Suliman Baldo, expert des droits de l’homme

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Au cours de la 28ème Session du Conseil des droits de l’homme au Mali, Suliman Baldo, expert indépendant  sur la situation des droits de l’homme au Mali a présenté son rapport, à Genève, le 24 mars 2015. Le mandat d’expert indépendant a été établi par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, le 15 mars 2013, en vue d’aider le gouvernement malien dans ses actions de protection des droits de l’homme et dans la mise en œuvre des recommandations formulées dans les résolutions du Conseil des Droits de l’homme des Nations unies.

Lors de sa mission dans notre pays, a déclaré Suliman Baldo, il a entendu de nombreuses victimes de violations de droits de l’homme, aussi bien à Bamako, que dans le nord du pays. S’exprimant sur le contexte actuel, Il a indiqué qu’à la suite du paraphe de l’accord de paix et de réconciliation par le gouvernement et la plateforme, le Mali se trouve dans une étape critique de son histoire, face à la demande de réouverture du processus de négociations, faite par la Coordination des mouvements de l’Azawad. Lors de sa conférence de presse de fin de mission, il a exprimé de vives préoccupations face aux violations massives des droits les plus fondamentaux dont continuent à être victimes les populations dans les zones affectées par la guerre au nord du Mali. Les parties engagées dans le conflit au nord du Mali, a-t-il dit, continuent à régulièrement violer les accords de cessation d’hostilités signés à Ouagadougou, Kidal et Alger. Ceci, a-t-il ajouté, afin de renforcer leurs positions lors des pourparlers. Cette situation, selon lui, a un impact très négatif sur la jouissance et la protection de tous les droits humains et la protection des civils. Suliman Baldo  a affirmé : « depuis le mois d’octobre 2014, une augmentation des déplacements forcés  de populations à cause des affrontements a été observée. Le retrait des autorités maliennes civiles de régions entières du nord, à la suite des évènements de mai 2014, notamment l’absence de magistrats et d’autres agents de la chaîne pénale, renforce le climat d’impunité qui s’est installé dans le nord. Aussi, une série d’enlèvements de véhicules des agences humanitaires dont le dernier en date, celui du 2 février 2015, rend l’accès  à l’aide humanitaire plus difficile. J’ai souligné que les populations du nord sont aussi privées de leurs droits économiques et sociaux, notamment l’accès à l’eau potable, les services de santé et le droit à l’éducation. Le manque de mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels constitue autant une cause de conflit qu’une conséquence. Depuis ma dernière visite  (du 1er au 10 mars 2015), un total de 37 attaques asymétriques a été répertorié dans les différentes régions nord du Mali. Ces attaques ont fait de nombreuses victimes civiles dont 8 morts et 11 blessés. Les moyens utilisés sont variés et peuvent prendre diverses formes : les mines, les roquettes, les attaques suicide, les engins explosifs et les embuscades. Dans toutes les régions du nord, la situation des droits de l’homme a été fortement influencée par l’augmentation de l’insécurité due à la multiplication des attaques asymétriques et des attaques terroristes. » L’expert a soutenu qu’au cours des six derniers mois, il a noté des hausses importantes du nombre des personnes arrêtées, par les terroristes et les groupes armés. Les personnes arrêtées par les FAMA et les  forces Barkhane ont été remises autorités maliennes, a-t-il précisé. L’expert a fait état des mauvais traitements infligés aux populations lors de ces arrestations.  Lors de ses rencontres avec  les autorités maliennes, a-t-il  signalé, il  a fait part de sa préoccupation concernant le retrait des FAMAS, de l’appareil d’Etat et des services sociaux de base des zones entières du nord.  Concernant l’éducation, l’expert a souligné que tous les acteurs de la société civile se plaignent de la violation du droit à l’éducation. En effet, a-t-il dit, l’éducation des enfants qui fréquentaient les écoles des régions du nord du Mali avait été sévèrement compromise et beaucoup d’enfants sont aujourd’hui comme depuis le début de la crise, privés de leur droit à l’éducation, car, soit des écoles avaient été occupées par des groupes militaires, soit les enseignants ont fui suite au déclenchement des combats.  Concernant le droit des femmes, Suliman Baldo a déclaré : « la protection des droits des femmes reste une préoccupation majeure. Les victimes que j’ai rencontrées ont clairement exprimé le besoin de justice et de réparation. J’ai déjà souligné dans mes précédents rapports que la lutte contre l’impunité pour les crimes commis pendant la crise a négligé les crimes à caractère sexuel, malgré le caractère généralisé et systématique de ces crimes commis par les groupes armés pendant l’occupation de nord. » Il s’est réjoui de la prise de fonction des membres de la commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR), le 1er septembre 2014, quoiqu’aucune action concrète n’ait été prise pour assurer que la CVJR soit opérationnelle. Cette commission, a-t-il affirmé, dispose d’un mandat de conduire les enquêtes et la recherche de la vérité sur les violations graves des droits de l’homme et atteintes aux biens culturels et offre une occasion pour aider le Mali à réparer son tissu social mis à rude épreuve par les conflits répétés. Il a salué les efforts de certaines organisations de la société civile qui se constituent parties civiles afin de faciliter l’accès des victimes à la justice. Suliman Baldo a exprimé ses inquiétudes : « en dépit du dépôt de certaines plaintes, je déplore les libérations de certains présumés auteurs dans le cadre de mesures dites de confiance avec les mouvements armés et en violation des droits des victimes à la justice. Je demande que l’Etat fasse plus de diligence dans  le traitement des dossiers de crimes du nord. Le Mali devrait aussi renforcer les capacités des différents acteurs de la justice impliqués dans les enquêtes, les instructions et la traduction devant les tribunaux de crimes internationaux tels que les crimes de guerres, crimes contre l’humanité et autres violations graves. »  L’expert a condamné l’attentat au bar restaurant La Terrasse et ceux qui ont eu lieu à Kidal, tuant des civils. Il a assuré que le Mali a accompli des progrès considérables afin de sortir de la crise profonde et multidimensionnelle, mais que le pays reste très fragile. L’Etat malien doit, selon lui, être assisté par la communauté internationale, y compris les pays du G5 Sahel et l’Onu afin de consolider les progrès réalisés depuis 2012.La criminalité, a-t-il soutenu, est transnationale et  le Mali n’a pas beaucoup de moyens pour s’attaquer à ces questions.

B.D

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