Selon le rapport général du forum national sur la justice malienne tenu du 30 mars au 03 avril 1999, la constitution du pays représente un progrès considérable en matière de droits de l’homme, mais un décalage existe entre les principes proclamés et les réalités du terrain. Certaines détentions sont longues, les procédures judiciaires sont lentes et la notion de procès équitable, dans un délai raisonnable devant un tribunal indépendant, n’est parfois que lueur et leurre.
Les prisons maliennes regorgent d’effectifs pléthoriques sans distinction entre majeurs et mineurs, condamnés et prévenus. Les conditions de garde-à-vue sont déplorables, parfois il n’existe aucune distinction entre homme, femme et enfant ; et le dépassement des délais légaux est fréquent. Les principes comme la présence de l’avocat à l’enquête préliminaire, le droit pour le suspect gardé à vue de se faire examiner par un médecin de son choix, l’interdiction des sévices corporels ne sont pas toujours respectés. Les conventions internationales ratifiées par le Mali sont ignorées dans la pratique quotidienne de certains responsables ; les peines de substitution à l’emprisonnement ne sont pas suffisamment développées. Ces constats sont ceux du forum national sur la justice de 1999. Ils on suscité l’intérêt de certaines organisations non gouvernementales dont Envarts SOS Déshérité dont le président au Mali est Ousmane Ben Fana TRAORE.
Dans le cadre de sa politique de promotion et de protection des droits humains, l’ONG Envarts, soucieuse de l’état des droits humains au Mali, a initié depuis 2003 un Projet dénommé « Gestion Efficace de la Garde à Vue dans le District de Bamako ». Cette initiative a pour cadre stratégique la lutte contre la torture, les abus et le non respect des délais légaux de la garde à vue. Le Projet, en partenariat avec le Ministère de la justice et en collaboration avec le Ministère de la sécurité et de la protection civile, a enregistré un succès à l’endroit des populations, des prévenus et des officiers de police judiciaire chargés des enquêtes préliminaires.
Quelque 10 mois après la clôture de la première phase, une nouvelle phase semestrielle a été lancée depuis trois mois. L’exigence reste la prise en charge des agents chargés du projet de contrôle dans les brigades de gendarmerie et les commissariats de police. En effet, suite à l’arrêt de la première phase du projet, une délégation de commissaires et d’inspecteurs s’est rendue auprès de Envarts Mali pour signifier son désarroi face au recul constaté dans le respect des délais fixés par la loi en matière de garde à vue (48 h prorogeable à 72 h maximum) et l’assainissement de l’environnement juridique dans les commissariats et brigades. L’émulation créée par le projet entre commissariats avait créé une sorte de compétitions.
Selon Mohamadou Lamine CISSE, Secrétaire exécutif pour la région Afrique de Envarts et acteur clé de l’initiative, le projet a su créer un climat de confiance entre l’organisation et les services publics compétents. En effet, Envarts est l’une des premières organisations de la société civile malienne à organiser une formation à l’endroit des hauts cadres de la justice et de la sécurité sur les nouveaux textes de loi (Code Pénal, Code de Procédure Pénal, Minorité Pénale, Assistance Judiciaire, etc.). L’ONG Envarts a pour ce faire signé un protocole d’accord avec les deux ministères concernés. Dans ce projet à travers la collaboration avec les services de la police et de la gendarmerie, la mission de Envarts Mali se situait sur deux axes dont la vérification de la garde à vue pour assurer un rôle de protection, la promotion des droits humains et le recensement des besoins urgents de la police judiciaire.
Cette dernière action se présente comme un souci de trouver une réponse à la précarité des moyens services concernés par la garde à vue. La stratégie ainsi adoptée a permis de régler les problèmes de droits et d’apporter un soutien social pour résoudre les problèmes d’ordre technique et matériel. L’ensemble des commissariats de police et brigade de gendarmerie du District de Bamako ont été équipés en matériels informatiques avec l’appui d’un partenaire français, des sanitaires ont été construits à l’intérieur des cellules avec l’appui d’Ikatel et de l’Oms au bénéfice des prévenus.
Les interventions de Envarts ont été renforcées par la remise officielle du matériel doublée d’un protocole d’accord établi entre le projet, les commissariats de police et de brigade de gendarmerie ayant pour objectif l’appui, le respect des délais de la garde à vue. L’objectif recherché par le projet qui a été financé par le Pnud à travers l’Apdh est entre autres la vérification de la garde à vue, le recensement des besoins urgents de la garde à vue, l’évaluation des moyens de la police judiciaire. Selon les professionnels de l’administration judiciaire et de la sécurité, ce projet est un ouf de soulagement et sa pertinence mérite non seulement son extension à l’ensemble du pays dans le cadre d’une nouvelle phase.
Envarts Mali qui exerce au Mali depuis 1998 sous la bénédiction de Jimmy CARTER et de Amadou Toumani TOURE travaille dans ce secteur depuis plus 5 ans. Elle s’active à remplir des engagements sociaux en matière de droits humains, d’environnement, de santé, d’aide d’urgence, d’éducation de jeunesse et de culture.
Par Ibrahim SANGALA “