Rapport 2008-2009-2010 sur la situation des droits humains au Mali : L'AMDH fustige le manque d'autorité de l'Etat, la corruption généralisée et l'insécurité au Nord-Mali

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Corruption endémique, incivisme généralisé, crise d’autorité de l’Etat, dysfonctionnement de l’appareil judiciaire, insécurité grandissante notamment au Nord-Mali, atteintes aux droits civils et politiques, montée du fondamentalisme religieux etc. Voici le diagnostic, sans complaisance, établi par  l’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH) dans son rapport sur la situation des droits humains au Mali durant les trois dernières années.

L’Association malienne des droits de l’Homme vient de publier son rapport 2008, 2009 et 2010 sur la situation des droits humains dans notre pays. Un rapport succinct mais dense touchant à la situation politique et sociale, au cadre juridique et institutionnel de protection des droits humains, aux atteintes aux droits civils et politiques, à la situation des droits économiques , sociaux et culturels, aux droits de la solidarité ainsi qu’aux droits des groupes vulnérables.

Au niveau de la situation politique et sociale, le rapport déplore le manque de curiosité politique chez les citoyens malgré l’existence de plus de cent vingt partis politiques. Une situation, selon le rapport, imputable aux partis politiques qui " au lieu d’assurer la formation des militants procèdent plutôt pour la plupart par l’achat de consciences à des fins électorales ".

Partant, le rapport exprime l’inquiétude des militants des droits de l’Homme sur la crise de l’autorité de l’Etat. Une crise qui selon eux, a commencé avec le recul des autorités face aux mouvements de protestations organisés part les groupes religieux musulmans au mois d’août 2009 contre l’adoption du code des personnes et de la famille. Et qui, par ailleurs, constitue un obstacle à la liberté d’action des militants des droits humains et des leaders d’opinions différentes. En effet, indique le rapport " le grand danger réside dans la remise en cause de la laïcité républicaine consacrée par la constitution du Mali car les protestataires ont plutôt tendance à mettre en avant les considérations religieuses au détriment des lois et règlements qui régissent la société malienne ". Sur l’insécurité grandissante, notamment au Nord, un autre aspect de la situation politique et sociale,  l’AMDH a exprimé ses inquiétudes face à la répression perpétrée par certains pays frontalier sur le territoire national mettant en péril la vie des citoyens maliens. "Ceci constitue une véritable menace contre la population civile. C’est le cas de deux habitantes de Tombouctou qui ont trouvé la mort au cours de ces opérations " souligne le rapport.

Par ailleurs, le rapport a déploré l’incivisme généralisé soulignant que " que tels comportements sont contraires aux principes démocratiques et aux droits de l’Homme ". Le ravage que cause la corruption dans la société malienne, a été vivement dénoncé. A ce sujet, le rapport indique que "  la corruption n’a connu aucun recul. Au contraire, elle a pris une allure inquiétante au cours de ces dernières années avec le clientélisme et le manque d’autorité de l’Etat pendant que l’impunité s’installe sous toutes ses formes ".

S’agissant du cadre juridique et institutionnel de protection des droits humains, le rapport s’est particulièrement penché sur le dysfonctionnement de l’appareil judiciaire. " En plus de la corruption et du laxisme certains acteurs de la justice n’hésitent plus à poser des actes contraires… Ainsi au niveau de certaines juridictions, nous assistons à la délivrance de faux jugement et de faux certificats de divorce " a dénoncé l’AMDH. Avant de rappeler que " la corruption de l’appareil judiciaire et le laxisme porte atteinte aux droits des citoyens au Mali. ". Selon le rapport, des efforts restent à faire pour donner plus de célérité  la procédure judiciaire qui accuse encore des lenteurs. De même qu’il déplore le fait que le délai de la garde n’est toujours pas respecté et celui de la  détention préventive qui est constamment violé. Concernant les mécanismes de protection des droits humains, tout en saluant l’adoption d’une loi régissant désormais la Commission Nationale des Droits de l’Homme, l’AMDH appelle l’Etat à fournir des efforts pour rendre cette structure plus autonome par l’octroi de moyens suffisants. Toujours dans ce cadre, le rapport souligne la dispersion et donc l’inorganisation des acteurs de la société. Pour l’AMDH " l’un des défis majeurs que la société civile doit relever aujourd’hui est celui de lutter  pour leur survie face à la montée du fondamentalisme religieux qui les met en insécurité dans l’exercice de leur mission ".

Le rapport n’a pas passé sous silence les conditions inhumaines de détention et de traitement dans les maisons d’arrêt, les cas de tortures dans les commissariats de police et la situation peu enviable de certains droits fondamentaux. A l’exemple du droit à l’alimentation où l’insécurité alimentaire est récurrente avec près d’un tiers de la population qui ne mange pas à sa faim, du droit à l’éducation avec un système éducatif confronté à la crise d’enseignants, au manque d’infrastructures et de matériels didactique etc.

Toutefois le rapport a souligné les progrès remarquable dans le domaine de la consolidation de la démocratie et du respect des droits et libertés au cours des trois dernières années. Progrès illustrés par l’adoption d’une loi régissant la Commission Nationale des Droits de l’Homme, la mise en place du Comité d’Appui aux Réformes Institutionnelles (CARI), la promotion de la démocratie locale par la décentralisation, pour ne citer que ceux-là.

Par ailleurs, l’AMDH, à travers ce rapport, a fait plusieurs recommandations destinées à renforcer les mécanismes de protection des droits humains. C’est ainsi qu’elle interpelle le Gouvernement et l’Assemblée nationale à faire preuve de responsabilité pour préserver les valeurs républicaines, l’Etat de droit et les acquis démocratiques en matière de restauration de l’autorité de l’Etat. Sur le plan sécuritaire, elle a suggéré à l’Etat de revoir ses accords avec les pays frontaliers. Sur lutte contre la corruption, elle recommande à l’Etat la création d’une commission indépendante de lutte contre la corruption et plus d’indépendance au niveau de la justice. Quant à une meilleure protection des droits de la femme, l’AMDH souhaite vivement l’adoption du code des personnes et de la famille qui garantirait davantage aux femmes maliennes leurs droits universels.

Mamadou Lamine  DEMBELE

 

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