Alors que des millions d’enfants de leur âge vont prendre dans quelques jours le chemin de l’école, d’autres, ceux du pays profond, du Mali d’en bas, ne l’emprunteront pas. Des cas sont signalés ici et là et les motifs de leur non-scolarité sont multiples. Nous nous sommes intéressés à la question.
«La première cause est due à la pauvreté accrue», selon les témoignages que nous avons pu recueillir. Idem pour nombre de localités du pays. Le cas de ce père rencontré près d’un quartier de Bandiagara, est, en lui-même, édifiant. Il a eu du mal à nous raconter ses déboires, mais mis en confiance, il a décidé de parler à cœur ouvert. «Je sais bien que je dois envoyer mon enfant à l’école, mais c’est la situation misérable dans laquelle je vis qui m’a obligé à prendre cette décision».
Du coup, il accuse. «C’est l’Etat qui ne nous aide pas pour que nos enfants aillent à l’école. Je ne sais quoi faire, d’un côté le chômage qui me colle à la peau, et de l’autre, huit bouches à nourrir. Sortir le matin pour ne revenir qu’à la tombée de la nuit à notre toit de fortune avec absolument rien, ne me laisse pas le temps de réfléchir à la scolarisation de mes enfants», nous révèle-t-il d’une voix attristée. «Ce sont la misère et les conditions de vie difficiles qui poussent les élèves à arrêter leurs études», disent aussi plusieurs personnes des villages du Mali profond.
«Les concernés, les garçons en particulier, abandonnent leur scolarité, surtout cette année pour aller gagner de l’argent, parce que les parents ne peuvent pas faire face aux faramineuses dépenses de la rentrée scolaire», ajoute l’enseignant.
A ce propos, certains de ces ruraux déclarent : «C’est la faute de l’Etat ; il n’a pas tenu ses promesses pour épauler nos efforts tendant à transformer nos villages en oasis verdoyantes. Pas de transport scolaire, pas de réseau électrique ni de réseau routier».
Sans oublier que la distance qui sépare des villages à l’école.
Il faut noter, cependant, que des agriculteurs habitant ces hameaux préfèrent, il faut le dire, exploiter leurs propres enfants. «Deux mains ou deux bras gratuits sont préférables à un ouvrier agricole payé à plus de 1 000Fcfa la journée».
Par ailleurs, un autre problème se greffe à ces aléas.
Selon notre interlocuteur, enseignant de son état, «la surcharge des classes a favorisé cette désertion, surtout que la plupart des élèves sont livrés à eux-mêmes et n’ont personne pour les inciter à ne pas interrompre leurs études».
Les filles, plus touchées
Faute de statistiques, le nombre d’enfants qui ne sont pas scolarisés et de ceux qui ont quitté l’école reste inconnue. Mais, un enseignant d’une école de Djoubéba en première région à Kayes n’a pas caché que «le nombre d’enfants qui ne vont pas rejoindre les bancs de l’école, surtout chez les filles, est en train de battre des records. Le mariage précoce vient en premier lieu, ensuite les grossesses». Néanmoins, des habitants avec lesquels nous avons également discuté nous ont affirmé que toutes les familles sont convaincues de l’utilité de scolariser leurs enfants. «Je ne pense pas qu’il y ait des parents qui contraignent leurs enfants à abandonner les études pour les faire travailler dans les champs. Sincèrement, non ! Je ne pense pas. Peut-être à cause des aléas de l’insécurité, de la pauvreté», nous a confié un cadre du Yanfolila. Des témoignages recueillis, il s’avère que les filles restent les plus touchées par ces abandons. «Après la 5ème ou la 6ème année, des filles sont contraintes de rester à la maison pour aider leur mère dans les travaux ménagers, plutôt que d’aller à l’école. Une tradition qui n’a pas évolué chez certaines familles. Il est très rare par ailleurs que celles qui ont échoué, reprennent le chemin de l’école. Les parents bloquent les études de leurs filles et profitent par la même occasion pour les garder à la maison en attendant un potentiel prétendant», nous confie un employé du complexe touristique de Teriya Bougou à Ségou.
En clair, la pauvreté qui frappe le monde rural est prise comme prétexte pour justifier le peu d’engouement à l’école. Le dicton selon lequel, l’école est une chance pour tous, a de beaux jours devant lui dans le Mali des hameaux et villages.
Marie SIDIBE
ça fait toujours mal au coeur…
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