En seulement un an et demi (dix-huit petits mois), les Autorités de la Transition auront la lourde tâche de remettre sur pied à défaut de reconstruire un pays complètement abîmé par 7 ans de gouvernance chaotique. Parmi les missions majeures assignées à la Transition, il y a l’organisation des élections générales en 2022 : les municipales, les législatives et la présidentielle.
L’un des plus grands challenges pour les Autorités de la Transition est l’organisation des élections transparentes et libres dont les résultats seront crédibles, fiables et d’ici à la date indiquée. Pour relever ce défi, les Autorités de la Transition doivent pouvoir surmonté plusieurs écueils.
Selon le Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation, le Lieutenant-colonel Abdoulaye Maïga, les résultats définitifs des élections législatives du mois d’avril 2020, proclamés par la Cour Constitutionnelle avaient fait l’Objet de contestations véhémentes dans certaines circonscriptions électorales. Toutes choses qui ont plongé le pays dans la violence et engendré la crise qui a occasionné la chute de l’ex Président Ibrahim Boubacar Kéïta. « Dans ce contexte, la période transitoire qui vient de s’ouvrir doit être l’occasion de définir avec l’ensemble des acteurs concernés les règles devant régir la bonne organisation de l’élection, gage d’un retour de la confiance, de la légitimité des Autorités et au final du renforcement de Démocratie », a-t-il déclaré.
Ainsi, suite à plusieurs scrutins, un large fossé s’est creusé entre les citoyens et les organes en charge du processus électoral. Surtout concernant la crédibilité des scrutins qui ont été fortement contestés.
Cette défiance des citoyens est due à plusieurs facteurs dont, entre autres, l’instrumentalisation des Commissions nationales chargées des élections par le clan présidentiel, avec toutes les conséquences pour le truquage des résultats et le refus obstiné d’y mettre fin, le détournement des moyens et personnels de l’État en bafouant les principes fondamentaux des Pactes internationaux pour une élection crédible, transparente et démocratique, les règles de confection des fichiers électoraux établis avec des spécialistes en faux documents, les faux actes d’état civil, les fausses cartes d’électeur, les listes truquées et/ou tronquées de Bureaux de vote, la soumission des institutions de contrôle et, notamment, de la Cour constitutionnelle, juge du début à la fin du processus électoral, les pressions contre les opposants et l’instrumentalisation de la justice contre les leaders susceptibles de se porter candidats et d’avoir des relais dans la société civile.
Autres responsables des échecs électoraux, l’Administration, les Gouvernants en tête. Lorsque les membres d’un Bureau de vote sont illégalement remplacés, il y a forcément un donneur d’ordres et l’acte est prémédité ; car, les auteurs savent à l’avance que dans ces Bureaux de vote, ils ne sortiraient pas vainqueurs. Pourquoi ces responsables ne répondent-ils pas de leurs actes devant les tribunaux ? Le Préfet qui constate que, sous son commandement, la loi électorale a été bel et bien violée, qui ne parvient pas à situer les responsabilités, identifier et poursuivre les coupables, devrait lui-même être poursuivi pour faute professionnelle et radié même de ses fonctions d’Administrateur civil. Mais lorsque l’impunité est érigée en règle de fonctionnement dans l’Administration ou dans une société comme la nôtre, il va sans dire que le Juge constitutionnel va hériter des situations difficiles dues à l’irresponsabilité des Acteurs politiques et de l’incompétence de l’Administration. Puisque personne ne s’assume, le dernier mot revient au Juge constitutionnel qui appelé à appliquer la loi dans toute sa rigueur.
Face à ce constat, les Autorités de la Transition doivent tirer les leçons afin de parvenir à créer les conditions pour parvenir à l’organisation d’élections dont les résultats seront acceptables par tous. L’une des conditions est de mettre en place des organes consensuels pilotés par des experts qui vont organiser les élections à venir…
Aussi, l’une des défis majeurs est l’établissement d’un fichier électoral qui soit accepté de tous. Et le Mali peut s’inspirer de l’exemple de certains pays limitrophes qui ont envisagé des avancées dans ce domaine.
En effet, le fichier électoral ayant toujours constitué un nœud de crispation entre les Acteurs politiques et l’Administration devait faire l’objet de révision, suivie d’un audit consensuel. Cela apaisera sans doute les craintes des uns et des autres. La neutralité de l’Administration durant tout le processus électoral sera aussi un gage rassurant pour les électeurs et les acteurs politiques. Les Autorités de la Transition doivent susciter l’engouement chez les électeurs pour rehausser les taux de participation par des campagnes de sensibilisation et des journées de civisme afin de donner plus de légitimité aux futurs élus.
Rappelons qu’au cours de ces vingt dernières années, les taux de participation aux élections se sont révélés de plus en plus faibles et cela alimente naturellement le débat sur l’épineuse question de la légitimité des Hommes et des Institutions issus de ces scrutins. Pour certains, c’est une simple crise de croissance démocratique. Pour d’autres, c’est un manque de civisme, de militantisme, voire une marque de défiance à l’égard des partis et des Hommes politiques. Pour d’autres encore, c’est une forme de protestation et même le signe d’un malaise profond résultant d’un dysfonctionnement de la Démocratie et des Institutions de la République.
En outre, les Autorités en charge de la Transition doivent éviter toute organisation ponctuée de fausses notes. Il y avoir sur place un chronogramme clair et une Commission électorale réellement indépendante.
En plus de ces défis d’ordre organisationnel et technique, il faudra également, pour la réussite des élections, sécuriser l’ensemble du territoire national en proie à toutes sortes d’attaques frisant l’instabilité généralisée à l’intérieur du pays.
Mémé Sanogo