Les étals débordent de fournitures scolaires bon marché mais les budgets familiaux sont déjà très éprouvés.
C”est aujourd”hui rentrée des classes, partout dans le fondamental, une ouverture des classes qui, cette année, tombe en plein Ramadan. La coïncidence n”est pas sans conséquence sur les bourses des ménages. A Bamako comme à l”intérieur du pays, c”est une évidence : l”école redémarre au moment où les portefeuilles des parents sont mis sous pression par les dépenses quotidiennes du carême. Les chefs de famille veulent mais peuvent moins.
Un tour dans le Grand marché de la capitale permet de vérifier qu”on se bouscule pas trop devant les magasins de fournitures scolaires. Même le Dibida connu pour être le marché de fournitures scolaires par excellence, n”affichait pas une grande affluence ce dimanche 30 septembre, à l”avant-veille de la rentrée. La clientèle ne manifeste guère d”enthousiasme, une attitude qui suscite pas mal de grincements de dents du côté des commerçants. Certains locataires du Dibida sont alors envahis par la nostalgie de la grande époque où la perspective de l”ouverture des classes remplissait le lieu de parents en compagnie de leurs rejetons, les uns aussi fébriles que les autres.
La morosité, s”il faut lui donner ce nom, tient plus à une conjoncture générale qu”aux prix pratiqués par les commerçants. Le paquet de "100 pages" contenant 10 cahiers est, en effet, cédé à 1500 Fcfa. Celui de "200 pages" (5 cahiers) est vendu au même prix. Le paquet de "50 pages" (20 cahiers) coûte 1750 F cfa. Par contre le paquet des cahiers de 100 et 200 pages importés est vendu à 1250 F cfa dans certains magasins.
À CAUSE DU MOIS DE CARÊME :
Le kiosque de Moumoune Sanga est bourré jusqu”au toit de cahiers et autres fournitures scolaires. Mais, il attend les clients. Le commerçant commence à perdre tout espoir. "Ca fait dix ans que je suis papetier et je n”ai jamais vu une telle morosité. Il n”y a pas assez de vente et c”est pas bon pour mes affaires. Même les cahiers qui se vendaient facilement à la veille de la rentrée ont du mal à être écoulés", constate-t-il, avant de remarquer : "même les gros clients qui venaient ramasser les fournitures pour les envoyer dans leurs villages n”ont pas encore pointé le nez".
Un client croisé dans le magasin de Moumoune confirme la difficulté du moment. "Je suis venu acheter quelques cahiers pour mes enfants. Juste pour qu”ils commencent l”année. Le reste viendra après. Peut-être après la fête du Ramadan", dit-il. Moumoune comme nombre de ses collègues, estime que le manque de ressort du marché est dû aux dépenses familiales du mois de jeûne. "C”est le carême qui explique cette situation. Sinon l”année dernière, il y avait plus de vente à la veille de l”ouverture", se souvient-il.
Boubacar Kamissoko est installé au marché Dibida depuis vingt ans et se présente comme le doyen des papetiers. Il reconnaît, lui aussi, que les affaires ne marchent pas comme à l”accoutumée. "Je reçois les clients au compte-gouttes. Je peux dire que je n”ai pas encore vendu la moitié de ce que j”ai écoulé l”année dernière. Regardez comment mon étal est rempli de fournitures scolaires. Je pense que cette année, on peut parler de tout sauf de rupture de cahiers", souligne-t-il.
Madou Sidibé qui a installé son négoce au Dibida, il y a trois ans, est aussi agacé par cette mévente. Il estime que le report de la date de la rentrée n”a pas pu renverser la situation. "D”habitude, ce sont les cahiers qui se vendent plus, mais cette année, même ce marché est très lent. Si ça continue comme ça je ne compte pas réaliser un bénéfice", se désespère-t-il.
PRESQUE IDENTIQUE.
Un peu plus loin, en face du siège du PMU Mali, Gaoussou Sissoko et Mamadou Diaby ont leurs étalages sur lesquels sont exposés pêle-mêle cahiers, ardoises, livres, boites de craie, règles, équerres, etc. Tous deux sont vendeurs de fournitures scolaires depuis plus de dix ans. Tous deux confirment à leur tour, la déprime du marché. "Autrefois les clients nous précédaient souvent ici à la veille de la rentrée des classes, mais maintenant ils ne viennent qu”au compte-gouttes", se souviennent-ils, en expliquant la mévente du moment par la pauvreté.
"Actuellement les pères de famille font face à plusieurs dépenses. La rentrée est une dépense supplémentaire. C”est trop pour une seule bourse de supporter tout ça. Certains de mes clients qui dépensaient 5000 Fcfa ici, peinent à débourser la moitié", assure Gaoussou Sissoko qui espère sur une augmentation des volumes de vente dans les jours à venir.
Son collègue Diaby ne partage pas cet optimisme. Le statu quo, pronostique-t-il, va perdurer. "Tant qu”il y a la pauvreté, la situation du marché ne changera pas. Maintenant les gens sont tellement pauvres qu”ils hésitent même à s”endetter", juge-t-il. Et pourtant les fournitures coûtent moins ici que dans beaucoup de magasins. Par exemple un paquet de cahiers de 100 et 200 pages de marque étrangère est cédé seulement à 1400 Fcfa. Une ardoise coûte 500 Fcfa et 100 Fcfa suffisent pour une boite d”éponge pour petit écolier. Les cartables pour petit écolier vont de 500 à 1000 F cfa, parfois plus. Gaoussou Sissoko accorde plus de chances aux vendeurs ambulants de liquider leurs stocks que les négociants installés. Une conviction qui se fonde sur fait que les Maliens aiment de plus en plus acheter sur place à la maison ou dans leurs bureaux. Or en la matière, les ambulants sont imbattables.
À Djélibougou, comme au Grand marché, les vendeurs n”ont guère le sourire. Sur la route qui mène à Doumanzana est installée une petite papeterie qui guette une hypothétique clientèle. "Ici on vend toutes sortes de fournitures scolaires et les gens n”ont pas besoin d”aller en ville. Il faut reconnaître que cette année, le marché est lent", se lamente le gérant. Ici les prix des fournitures sont un peu plus élevés qu”en ville.
Par exemple, un paquet de cahiers de 100 pages ne se vend pas en dessous de 1350 F cfa. Une boite de craie coûte 1300 F cfa et un sac pour écolier démarre à 1750 F cfa. Un client croisé ici ne dit rien sur les prix, mais s”étend plutôt sur la cherté de la vie. "Il faut dire qu”on vit un moment très difficile. Il y a trop de dépenses à faire alors que les revenus sont insuffisants. Je suis salarié, mais Dieu seul sait comment il faut jongler avec les dépenses du mois", commente-t-il.
M. KEITA
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