Point de droit : Qu’est-ce que la désobéissance civile ?

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La désobéissance civile est le refus assumé et public de se soumettre à une loi, un règlement, une organisation ou un pouvoir jugé inique par ceux qui le contestent, tout en faisant de ce refus une arme de combat pacifique.

Le terme fut créé par l’Américain Henry David Thoreau dans son essai “La Désobéissance civile”, publié en 1849, à la suite de son refus de payer une taxe destinée à financer la guerre contre le Mexique. Si la désobéissance civile est une forme de révolte ou de résistance, elle se distingue pourtant de la révolte au sens classique.
La révolte classique oppose la violence à la violence. La désobéissance civile est plus subtile : elle refuse d’être complice d’un pouvoir illégitime et de nourrir ce pouvoir par sa propre coopération. Le principe même du pouvoir politique pourrait rendre possible l’efficacité de cette action. Il n’y a pas d’unanimité sur la définition de la désobéissance civile. John Rawls et J. Habermas ont chacun une définition de la désobéissance civile.
Selon Rawls : “La désobéissance civile peut être définie comme un acte public, non violent, décidé en conscience, mais politique, contraire à la loi et accompli le plus souvent pour amener un changement dans la loi ou bien dans la politique du gouvernement. En agissant ainsi, on s’adresse au sens de la justice de la majorité de la communauté et on déclare que, selon une opinion mûrement réfléchie, les principes de coopération sociale entre des êtres libres et égaux ne sont pas actuellement respectés”.
Pour Habermas : “La désobéissance civile inclut des actes illégaux, généralement dus à leurs auteurs collectifs, définis à la fois par leur caractère public et symbolique et par le fait d’avoir des principes, actes qui comportent en premier lieu des moyens de protestation non violents et qui appellent à la capacité de raisonner et au sens de la justice du peuple”.
Six éléments sont donc caractéristiques d’un acte de désobéissance civile.
Une infraction consciente et intentionnelle
L’acte de désobéissance doit être une infraction consciente et intentionnelle, et il doit ainsi violer une règle de droit positif. Si l’infraction porte sur la norme contestée directement, on parle de désobéissance directe ; ce fut, par exemple, le cas des campagnes de désobéissance civile lancées par Martin Luther King qui visaient à faire occuper par les noirs les espaces légalement réservés aux Blancs. Mais la norme violée peut ne pas être celle contestée, on parle alors de désobéissance civile indirecte, c’est le cas par exemple des sit-in, qui ne visent pas à contester le code de la route.
Bien qu’il ne soit pas possible de constater l’existence d’une infraction a priori (c’est le juge qui détermine l’existence d’une infraction), on considère qu’un acte est constitutif d’un acte de désobéissance civile lorsque ses auteurs prennent le risque de commettre un acte qui est, aux yeux de l’opinion publique et à ceux des autorités, généralement tenu comme une infraction.
Touchant cette question, il est intéressant de rappeler l’expérience réalisée par Stanley Milgram où le sujet de l’expérience consiste à mesurer la proportion des individus capables de démarrer un tel acte de désobéissance malgré la pression sociale ou administrative.
Un acte public
L’acte de désobéissance se traduit par une attitude publique, ce qui le différencie de la désobéissance criminelle – cette dernière, ne prospérant que dans la clandestinité (parfois, avec une revendication).
Dans la désobéissance civile, la publicité vise à écarter tout soupçon sur “la moralité de l’acte”, à lui conférer, en outre, une valeur symbolique ainsi que la plus grande audience possible afin que l’acte ait le plus grand retentissement pour modifier le “sentiment” ou “la conviction” de l’opinion publique. L’acte vise ainsi la plus grande médiatisation possible et peut rentrer dans une stratégie de provocation et d’agitprop.

Un mouvement à vocation collective
L’acte de désobéissance s’inscrit par principe dans un mouvement collectif. Il est l’acte d’un groupe qui se présente comme une minorité agissante, et se traduit par l’action concertée de celle-ci, ainsi Hannah Arendt relève que “loin de procéder de la philosophie subjective de quelques individus excentriques la désobéissance civile résulte de la coopération délibérée des membres du groupe tirant précisément leur force de leur capacité d’œuvrer en commun”. La désobéissance est donc par nature une action collective. Cependant, rien n’empêche que le sursaut moral d’un individu ne finisse par mobiliser un courant plus large qui pourra alors être qualifié de désobéissance civile.
Une action pacifique
Le désobéissant use généralement de moyens pacifiques. La désobéissance civile vise à appeler aux débats publics et, pour ce faire, elle en appelle à “la conscience endormie” de la majorité plutôt qu’à l’action violente. C’est un des traits qui la distingue de la révolution, qui pour arriver à ses fins peut, potentiellement, en appeler à la force.
En outre, l’opposition à la loi, qui est inhérente à la désobéissance civile, se fait dans une paradoxale fidélité à une loi considérée supérieure, il n’y a donc pas de violence dans l’esprit de la désobéissance civile. Celle-ci étant plutôt le fait de l’Etat, le seul qui dispose d’une “violence légitime”, selon Max Weber, cette violence pouvant être physique mais aussi “symbolique”, c’est-à-dire psychique, voire souvent économique.
Ben Dao

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