Hier, mercredi 2 mars 2016, l’expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Mali, Suliman Baldo a animé une conférence de presse au siège de la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali) sis à l’hôtel de l’Amitié de Bamako. Il avait à ses cotés, la porte parole de la Minusma, Radhia Achouri et Brian Ruane du Haut commissariat des droits de l’homme (Génève). Au cours de cette conférence de presse, l’expert indépendant a mis en exergue toutes les tares qui empêchent la promotion et la protection des droits de l’homme au Mali. Selon Baldo, malgré les engagements pris par le chef de l’Etat, Ibrahim Boubacar Keïta et du gouvernement pour la lutte contre l’impunité, des progrès concrets restent encore à atteindre. « Les violations et les abus des droits de l’homme continuent toujours au Mali et des défis réels restent encore à surmonter. », a-t-il expliqué.
Pour sa sixième visite au Mali, a évalué l’évolution de la situation des droits de l’homme et la mise en œuvre de l’Accord pour la paix au Mali. Au cours cette visite, il a rencontré les membres du gouvernement malien, des représentants de la société civile, y compris des associations de victimes, des représentants des mouvements armés signataires de l’accord de paix, ainsi que les membres du corps diplomatique et de l’Organisation des nations unies (ONU). L’expert indépendant présentera un rapport sur la situation des droits de l’homme au Mali au conseil des droits de l’homme le 22 mars 2016. Ainsi, devant la presse hier, Suliman Baldo n’a pas mâché ses mots. « Des sources fiables m’ont rapporté que des individus ont été agressés et volés alors qu’ils empruntaient des transports publics, et des enfants ont été tués ou blessés par des engins explosifs improvisés », a-t-il indiqué. Avant d’ajouter que très peu d’endroits dans les zones du nord et du centre du Mali ont été sécurisés malgré la signature de l’Accord de paix depuis bientôt un an. « Je me suis rendu à Mopti, dans le centre du Mali, et j’ai été attristé par les informations faisant état de graves violations et d’abus des droits de l’homme que subit la population du fait de jeunes gens radicalisés et armés. Ces derniers agissent contre les représentants de l’Etat, y compris les enseignants et les écoles, et contre les chefs traditionnels qui s’opposeraient à leur idéologie », a ajouté l’expert indépendant. « L’insécurité qui règne, en particulier dans le centre et le nord du Mali, prive les populations de la jouissance des droits de l’homme qui sont leurs chers, et entrave la reprise des services de l’Etat », a-t-il noté. « L’insécurité et l’absence ou l’insuffisance des services sociaux de base continuent à entraver le retour des réfugiés et des personnes déplacées qui veulent regagner leurs communautés dans les zones affectées par le conflit ». Cette situation souligne la nécessité de passer à une vitesse supérieure dans la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la réconciliation. « Il est la responsabilité primaire des signataires de cet Accord de procéder à une accélération dans le processus de paix. Ceci est nécessaire pour assurer le plein respect des droits de l’homme», a noté M. Baldo. « La situation sécuritaire au Mali nécessite une réponse robuste et décisive de la part du Mali, des pays de la région et de la communauté internationale », a déclaré l’Expert indépendant. « Sinon, la situation des droits de l’homme ne va pas s’améliorer comme il se doit et les populations du centre et du nord vivront dans l’insécurité physique et alimentaire ». Quant aux mesures que le gouvernement malien avait déployées pour lutter contre l’impunité pour les crimes graves commis dans le contexte de la crise depuis 2012 et jusqu’à présent, l’expert indépendant a noté avec préoccupation que de nombreux dossiers n’avancent toujours pas. Seules les affaires des bérets rouges disparus et la répression du contrecoup d’État, qui remontent à l’année 2012, semblent avancer. « Il ne faut absolument pas laisser un climat d’impunité s’installer», a-t-il insisté. M. Baldo s’est félicité du fait que le Mali s’est engagé sur la voie de la justice transitionnelle à travers l’établissement de la Commission Justice, Vérité et Réconciliation. En réponses aux questions des journalistes, M Baldo a insisté sur la liberté de la presse, sur la protection des magistrats, sur le rapport de la DDH-Minusma (division des droits de l’homme) sur les événements de mai 2014 à Kidal, sur la libération des prisonniers dans le cadre des mesures de confiance inclus dans l’accord et sur bien d’autres choses ayant trait au droit humain. Est-ce que le Mali n’est pas à la case de départ en matière de protection des droits humains et de la lutte contre l’impunité ? Selon Baldo, il est difficile de confirmer cela, car le Mali s’est engagé à lutter contre l’impunité et à rétablir l’état de droit. Le conférencier reconnait cependant des défis réels à surmonter dans le cadre de la lutte contre l’impunité. « Malgré les engagements pris par le chef de l’Etat et du gouvernement pour la lutte contre l’impunité, les progrès concrets restent encore à atteindre », a souligné l’expert indépendant.
Aguibou Sogodogo