Actuellement au Mali, nous sommes face à une crise financière sans précédent, depuis les évènements du 22 mars 2012. Le pouvoir d’achat de la population s’est effondré. C’est la confirmation faite par des Maliens interrogés par nos soins. En effet, selon leurs explications, les maliens tirent le diable par la queue (d’ailleurs s’ils le voient). Et pour joindre les deux bouts, ils ont tout simplement fait violence sur eux-mêmes pour changer de mode de vie.
A en croire Modibo Bah, cinéaste au Centre national de la cinématographie du Mali (Cncm): «La plupart des Maliens ne sont pas des salariés. Nous avons coutume de nous battre quotidiennement pour survivre de jour en jour. Nous sommes obligés de gérer le peu de moyens que nous avons, tout en réduisant les dépenses afin de nourrir la famille».
Une situation qui n’a épargné aucune couche et touche particulièrement les fonctionnaires de l’Etat qui, dans un passé pas si lointain, jouissaient encore d’une bonne sécurité socio-économique. En effet, Mme Awa Touré, fonctionnaire, se plaint de la cherté des prix des denrées alimentaires au marché: «Je reconnais que les prix des condiments sont de plus en plus chers. La somme que j’amenais habituellement au marché ne parvient plus â couvrir les dépenses. Face à cette situation de crise, les femmes sont obligées de réduire les dépenses. Parfois, j’utilise l’argent épargné et prévu pour d’autres activités. Je demande aux autorités d’y faire face, sinon nous risquons d’être confrontés â une situation compromettante», a-t-elle froidement affirmé.
Les réparateurs de motos, dont le métier nourrissait son homme il y a si peu, se tournent actuellement les pouces et serrent la ceinture faute de recettes car les clients se font rare, comme le souligne Souleymane Traoré: «Les clients depuis un certain temps ne viennent plus comme avant. Du début de la crise â nos jours, mes revenus journaliers ont chuté de plus de 60%. Je ne sais en réalité comment faire pour gérer cette situation. J’ai été obligé de réduire le nombre de repas quotidiens de la famille de trois à deux».
Quant à Boubacar Sissoko, employé de commerce dans une société privée, il estime que la capitale du Mali, Bamako, n’est plus vivable dans la mesure où le coût de la vie est tellement élevé qu’il a dépassé la limite du raisonnable. «Je n’arrive plus à subvenir aux besoins de la famille. J’ai été obligé de confier mes trois enfants à mon frère. Je compte rentrer au village avec ma femme, en attendant que les activités reprennent normalement. Actuellement, personne ne sait finalement sur quel pied danser».
Mais pourquoi cette flambée des prix à quelques encablures du mois de ramadan considéré comme un mois de grande consommation de certains produits de première nécessité ? Selon Amadou Diallo, agent à la Cellule de planification et de statistique du ministère des investissements de l’industrie et du commerce, la cherté des produits de première nécessité s’explique en grande partie par la crise institutionnelle et politique que traverse le Mali. «Cette cherté a commencé depuis le lendemain des évènements du 22 Mars dernier. Le justificatif en est qu’avec la crise institutionnelle, le budget malien a connu un déficit et l’Etat ne parvient plus à assurer des subventions sur certains produits de première nécessité. Aussi, les commerçants ne bénéficient plus des exonérations et n’ont plus les moyens pour couvrir les taxes douanières. Ce sont des facteurs qui contribuent à la cherté des produits de première nécessité», a-t-il expliqué.
Que faut-il alors faire pour juguler cette crise qui ne cesse de grever les budgets des ménages ? Cette question, à elle seule, sonne comme une interpellation des autorités de l’Etat qui doivent se plier en quatre pour épargner à la population cette souffrance qui risque de tourner à la torture si elle perdure. Il est important de souligner que cette crise a suscité beaucoup de conséquences néfastes, dans la mesure où plus de la moitié de la population se trouvent dans une situation intenable car n’arrivant plus à s’acquitter de certaines obligations familiales dont le minimum vital.
Ibrahim M GUEYE et Harouna BAH