Rapport de la commission nationale des droits de l’Homme : Le régime d’ATT piétine les droits de l’homme surtout ceux des enfants

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Décidément, grand est le fossé entre l’image que les autorités donnent du Mali à extérieur et celle que les Maliens vivent à intérieur. Le tout premier rapport de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) dit long sur les pratiques du régime à travers ses services de sécurité. Des commissariats de police aux brigades en passant par les locaux de la sécurité d’Etat et des prisons, le constat est alarmant.

Ce premier rapport de la Commission nationale des droits de l’homme a été présenté à la presse, le Mercredi 25 Mai 2011 à la Maison de la presse, par la présidente de CNDH Me Kadidia Sangaré Coulibaly. Dans ce rapport 2010, la CNDH met à nu les pratiques néfastes érigées en système de gestion dans les services de sécurité et centres pénitentiaires.

Commissariats de police et Brigades de gendarmerie
Dans les Commissariats de police et les Brigades de gendarmerie, le rapport relève des situations de violation grave des droits de l’homme dans les plaintes et procès verbaux établis. Le même constat ressort du rapport des différentes d’ONG. Ces structures continuent de garder des citoyens dans leurs locaux pour des cas de non paiement de dette civile ou pour d’autres affaires purement civiles. Le rapport note aussi le dépassement grave des délais de garde à vue, en violation de l’article 76 alinéa 2 du code de procédure pénale. Violations qui s’assimilent aux cas de tortures morales ou psychologiques, voire même physiques pour des personnes maladives gardées injustement jusqu’au payement de la dette.

Il faut souligner que dans ces Commissariats et Brigades les enquêtes sont faites avec légèreté pour incriminer des citoyens sans preuves sérieuses. Ceux-ci sont, ensuite, libérés sans explication après des arrestations musclées et humiliantes. Les procès verbaux sont très souvent établis dans des conditions obscures, sans aucun respect des règles de compétence. Les arrestations opérées dans ces conditions sont donc arbitraires et sans fondement légal. Certains agents des brigades et commissariats de police sont notoirement connus pour des recouvrements de créances et arrestations de ce genre.

En contradiction des dispositions de l’article 76 du code de procédure pénale qui confie uniquement aux officiers de police judiciaires les prérogatives de décider de la mesure de garde à vue, les agents de police judiciaire décident à des fins personnelles de nombreuses mesures de garde à vue. Et sur le terrain, les agents les plus actifs décident de tout. La plupart des personnes gardées à vue n’ont jamais vu ni le commissaire, ni un autre officier du commissariat. Les agents sont seuls à décider de l’arrestation et gèrent des dossiers personnels de recouvrement.

Autre grief formulé par la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), est qu’aucun Commissariat ou aucune Brigade de gendarmerie n’a pu attester de la réalité des notifications faites aux gardés à vue de choisir un médecin de leur choix en application de l’article 76, alinéa 3 du code de procédure pénale. À en croire la CNDH, cette obligation n’est jamais respectée, ni au moment de la décision de garde à vue, ni après la mesure. Et une lecture des procès verbaux d’enquête établis par les officiers de police laisse voir qu’aucune unité de police et ou de gendarmerie ne fait mention de cette obligation dans leurs procès verbaux.

Il ressort du rapport que la garde à vue fait l’objet d’un usage abusif. Pour n’importe quel fait et n’importe quelle plainte, les individus sont gardés à vue. En 2010, pour l’ensemble des Brigades et des Commissariats de Bamako, il y a eu environ 7 220 cas de garde à vue pour toutes causes confondues. Sur ce chiffre  le commissariat du 10e arrondissement de Bamako a déféré 178 cas devant le tribunal. Ce rapport indique clairement qu’il y a trop de gardes à vue pour peu de déferrements devant les tribunaux.

Conditions inhumaines au niveau des locaux de sûreté ou violon
Une enquête de terrain fait ressortir que partout sur le territoire, les maisons de sûreté dites de garde à vue sont exposées aux conditions atmosphériques, soleil, pluie et froid. L’absence de toilettes dans les cellules de garde à vue où les conditions d’aération ne sont pas aux normes. Les personnes font leurs besoins dans des seaux et restent avec l’odeur. Les cellules de la Brigade d’investigation judiciaire de Bamako (BIJ), de la Brigade territoriale de Bamako, du Camp 1 de Bamako et du Commissariat de police du 1er arrondissement de Sikasso sont exposées au vent, à la fraîcheur, à la poussière, aux conditions atmosphériques, à l’insalubrité totale et à toutes sortes d’odeurs.

Ces remarques permettent de conclure que les droits des détenus sont violés. Mieux, une fois dans la cour de ces structures, le visiteur peut apercevoir les personnes gardées à vue. Cet état de fait est une violation de la présomption d’innocence et un manquement au secret de l’enquête. En outre, les mauvaises conditions de détention s’assimilent à des tortures physiques ou psychiques au sens de la convention internationale sur la torture.
Cellule de sûreté de la sécurité d’État
Le rapport a constaté que cette cellule existe en dehors de tout contrôle, et toutes les actions entreprises par la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) pour y accéder ont échoué. Cependant, des indices font croire que des individus sont souvent gardés au-delà des textes et de toute pratique légale. Certaines personnes qui y sont passées, expliquent avoir subi des tortures physiques afin qu’elles avouent des faits qu’elles n’ont jamais commis. Ils indiquent avoir été, par la suite, transférées à la Brigade d’investigation judiciaire (BIJ) pour établissement de procès verbaux les concernant, et ce, sur la base des déclarations obtenues dans ces conditions opaques. Cette cellule hors la loi ne mérite plus d’exister.

À la Brigade des mœurs, des enfants de 12 à 14 ans gardés à vue
C’est là où la situation est grave. Comme son nom l’indique, elle est chargée des mœurs qui incluent la prostitution, les attentats aux mœurs etc. Mais dans la pratique, elle gère aussi les enfants et tout ce qui touche à ceux-ci. Le plus étonnant est qu’elle joue, aujourd’hui, un rôle incompréhensible : celui des villages d’enfants SOS. En effet, toutes les organisations des droits des enfants ont pu voir que dans les locaux de la Brigade des mœurs, des enfants en nombre élevé (15 à 20 par semaine) sont gardés à vue dans les grilles dont l’âge se situe dans la tranche de 12 à 14 ans. Il a été révélé que ces enfants sont gardés alors qu’ils n’ont commis aucune infraction. En fait, sans identification de parents et se trouvant dans des conditions de vagabondage, ils sont gardés dans la cellule jusqu’à ce qu’un parent intervienne. Et dans le cas contraire, ils y restent sans être déférés devant le Tribunal pour enfants situé à plus de 20 km de la Brigade dont le contrôle par le juge des enfants reste difficile.

Cette situation est inadmissible quand on sait que la loi sur la minorité pénale et institutions pour mineurs en son article 20 indique clairement que «le mineur de moins de 15 ans ne peut être placé en garde à vue et que sa garde ne peut dépasser 20 heures». Ces dispositions valent pour les enfants qui commettent des infractions.
Maisons d’arrêt
Les conditions de détention restent déplorables. Le cas du centre de Bollé est très préoccupant. Sa population carcérale est composée de mineurs et de femmes. Donc, elle mérite une attention particulière. Il se trouve que les pensionnaires sont à 97% des femmes prévenues et à 98,57% des mineurs. À ce rythme, la réussite des programmes de rééducation et de réinsertion du centre risque est sérieusement entravée. Pourtant, selon la loi n°01-080 du 20 août 2001 portant Code de procédure pénale, la détention provisoire est soumise à des conditions. Celle-ci vise à limiter les abus.
A.M
 

Les prisons en chiffre
Au 31 Décembre 2010, l’effectif du milieu carcéral sur toute l’étendue du territoire malien se présentait comme suit : hommes 4 772, femmes 177, mineurs 57 dont 35 filles et 22 garçons.

Condamnés : hommes 2 250, femmes 57, mineurs 2 dont 1 fille et 1 garçon. Soit un total de 2 315. Prévenus : hommes 2 522, femmes 120, mineurs 69 dont 35 garçons et 34 filles.

Le tableau de ce rapport n’est pas reluisant malgré les efforts de l’État. Il interpelle en premier lieu, le président de la République qui doit renverser la tendance avant son départ du pouvoir.

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