Notre arsenal juridique manque des dispositions permettant de réprimer les cas de violation des traités
La salle Kouma blow au Grand hôtel de Bamako abrite depuis hier une table ronde sur le Droit international humanitaire (DIH). Organisé par le Comité international de la Croix rouge (CICR), l’événement a vu sa cérémonie d’ouverture présidée par Modibo Poudiougou, conseiller technique au ministère de la Justice, en présence du chef de la délégation de l’organisation, Christoph Luedi. Pendant deux jours, les participants représentant plusieurs départements ministériels, les institutions de la République, les commissions nationales de lutte contre la prolifération des armes légères et des droits de l’Homme, l’Association malienne des droits de l’Homme, le Barreau, la Croix rouge malienne, la division des droits de l’Homme de la MINUSMA, l’Institut national de formation judiciaire, l’Université des sciences juridiques et politiques et le programme conjoint d’appui à la promotion des droits humains vont échanger sur plusieurs thématiques.
Au cours de la journée d’hier, Mme Coulibaly Kany Elisabeth Sogoba a présenté une communication sur le droit international humanitaire. Ensuite, l’ambassadeur Maïga a entretenu l’auditoire sur la participation du Mali aux traités DIH. A sa suite, Alexandre Faite a exposé sur la répression des infractions au DIH en général et sur le cas malien en particulier. Tous ces exposés ont été suivis de débats qui ont permis d’approfondir les thématiques abordées.
Aujourd’hui, la rencontre se penchera sur l’état des lieux et les mesures de mise en oeuvre exigées par les traités DIH. La communication sera traitée par Julien Tenenbaum, qui enchainera sur la structure de mise en oeuvre du DIH. Une séance plénière mettra fin à la table ronde. Au terme des travaux de deux jours, les participants devront s’attacher à la mise en oeuvre du DIH au Mali.
Rappelons que le DIH établit des règles précises qui cherchent à limiter les effets des conflits armés. Il est constitué des règles d’origines conventionnelles et coutumières qui, pour des raisons humanitaires, protègent les personnes qui ne participent pas ou plus aux hostilités et restreignent les méthodes et moyens de faire la guerre. Les principaux instruments du DIH, notamment les quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 et leurs deux Protocoles additionnels du 8 juin 1977, ont été acceptés par presque tous les Etats du monde, y compris le nôtre.
A travers son adhésion/ratification de ces traités, le Mali s’est engagé à respecter les obligations qui y sont inscrites. Une des principales obligations est l’adoption des mesures législatives de mise en oeuvre nationale de ces traités et le cas échéant, la création ou l’utilisation de mécanismes nationaux pour faciliter l’application et le respect du DIH.
Mais selon Christoph Luedi, la plupart des traités du DIH auxquels notre pays a adhéré, requièrent l’adoption des mesures législatives de la part des Etats membres, notamment des dispositions pénales, afin de doter l’arsenal juridique des Etats parties des instruments de répression contre les cas de violation de ces traités. Le Mali, bien qu’étant partie à la plupart des dispositions du DIH, n’a pas encore fait ce travail législatif. Or, les protocoles additionnels des Conventions de Genève, notamment en ce qui concerne le statut de Rome, prévoient des mesures de coercition permettant la répression au niveau national des crimes de guerre et autres infractions graves au DIH. Les législations maliennes sont très pauvres en instruments de répression en la matière. Le Code pénal définit uniquement comme crimes de guerre des actes commis en temps de conflit armé international (CAI), mais ne prévoit pas de crimes de guerre pour les mêmes actes commis en temps de conflit armé non international (CANI).
Signalons que ces insuffisances peuvent en partie expliquer la difficulté pour nos magistrats à juger les auteurs des crimes abominables commis par les djihadistes durant l’occupation.
A. O. DIALLO