La division des droits de l’Homme de la MINUSMA, a lancé, le samedi 21 mars dernier au Centre Ahmed Baba de Tombouctou, son premier forum sur la participation des victimes et le rôle de la société civile dans le processus de justice transitionnelle. Cette activité avait pour objectif principal de renforcer les capacités des organisations de défense des droits de l’homme et des associations de victimes sur leur rôle et leur participation dans les mécanismes de justice transitionnelle.
Le Gouverneur de la Région de Tombouctou, Adama Kansaye, a présidé la cérémonie d’ouverture en présence du Maire de la commune urbaine de Tombouctou, et de la Cheffe de Bureau de la MINUSMA. « Il vous appartient aujourd’hui de faire les recommandations pertinentes et adaptées dans le cadre de la mise en œuvre d’une justice transitionnelle pour réparer les atteintes graves aux droits humains ayant meurtries les régions du Nord, sans remettre en cause la paix, la stabilité sociale, le pardon, le vivre ensemble », a déclaré M. Kansaye.
Environ une centaine de participants dont une dizaine de femmes, membres du cadre de concertation des organisations de défenses des droits de l’homme, du Réseau des journalistes et communicateurs traditionnels, du Forum Régional des organisations de la société civile, des leaders religieux, des Chefs de quartiers et de villages, des présidents des Conseils des cinq (5) cercles de la Région, à savoir, Niafunké, Goundam, Dire, Gourma-Rharous, Tombouctou ont pris part à cette initiative.
Al-Boukhary Ben Essayouti, Chef de la Mission Culturelle de Tombouctou et Aimé Ntumba, Chef de l’Unité Justice transitionnelle de la Division des droits de l’homme de la MINUSMA sont respectivement intervenu sur les piliers de la justice transitionnelle ; les mécanismes de la justice transitionnelle et les initiatives prises au Mali dans le cadre du processus.
Selon le Secrétaire-Général de l’ONU, le concept d’ « administration de la justice pendant la période de transition ou justice transitionnelle », englobe l’éventail complet des divers processus et mécanismes mis en œuvre par une société pour tenter de faire face à des exactions massives commises dans le passé, en vue d’établir les responsabilités, de rendre la justice et de permettre la réconciliation. Dans le contexte du Mali, la crise qui a affecté le Nord du pays, a fait de nombreuses victimes dont la cause est portée par différentes organisations de défense de droits de l’Homme.
Dans le cadre de son travail avec les victimes et les organisations de la société civile, la Division des Droits de l’Homme/MINUSMA a mis sur pied des fora en vue de leur permettre de déterminer leur niveau de participation dans la justice transitionnelle au Mali.
Il faut toutefois souligner que les autorités maliennes ont déjà entamé différentes initiatives de mise en place des mécanismes de la justice transitionnelle. « Pour le Mali, il existe une commission Vérité, Justice et réconciliation, un des premiers mécanismes pour la recherche de la vérité. Elle doit respecter certains principes standards internationaux des droits de l’homme, tels que l’indépendance de l’institution et des commissaires, l’autonomie financière », a fait remarquer Aimé Ntumba.
Renforcer la lutte contre l’impunité
Lors des débats animés, les participants ont partagé leur préoccupations sur la protection des victimes et des témoins, les réparations, les modes de preuve des violences sexuelles en cas d’absence de certificats médicaux. Tout en prônant la logique de la recherche de la paix, les membres de la société civile présents se sont prononcés en faveur de la lutte contre l’impunité. « Ce forum est un espace d’échanges. Nous avons pu saisir cette occasion pour expliquer les soucis des femmes victimes et faire des propositions concrètes pour leur réhabilitation ainsi que pour l’application de la loi contre leurs bourreaux », a avancé la présidente de l’Association des femmes victimes de l’occupation de 2012, Sia Abbanassane.
Aussi, les participants au forum de Tombouctou se sont réunis en atelier pour dégager des recommandations et les différentes actions possibles que peuvent porter les Organisations de la Société Civile dans la recherche de la vérité, les mécanismes de réparations et la garantie de non-répétition.
Sidi Oumar Adiawiakoye, Premier Vice-Président du Conseil de cercle de Gourma-Rharous, a affirmé que « nous revenons de très loin au Mali, après la crise. Nous avons besoins de réparer l’ensemble des torts causés pendant toute l’occupation du Nord. Le forum d’aujourd’hui a été une grande opportunité pour que chacun comprenne que la société civile doit être fortement impliquée dans le processus de la justice transitionnelle ».
A l’issue des travaux en groupe, les recommandations suivantes ont été formulées : a) impliquer les chefs traditionnelles, religieux et les cadis par une restauration et une revalorisation de leurs fonctions ; b) lutter contre l’impunité sous toutes ses formes par une répartition équitable des ressources de l’Etat entre toutes les régions ; assurer le respect des droits de l’homme par la vulgarisation des instruments juridiques sur les droits de l’homme ; c) réparer les préjudices subis par les victimes à travers des mécanismes judiciaires et non judiciaires ; d) créer un centre de mémoire en collaboration avec le réseau des associations de victime où seront archivées toutes les informations ; e) mettre en place les antennes régionales de la commission justice, vérité et réconciliation et respecter les critères de désignation des membres suivant l’esprit de ses textes fondateurs avec l’implication des organisations de la société civile.
Au sortir du forum, Yehia Tandina, journaliste membre du Réseau des Journalistes défenseurs des droits de l’Homme de la Région de Tombouctou, a déclaré : « Ce forum est une réussite dans la mesure où la MINUSMA a pu réunir des leaders communautaires et représentants de la société civile de toute la région pendant une journée entière, cela prouve qu’ils veulent s’engager à apporter leur contribution pour la restauration de la paix ». Il pense que la presse doit jouer une part active dans la restitution en vue promouvoir la lutte contre l’impunité et la réconciliation nationale, avant d’ajouter que « Ce forum est une nouvelle dynamique qui est enclenchée ».
D’autres fora similaires seront organisés dans les autres régions du Nord. Avec l’aide de la Division des droits de l’Homme de la Mission Onusienne au Mali, les recommandations des organisations seront compilées dans un document cadre à remettre aux acteurs étatiques impliqués dans le processus de justice transitionnelle.