Editorial : Quand l’ignorance devient un programme ministériel ?

17 Mar 2025 - 00:47
19 Mar 2025 - 09:46
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Editorial : Quand l’ignorance devient un programme ministériel ?
Mali : La presse vilipendée sur les réseaux sociaux
Il y a des paroles qui trahissent une pensée et des pensées qui révèlent une ignorance. Le ministre en charge de la Communication, Alhamdou Ag Ilyène, vient d’en donner une démonstration affligeante en rabaissant les journalistes au niveau des « vidéomens ». Pire encore, il semble accorder plus de crédit à ces derniers qu’aux professionnels de la presse et de l’information, relevant pourtant d’un secteur qu'il est censé administrer, donc réguler. Les propos du ministre Alhamdou Ag Ilyène traduisent tout son mépris pour la presse malienne et ses acteurs. Mais, plus grave encore, ils révèlent une profonde méconnaissance du rôle fondamental de la presse dans le fonctionnement d’une démocratie. C’est dommage. Et c’est préoccupant pour la construction du « Mali Koura » qu’un ministre de la République, en charge de la Communication, ne puisse pas faire la distinction entre un journaliste, dont la pratique professionnelle est régie par des textes extrêmement rigoureux, et des usurpateurs aux dents acérées qui veulent s’installer de manière informelle dans un secteur réglementé par l’État malien. Oh mon Dieu ! Quelles sont ces lunettes faites de vieilles calebasses usagées qui ont pu éblouir la vision du ministre Alhamdou Ag Ilyène, au point de mettre sur le même pied d’égalité le journaliste professionnel et cette horde d’« extra-terrestres » apparue au Mali avec l’avènement du 2.0, sur TikTok, YouTube, Facebook, WhatsApp et autres réseaux sociaux ? Il est temps que les Maliens comprennent que les réseaux sociaux ne sont pas une création malienne. Et, dans les pays qui les ont conçus, il n’y a jamais eu de confusion entre le journaliste professionnel et les acteurs qui s’y sont installés pour exercer leur liberté d’expression dans les limites autorisées par la loi. D’ailleurs, partout dans le monde, ces acteurs sont appelés « influenceurs ». Au Mali, où nous aimons le « dabri dabri » (la confusion), ces « influenceurs » sont soutenus pour s’imposer dans une profession qui n’est pas la leur. Avec cette sortie malencontreuse du ministre en charge de la communication, nous comprenons désormais pourquoi, lors de la relecture des textes régissant les médias, certains acteurs étatiques ont tenté de créer une similitude entre les journalistes professionnels et les acteurs des réseaux sociaux. Mais qu’ils sachent qu’un problème complexe ne saurait trouver sa solution dans la facilité. L’option choisie pour régler ce problème est trop simpliste et, pire, engendrera des difficultés encore plus complexes. Retenons une bonne fois pour toutes que, dans ce domaine, le Mali ne pourra pas réinventer la roue sans des compétences avérées. En principe, au Mali, les textes sont suffisamment clairs. Mais, pour des intérêts souvent inavoués, certains veulent les tordre pour provoquer le chaos après leur passage. Sinon, l’article 4 de la Loi n° 00-046 du 07 juillet 2000, portant régime de la presse et délit de presse, est très précis sur la définition du journaliste au Mali : > « Le journaliste est celui qui, titulaire d'un diplôme de journalisme ou d'un diplôme d'études supérieures avec une année d'expérience professionnelle, a pour activité principale rétribuée, la collecte, le traitement et la diffusion d'informations et de nouvelles, dans le cadre d'un organe médiatique public ou privé, écrit ou audiovisuel. » La lecture de cette définition devrait clore le débat. Mais hélas, ce n’est pas le cas. Pourquoi vouloir imposer des acteurs qui ne répondent pas aux exigences de cette loi ? Qui a intérêt à ce forcing illégal et malsain ? Qu’ils sachent que leur dessein inavoué ne vise pas l’intérêt supérieur du Mali. Pourquoi alors cette insistance à vouloir faire entrer des éléphants dans un magasin de porcelaine fragile ? En réalité, le secteur de la presse est comparable à un magasin de porcelaine mal asséchée. Mais à qui la faute ? Qu’a fait concrètement le ministère en charge de la Communication pour assainir ce secteur ? Soyons sérieux. Quand on peine à réguler un secteur déjà réglementé, il ne faut pas ajouter à la confusion en y intégrant des acteurs des réseaux sociaux que personne ne contrôle. Dans tous les cas, derrière cette sortie malheureuse du premier responsable chargé de doter le Mali de médias crédibles, c’est toute une profession qui est insultée. Une profession qui, malgré les difficultés économiques, les pressions politiques et la précarité croissante, continue de jouer son rôle essentiel : informer dignement les Maliens. Et si ces propos du ministre faisaient partie d’une stratégie délibérée visant à décrédibiliser les journalistes pour éviter les questions qui dérangent ? Après tout, quoi de plus confortable pour un responsable public que d’assimiler la presse aux « vidéomens » pour échapper à ses responsabilités ? Quand on a la lourde charge de représenter le gouvernement malien à un séminaire sur « le renforcement des capacités en communication gouvernementale », on doit être très mesuré dans ses propos. On ne cherche pas l’accompagnement de partenaires stratégiques en les insultant. Il est donc compréhensible que certains confrères aient estimé qu’à la clôture de ce séminaire, le ministre en charge de la communication a décidé de cracher dans la soupe. Que cela soit clair pour tous : la presse malienne, légalement constituée, jouissant de tous les privilèges que lui accordent les lois de la République du Mali et animée par des femmes et des hommes dignes de respect, ne se laissera plus vilipender à tort. Sans se rendre justice elle-même, elle a les moyens de se faire respecter. La Rédaction

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