de moyens essentiels de promouvoir l’émancipation économique des femmes et, par conséquent, autant de facteurs favorable à l’accélération de la croissance et du développement ainsi qu’à la réduction de la pauvreté dans notre pays», souligne Cheick B. Traoré.
Dans son projet de société, la Care compte mettre l’accent sur le développement des «cadres législatifs clairs» pour la protection des droits des femmes concernant les ressources liées à la terre (propriété) et les informer de leur droit à cet égard de manière proactive. Elle compte également aborder le problème des coutumes et des pratiques culturelles profondément enracinées qui sous-tendent la discrimination et qui l’étendent aux niveaux de la communauté et du foyer. Et cela, «même lorsque des cadres légaux protégeant les droits des femmes sont déjà en place».
Cette formation politique envisage aussi la mise en place des systèmes de gestion des finances publiques intégrant l’équité entre les sexes et renforcer les initiatives budgétaires existantes qui intègrent cette notion. Il s’agira aussi de tenir compte des procédures comptables parallèles afin de «reconnaître, de valoriser et de rémunérer le travail des femmes, y compris sa valeur au sein de l’économie sociale»…
Intégrer des objectifs et des résultats spécifiques dans les Stratégies de réduction de la pauvreté (SRP) ; favoriser un meilleur accès à l’investissement et au commerce ; affecter des engagements de crédits soutenant les femmes entrepreneurs, cibler le soutien aux femmes à la tête de micro-entreprises afin de leur permettre de développer et de diversifier leur production… sont entre autres stratégies évoquées dans «La Femme de Kurukan Fuga». Tout comme accroître les capacités pour l’ajout de valeur, la diversification et la différentiation de produits ; organiser une convention des femmes de toutes les couches du Mali pour sortir un programme d’application de notre projet de société… y figurent en bonne place.
«Nous saluons toutes les femmes à travers le monde et tous les hommes qui œuvrent pour une société de droit et de justice sociale. Nous appelons nos mères et sœurs africaines à célébrer l’émancipation de la femme africaine à Kurukan Fuga. Une émancipation qui a eu lieu des siècles avant la proclamation du 8 Mars comme journée de la femme», rappelle le jeune leader politique.
Moussa Bolly
Une sacralité conférée par la Charte de Kurukan Fuga
«La culture a toujours été le cœur de notre nation. Nous avons toujours su préserver notre souveraineté et notre identité à travers nos modes d’expression culturelles. Souvent, il devient nécessaire de faire référence à son histoire, à son passé et, enfin, à sa culture. Aujourd’hui, plus que jamais, l’avènement de la chartre de Kurukan Fuga doit nous servir de leçon pour l’élaboration de futures directives dans le domaine de nos programmes de transformation des rapports sociaux», explique Cheick Boucadry Traoré.
Chaque année, rappelle-t-il, le 8 Mars, le monde entier célèbre la Journée internationale de la femme. Elle a été officialisée par les Nations unies en 1977 comme une journée de manifestation revendiquant non seulement l’égalité des droits et de meilleures conditions de travail, mais aussi pour faire un bilan sur la situation des femmes dans nos sociétés. Cependant, note M. Traoré, la promotion des droits des femmes dans le Mandé a commencé des siècles bien avant cette période.
En effet, après leur victoire à Kirina en 1235, les leaders du Mandé ont initié la «Charte de Kurukan Fuga», qui fait notamment de «la femme un être sacré». Ils ont ainsi récompensé celles qui ont grandement contribué à la victoire du Mandé sur un autre royaume. «N’offensez jamais les femmes. Elles sont nos mères», stipule l’article 14 de ladite charte. Elles sont nos mères, elles ont droit au respect. Notre vénération pour la mère n’est pas une simple formule. Les Mandingues disent : L’enfant vaut ce que vaut sa mère ! L’énoncé N°16 est très explicite sur la place de la femme dans la gouvernance. «Les femmes, en plus de leurs occupations quotidiennes, doivent être associées à tous nos gouvernements», a-t-elle stipulé.
Et cette règle a été observée dans le passé. Ainsi, non seulement les femmes étaient représentées dans les grandes assemblées, mais elles se réunissaient aussi souvent à part pour débattre des questions importantes et faire toujours connaître leurs avis. Le Mandé a toujours connu de puissantes associations secrètes féminines (Niagba Muso), dont les avis étaient recueillis sur les questions importantes. Il faut noter que, au-delà de la notion de l’équité des sexes, «la Charte interdit le mariage des filles non-pubères (mineures) et a rendit la dote moins importante» que par le passé.
«Un autre élément de la sagesse de nos traditions se révèle à travers la maxime : la nuit porte conseil ! Ce qui signifie prendre le temps de consulter et demander conseil auprès de son épouse avant d’agir», rappelle «Bouca» dans «La Femme de Kurukan Fuga». Et de poursuivre, «nous devons continuer avec cette force d’esprit nécessaire au changement mise en avant par la charte de Kurukan Fuga qui n’avait comme but que d’élever la conscience juridique des femmes comme une dimension importante de développement». Un idéal conforme à la vision de la Convergence des Femmes pour le Renouveau (COFERE) qui œuvre à bâtir «un monde où les femmes jouissent de tous leurs droits humains».
Pour Cheick Boucadry Traoré, «l’émancipation économique des femmes est une condition essentielle de l’avènement d’un développement durable répondant aux besoins des générations actuelles sans entraver la capacité des générations futures à satisfaire les leurs».
D’où l’urgence de supprimer les obstacles qui empêchent nos mères, épouses, sœurs, filles… d’accéder aux mêmes opportunités économiques que les hommes. Pour ce faire, nous devons nous battre pour que les politiques de genre ou de parité puissent concrètement contribuer à l’amélioration des performances économiques et des résultats obtenus en termes de développement !
M.B