La Fondation éducation et coopération (Educo Mali) a organisé jeudi 15 novembre une journée de réflexion sur le travail des enfants à l’hôtel Salam. Elle marquait le début d’une semaine de communication, de sensibilisation et d’interpellation sur la problématique des filles travailleuses domestiques au Mali.
Présidée par le représentant du ministre en charge de la promotion de la femme de l’enfant et de la famille, en présence du représentant du président du parlement des enfants avec les partenaires, l’occasion était bonne pour Educo Mali de mettre l’accent sur son plan stratégique 2016-2019. Membre de l’alliance Childfund, Educo est une ONG globale de coopération pour le développement, intervenant dans une quinzaine de pays à travers le monde en faveur des droits et de la protection des enfants.
En Afrique, Educo intervient au Mali, Burkina-Faso, Bénin et Sénégal. Le bureau Educo au Mali intervient principalement dans les domaines de l’éducation, de la sécurité alimentaire et du Wash en milieu scolaire. Les principales zones d’intervention sont dans la région de Ségou (accès, qualité, gouvernance, alternatives éducatives). L’Ong s’engage de plus en plus dans les interventions humanitaires au profit des communautés, enfants directement affectés par la situation de crise (perspectives d’actions à Mopti).
Son plan stratégique est bâti sur trois priorités thématiques à savoir l’éducation, la protection et la gouvernance, et vise également trois objectifs stratégiques organisationnels : l’intégration de l’approche basée sur les droits de l’enfant ; la visibilité et le travail en réseau et le financement. Il met particulièrement l’accent sur l’ensemble des acteurs en responsabilisant en particulier les titulaires d’obligation et de responsabilités tout en renforçant les capacités des titulaires de droits à réclamer leurs droits.
Devant les défis, Educo Mali a réalisé une étude entre juillet et septembre 2018, qui a révélé voire confirmé de nombreux constats : «1 fille sur 3 de ces filles travailleuses domestiques soit 30% serait de moins de 15 ans, sachant qu’au Mali l’âge minimum pour travailler est de 15 ans ; certaines n’ont malheureusement que 8 ou 9 ans. La plupart de celles qui ont plus de 15 ans (donc qui ont l’âge de travailler) sont dans des conditions très difficiles et de non accès à leurs droits principaux (salaires, conditions de travail, besoin de repos).»
Le même rapport d’étude estime que la plupart de ces filles n’ont pas le droit ou la chance, même en travaillant, de poursuivre leur éducation, leur scolarisation ou de bénéficier de formes alternatives d’éducation ou alphabétisation leur permettant juste d’apprendre à lire et à écrire. D’autres études menées par d’autres organisations font état de près de 150 000 filles travailleuses domestiques dans la seule capitale de Bamako.
Se référant aux études conduites par l’Ong allemande (KIRA) à travers le Gradem, le directeur national d’Educo Mali, Herman Zoungrana, a révélé qu’en 2018, «87% des jeunes filles aide-ménagères mineures commencent leur journée de travail avant 6 heures du matin, des journées allant de 13 heures à 16 heures sans aucun repos. 65% d’entre elles ont une rémunération mensuelle de moins de 10 000 Fcfa et seulement 19% gagneraient au moins 10 000 Fcfa. Encore plus triste, 9% ne connaissent même pas le montant de leur rémunération».
Car la triste réalité est aussi que pour la grande majorité de ces filles travailleuses domestiques, la question du contrat et des engagements reste presqu’une nébuleuse. Parmi les filles interrogées dans le cadre de ces études, il a été rapporté que 42% d’entre elles étaient confrontées à des risques de violences verbales, plus d’une sur trois soit 37% exposée à des risques de violences physiques, à des risques de grossesses non désirées et de violences sexuelles (13%).
Educo Mali souhaite donc, dans le cadre de ses activités de protection de l’enfance, attirer l’attention des uns et des autres sur cette cible particulièrement vulnérable et mobiliser les énergies en synergie, alliance et partenariat pour accompagner les efforts de l’Etat, sensibiliser l’opinion publique (les employeurs et chefs de ménage) sur les réflexes de protection de ces enfants qui ont tant besoin d’être protégés. Même si la législation au Mali accorde aux enfants le droit de travailler dès 15 ans, il n’empêche que ce travail soit cadré, réglementé et soumis à des conditions spécifiques.
Gabriel TIENOU