«ATT a été contraint et forcé par l’extérieur… Mais, nous au Mali, nous devons pas nous laisser faire», a fulmine Chérif Ousmane Haïdara. S’il y a un sujet qui suscite aujourd’hui beaucoup de débat et de controverse, c’est sans nul doute la question de l’abolition de la peine de mort. Si les hommes de droit s’en félicitent, dans certains milieux politiques et surtout dans la communauté Musulmane, l’abolition de la peine de mort est jugée autrement en qu’elle instaurait au Mali un cycle de l’impunité.
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Dans les propos qui suivent, Chérif Ousmane Haïdara nous pousse à la réflexion sur le sujet. Il lève l’amalgame entre laïcité et peine de mort. Mieux, le prêcheur soutien mordicus que l’abolition de la peine de mort est anti-Islamique. Il s’est dit convaincu qu’ATT a les mains liées, qu’il a été contraint et forcé pour faire passer cette loi.
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Depuis quelques jours l’abolition de la peine de mort est au devant de l’actualité nationale. Les Musulmans et certains partis d’obédience Islamiques ont été les plus virulents dans leurs prises de position. A votre niveau, quel regard portez-vous sur l’abolition de la peine de mort ?
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Chérif Ousmane Haïdara : Je rends grâce à Allah Le Miséricordieux, Le très haut. Il est effectivement vrai que, depuis que les autorités de la république ont pris la décision d’abolir la peine de mort, nous ne sommes pas demeurés en reste. La Communauté Musulmane s’est mobilisée à travers l’Umama et le Conseil Islamique (organisations religieuses) pour dégager une position commune par rapport à cette question. Nous avons été suivis, peu après par les notabilités de Bamako. Ensemble et de commun accord, nous avons approché les plus hautes autorités du pays, pour leur demander de suspendre, disons d’arrêter la procédure en cours. Je crois savoir jusque là, on nous a écouté. Puisque le projet est encore en discussion. On a fait la remarque au cours de notre rencontre avec les décideurs, de tenir compte non seulement de la question religieuse mais aussi des pesanteurs sociaux de notre pays.
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Dans la Constitution malienne, il est dit que la personne humaine est sacrée. Qu’est-ce qui peut être révoltant dans l’abolition de la peine de mort ?
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Il est tout a fait normal que les Musulmans se sentent plus concernés et touchés par cette question. L’Islam, à titre de rappel, est basé sur les prescriptions du Saint Coran. L’abolition de la peine de mort va à l’encontre du contenu du livre Saint. Vous conviendrez avec moi que tout ce qui conteste ou va contre un quelconque passage du livre révélé par Mahomet est anti Islamique.
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Dans le Coran, il est indiqué que quiconque ôte délibérément et de façon volontaire l’âme d’une personne, commet un meurtre. Cependant, tout meurtrier est puni proportionnellement au crime commis. Quand on tue, on sera à son tour tué. Là-dessus, il y a rien à redire.
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Lorsque nous nous replongeons dans le passé, nous nous rendons compte que le meurtre, jusqu’à une date fort récente, n’était pas inscrit dans les habitudes du Malien. C’est seulement tout récemment qu’on assiste à une recrudescence du banditisme. A titre d’exemple, lorsque je revenais de mon dernier voyage du Burkina Faso, arrivé à Koutiala, on m’a proposé des gendarmes pour m’escorter, moi et ma délégation de Koutiala à Ségou. C’était la nuit. Mes convoyeurs m’ont fait comprendre que l’insécurité a pignon sur rue sur cette voie je n’en revenais pas du tout. Aussitôt, j’ai vite mesuré l’ampleur de l’insécurité dans notre pays. C’est vous dire donc si jamais, on abolit la peine de mort, on ne finira pas de compter les morts. Les criminels s’en donneront à cœur joie. Lorsqu’on peut tuer sans s’être inquiété, quel type de société allons nous bâtir pour le futur. La peine de mort est dans les textes depuis toujours, mais la dernière exécution publique date d’une vingtaine d’années. La loi est faite pour dissuader. Il faut que le meurtrier puisse à tout moment se convaincre qu’il y a une loi pour l’arrêter. Il réfléchit à deux fois avant d’agir. L’ancien président Moussa Traoré avait fait arrêter et tuer publiquement des coupeurs de tête. C’était entre 19983-19984. Depuis, personne n’a entendu parler des tueurs de cette série. Il ne faut pas que l’Etat entretienne et encourage le crime.
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Le Mali est un pays laïc. Sachant alors que nous ne sommes pas un Etat islamique qu’est-ce qui peut, à votre sens, susciter autant de débat du coté des réligieux ?
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J’ai suivi avec intérêt à la télé et sur les ondes des radios de la place, les interventions d’éminentes personnalités du pays, des hommes de droit et des politiques. Les hommes de droit ont brandit la question de la laïcité comme un argument pour l’abolition de la peine. Une façon pour eux de nous faire entendre que le sujet sort du cadre de l’Islam. Je crois savoir, que l’abolition d’une peine de mort n’a rien à voir avec la laïcité.
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La laïcité de façon simple, voudrait signifier que nous sommes citoyens du même pays, bénéficiant du même statut et des mêmes avantages sans considération ethnique ou religieuse. Ici de quoi est-il question ? Il s’agit de faire preuve de bon sens, et comprendre enfin que, dans les susceptibilités sociales, dans les rapports qui régissent les uns les autres, il est impensable de faire admettre une telle loi. Allah sait ce qui est bien pour ses créateurs. Il ne saurait se tromper et ne se trompera jamais.
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A titre de compréhension par exemple, si ce sont des Musulmans qui décident de sévir contre les maisons de passe, on leur fera comprendre encore que le Mali est un pays laïc. Par contre si c’est le gouvernement qui avait décidé que tous les fidèles consomment de l’alcool, notre réaction serait immédiate pour dire que l’Islam ne l’autorise pas. J’en appelle aux autorités pour qu’elles fassent vite la déduction avec cette abolition de la peine de mort.
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En Islam quand est-ce qu’on peut parler de peine de mort ?
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Lorsque la mort est survenue accidentellement, comme par exemple, accident de circulation, dans le Coran, les textes prévoient des circonstances atténuantes pour l’auteur. Celles-ci varient et se ramènent le plus souvent pour le coupable au versement à la famille de la victime du prix de l’âme. Lorsque nous sommes en face d’une situation de meurtre, une fois les responsabilités situées, le meurtrier est à son tour tué. C’est ce que dit le Coran.
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Qu’est-ce peut, selon vous, motiver la décision de nos autorités d’abolir la peine de mort ?
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Le président de la république en personne n’a pas pris cette décision de gaîté de cœur. Il y a été contraint. Par qui ? Par l’extérieur. Il est beaucoup plus à l’écoute des partenaires de l’extérieur que de ses concitoyens de l’intérieur. Il appartient à tout un chacun, à quelques niveaux que ce soit, de faire en sorte que cette exigence de l’extérieur ne passe pas. Nos décideurs sont sûrement impuissants face aux partenaires, mais nous, à notre niveau, nous ne devons pas nous laisser faire.
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Vous a-t-on approché, c’est-à-dire vous les leaders religieux de l’Umama et du Conseil Islamique avant que le chef de l’Etat ne se prononce sur la question ?
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Ni l’Umama, ni le Conseil Islamique n’ont été approché. Mais pour ce qui me concerne, j’ai été invité l’année dernière par les élus au cours d’une réunion restreinte d’une dizaine de député à l’hémicycle pour éclairer leurs lanternes. J’ai fait ressortir les aspects et arguments qui font que le Mali ne peut pas abolir la peine de mort. Ils m’avaient compris. Cela va-t-il payer pour le cas présent, je n’en sais rien.
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– La marche de l’Unpr a été interdite par le gouverneur de Bamako, mais on n’a pas senti la communauté musulmane derrière Modibo Sangaré. Qu’est-ce qui s’est passé ?
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Chérif Ousmane Haïdara : Nous avons pris connaissance de cette marche. C’est une formation politique qui l’avait initiée. Elle avait invité ses militants, qui ont été rejoints par quelques fidèles Musulmans. Le président de ce parti ne nous a pas sollicité. Même s’il l’avait fait, il aurait été difficile que les leaders religieux le rejoignent. Puisque nous avions déjà à l’issue de notre réunion à la grande mosquée arrêtée une décision. Nous étions tenus donc de la respecter. C’est-à-dire que les discussions sont en cours avec les autorités. Nous entendons avoir gain de cause inchallah.
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Votre mot de la fin ?
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Aux hommes de droits, je comprends leur position, mais je les invite souvent à associer la connaissance des textes religieux dans leur combat. Pour ce qui concerne ATT et son équipe, je leur demande souvent de prendre conseil auprès des religieux Musulmans et Chrétiens, auprès des autorités coutumières pour certaines décisions. Ça pourra beaucoup les aider dans l’avenir. Il y va de la stabilité dans ce pays. Nous ne sommes ni politiques ni du nombre des décideurs, mais nous sommes pour la paix dans ce pays. Que le bon sens prévale !
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Propos recueillis par Abdoulaye DIARRA
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Notre commentaire
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Le président ATT aurait voulu nous divertir qu’il ne s’en serait pris autrement. Sa décision de soumettre l’abolition de la peine de mort à débat devant la nouvelle assemblée nationale du Mali continue de faire des vagues. Au sein même de l’hémicycle d’abord où nombre d’élus ne savent plus où donner de la tête. Dans leur embarras, ils pensent que le président ATT, qu’ils soutiennent par ailleurs, devait les convier à un débat plus utile pour le Mali que celui de l’abolition de la peine de mort. Celui que nous avons invité à se prononcer sur la question est un exégète émérite, membre avisé des instances de décision de la communauté musulmane du Mali et enfin un prêcheur connu et écouté de tous. Il s’agit de Ousmane Madani Haïdara qui, en plus, a eu l’honneur et le privilège d’être invité par les députés sur la question de l’abolition. Il s’est dit convaincu que cette décision d’abolir la peine de mort a été imposée de l’extérieur au président ATT qui lui, n’a même pas jugé nécessaire d’aviser les Maliens avant de se prononcer pour. De son avis de chef religieux, « il appartient à tout un chacun, à quelques niveaux que ce soit, de faire en sorte que cette exigence de l’extérieur ne passe pas ». Que donc la loi sur l’abolition de la peine de mort, imposée par l’extérieur à notre président ne passe pas, parce que simplement « nous, à notre niveau, nous ne devons pas nous laisser faire. », a dit Ousmane Madani Haîdara. On ne peut être plus clair dans un débat qui fera certainement date dans notre pays.
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Mais il est important de noter que les autorités religieuses maliennes, à l’issue de leur rencontre, ont pris l’option du dialogue et de la concertation. Ce qui n’entame en rien leur conviction exprimée ici par Ousmane Madani Haïdara qu’« Il ne faut pas que l’Etat entretienne et encourage le crime. » En terme clair, la communauté musulmane du Mali a demandé expressément aux autorités de surseoir à la décision de l’abolition. Et elles attendent voir la suite qui sera réservée à cette sollicitation.
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A. DIARRA
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