Le Rapport 2010 de la Commission Nationale des Droits de l’homme dresse un tableau sombre des droits des personnes interpellées au Mali. Parmi les structures gravement mises en cause, la Sécurité d’Etat, qui devrait purement et simplement supprimer sa cellule de sûreté.
Pour la première fois depuis sa création, la Commission nationale des droits de l’homme (Cndh), présidée par Me Kadidia Sangaré Coulibaly, a pondu un rapport sur la situation des droits de l’homme au Mali au cours de l’année 2010. Selon le Rapport, l’analyse de divers plaintes et procès-verbaux établis dans les commissariats de police et les brigades de gendarmerie, fait ressortir des cas de violations graves des droits de l’homme. Le rapport déplore que les services de sécurité continuent de garder des citoyens dans leurs locaux pour ‘’des cas de non paiement de dette civile ou pour d’autres affaires purement civiles.’’
Egalement, on fait état des cas de dépassement graves de délais de garde à vue. Dans la ligne de mire de la commission nationale des droits de l’homme, les enquêtes avec légèreté pour mettre en cause des citoyens sans preuves sérieuses et libérer sans explications après des arrestations musclées, humiliantes. La garde à vue, notent les rapporteurs de la Cndh, fait l’objet d’un usage abusif : ‘’ Pour n’importe quel fait, n’importe quelle plainte, les individus sont gardés à vue. En contradiction avec les dispositions de l’article 76 du code de procédure pénal qui confie uniquement aux officiers de police judiciaires les prérogatives de décider de la mesure de garde à vue, les agents de police judiciaire décident à des fins personnelles de nombreuses mesures de garde à vue et sur le terrain les agents sont les plus actifs décidant de tout. La plupart des personnes gardées à vue n’ont jamais vu, ni le commissaire, ni un autre officier du commissariat. Les agents sont seuls à l’arrestation et gèrent des dossiers personnels de recouvrement’’, soulignent-il.
Refus d’accéder à la cellule de sûreté !
Pour la Commission nationale des droits de l’homme, la Brigade chargée de la protection des mœurs et de l’enfance joue un rôle incompréhensible. Trouvés dans des situations de vagabondage, les enfants sont gardés dans les grilles de la brigade alors qu’ils n’ont commis aucune infraction. ‘’Ces enfants sont gardés dans la cellule jusqu’à ce qu’un parent intervienne et, dans le cas contraire, ils y restent sans être déférés devant le tribunal pour enfants…’’. De l’avis des enquêteurs de la Cndh, il vaut mieux vider ces grilles et confier aux villages d’enfants SOS la gestion de ces enfants.
Au niveau de la Cellule de Sûreté de la Sécurité d’Etat, le jugement de la Commission est sans appel. Morceaux choisis. ‘’Cette cellule existe en dehors de tout contrôle, et toutes nos actions pour y accéder n’ont pu aboutir. Cette cellule voit souvent des individus gardés au-delà des textes et de toute pratique légale de détention. Certaines personnes qui y sont passées nous ont indiqué avoir subi des tortures physiques pour avouer des faits qu’elles n’ont jamais commis. Ces personnes indiquent avoir été par la suite transférées à la Brigade d’investigation judiciaire (Bij) pour établissement d’un procès-verbal les concernant et ce, sur la base des déclarations obtenues dans ces conditions opaques. Cette cellule hors-la loi ne mérite plus d’exister.’’ Avec ces extraits, la Commission lève le voile sur un tabou : la torture dans le milieu des renseignements pour obtenir des aveux. Elle n’est pas propre au Mali, car les Etats cités parmi les plus démocratiques au monde comme les Etats-Unis y font recours. Ce ne veut pas dire que la pratique est tolérée. Elle constitue une violation grave des droits de l’homme.
Chiaka Doumbia