50 ans de violation des droits de l’Homme au Mali – ATT : la guerre déclarée aux journalistes, la gouvernance unilatérale et la corruption galopante

0

L’homme du 26 Mars est la synthèse de tous les régimes qui se sont succédé au Mali. Il est aussi le dépositaire de leur héritage, notamment au plan de la violation de l’Etat des droits humains.

Amadou Toumani Touré est l’enfant de Modibo Kéïta, le petit cousin de Moussa Traoré et l’alter ego de Alpha Oumar Konaré. Il est le point de rupture (mais aussi d’union) entre la dictature civile et militaire et le régime démocratique (mi-civil, mi-militaire et pas franchement protecteurs des droits de l’Homme. Le locataire actuel de Koulouba a des liens personnels, organiques et des valeurs sociétales avec les trois anciens dirigeants maliens. Il n’a pu se libérer d’aucun d’eux, mais, pour parler local, ‘’une  chose qui a plusieurs propriétaires n’appartient à personne’’.

 

Le général de brigade d’aujourd’hui a gouverné la Transition avec des civils de tout poils, gère son premier mandant en indépendant ‘’unanimiste’’ et mené la barque de son second avec un soupçon de saupoudrage d’opposition édulcorée sans goût,  sans saveur et sans piquant. S’il n’appartient à personne, en retour personne ne lui appartient. La preuve ? A chaque fois  qu’il a eu un coup dur, il a dû se débrouiller tout seul. Ça été le cas lorsque les hooligans ont incendié et saccagé tout Bamako, toute une nuit, après une défaite des Aigles au «  26 Mars », personne n’a bougé pour sauver le pouvoir qui était réellement menacé. Idem pour les évènements qui ont suivi pour l’adoption du code de la famille…

Ceci est une curiosité incompréhensible pour quelqu’un et le trait d’union de 50 ans de suite de chef d’Etat.

Quel lien en fait a-t-il avec chacun d’eux ?

 

A son accession au pouvoir, Modibo Kéïta voulait détruire la société malienne existante et la reconstruire selon le modèle du ‘’socialisme scientifique’’ comme il disait lui-même. Pour arriver à cette fin, il avait entrepris mille et une initiatives. Parmi eux, selon une source absolument autorisée, le choix de dix gosses sur l’ensemble du territoire pour être la semence de demain. Parmi eux, un certain Amadou Toumani Touré qui est un vrai enfant du RDA. C’est sous la lumière de cette appartenance qu’il faut comprendre, entre autres, son souci de raviver la flamme du mouvement ‘’Pionnier’’. A noter qu’en plus de cela, ATT se réclame aussi de l’héritage PSP.

Sous le pouvoir kaki, le Lieutenant Amadou Toumani Touré a fait partie des geôliers des prisonniers politiques détenus dans les mouroirs du Nord, avant de devenir, plus tard, une ‘’souris’’ de palais présidentiel. ATT aurait eu des relations très fortes avec la famille de Moussa Traoré et plus particulièrement de ses entrants à l’éducation desquels il aurait contribué. Il est à parier que GMT attendait un coup d’Etat de tous sauf du lieutenant colonel Touré qui était chez lui, dans ses murs. En effet, lorsque quelqu’un est payé pour veiller sur votre sécurité, que vous l’adoptez comme partie de votre famille, alors vous êtes surpris de certaines choses.

Le plus chanceux

 

Avec les Alpha Oumar Konaré, Dioncounda Traoré et compagnie, ATT a commencé par avoir un des rapports les plus complexes (par les liens intimes qu’il crée), celui de geôlier à prisonniers. Les psychologues ont consacré beaucoup de recherches à ce type de rapport de proximité qui produit un drôle de ciment entre des briques qui ne se sont pas choisis, qui, à priori, sont ennemis et qui finissent par fusionner. Au passage, notons que le premier des ‘’Abeilles’’ a expliqué en 2007 qu’ils avaient endoctriné ATT durant leur détention et que le candidat ATT détenait une carte de l’Adema, depuis lors. Il n’y a jamais eu de démenti, donc ‘’qui sait consent’’.

 

Le natif de la Venise malienne est donc à lui seul la chaîne dont Modibo, Moussa et Alpha ne sont que des anneaux. Mais en plus d’être du début à la fin (durant 50 ans) d’être la soudure mais aussi la rupture, ATT est le plus chanceux parmi les quatre.

 

Modibo Kéïta a accédé au pouvoir après une détention au Sénégal. Il a instauré un régime de fer qui a fait fuir ou douter son entourage. Nous avons eu à traiter ses piétinements dans les numéros 72, 73 et 74 du Le Matin. Et Jean-Marie Koné, l’empereur de Sikasso (un homme d’exception auquel l’histoire du Mali n’a accordé aucune ligne est le symbole de rejet de Modibo par ceux-là même qui l’avaient adulé et soutenu. Modibo a gouverné dans le sang, la terreur et la paranoïa et il a fini dans la désolation.

 

GMT a pris le pouvoir (avec des paires desquels il a dû batailler dur) au péril de sa vie. Il a été à son corps défendant l’écho de la répression mis au monde par son devancier : un héritage lourd à porter et qui l’a conduit à sa perte. Il est heureux d’être en vie. C’est Alpha Oumar Konaré qui aurait dû siroter du miel pur dans les fontaines du pouvoir. Il est le premier à accéder par le vote à Koulouba et aurait pu donner à la démocratie, de la chaire, (la bonne,) de l’os, (du solide) et du sang (celui qui coulerait dans les veines du Mali pour le vivifier. Au-delà de cela, son désir d’être seul aux commandes du pouvoir absolu l’ont dérivé sur les rivages des piétinements des droits de l’Homme (voir à ce sujet les trois précédents numéros du Le Matin).

 

ATT a, lui aussi, accédé à Koulouba par voie démocratique et du haut de toute l’expérience accumulée par ses prédécesseurs. En plus il était un militaire qui avait connu le coup d’Etat (en tant que faiseur), un ex-président transitaire et un candidat soutenu comme dauphin par celui qu’il allait remplacer.

 

Il avait donc toutes les cartes en mains pour gouverner dans la quiétude (dans la mesure où cela est possible) dans la démocratie et le fair-play. Une fois élu, l’Assemblée Nationale était à doter en députés (les africains ont pris l’habitude d’inverser l’ordre normal des choses : ils se font élire d’abord président et ensuite élire les députés en tant que maîtres de la situation).

 

Pour aller à Koulouba, ATT a dû affronter le candidat de l’Adema, Soumaïla Cissé, qu’il a battu avec le soutien (sans lequel les choses auraient tourné autrement) de ‘’Alternance 2002 de IBK, Choguel K. Maiga, Me Mountaga Tall et les autres. La logique aurait voulu que ce soit cette coalition qui donne au Mali un Premier Ministre ; en l’occurrence IBK. Le nouveau pensionnaire de Koulouba avait toute une autre idée. Au second tour des législatives, il restait sept ou huit sièges à conquérir dans le Kénédougou et une autre au Nord.

Les mauvaises langues ont soutenu le fait que ATT ait dépêché une équipe de campagne dans les deux points de vote pour barrer la route à ‘’Alternance 2002’’. Il a argué ensuite comme suit : personne n’a la majorité absolue à l’AN, donc je ne donne pas à ‘’Alternance 2002’’ la charge de fournir le PM qui aura à former un gouvernement. Il a lui-même composé un gouvernement qui fait la part belle au Mouvement Citoyen (une association sans point électoral) et l’ADEMA, qu’il avait battu au final et qui devait aller à l’opposition. ‘’Alternance 2002’’ a été ‘’bolo la son’’ en ministre et dans des conditions qui marginalise les partis.

C’est mal parti !

L’esprit de la démocratie et du jeu démocratique venaient d’être souillés dès le départ et les observateurs avisés ont décidé et déclaré que ‘’c’est mal parti et il n’y a pas d’espoir’’.

 

Le général a aussi le tour de force d’instaurer l’unanimisme qui est la négation de la démocratie et du droit du peuple à avoir un contre-pouvoir ; l’opposition. C’est le pouvoir absolu par les moyens doux. C’est la liberté. Celle de ‘’manger’’ sans être inquiété et, de faire ce que l’on veut. Notre confrère Hamidou Diarra dit ‘’DRAGON’’ de Radio Klédu a cru à la liberté d’expression et mal lui en a pris. Il se fut enlevé par un escadron de la mort (venu on ne sait où) en pleine journée, transporté sur les collines isolées et battus à mort. Heureusement, le bougre est solide : il était mort sans être mort en vérité.

 

On n’a jamais su s’il y avait eu des enquêtes, on n’a jamais su si les auteurs ont été recherchés et on n’a jamais su s’il y a des suites. Tout ce que l’on sait, c’est que depuis, ‘’DRAGON’’ donne la critique sociale des citoyens.

 

Et puis, Info-Matin a un jour sorti un article sur sujet de dissertation donné aux lycéens par leur professeur : « la Maîtresse du président ‘’. L’histoire est ancienne et est l’œuvre de notre Censeur Hama Diallo qui écrit des nouvelles, des pièces de théâtre et autres contes. ATT a cru qu’on le visait et personne dans son entourage n’est apparemment connaisseur en littérature et en écrivains maliens.

 

Le professeur (Bassirou Kassim Mintha) est arrêté. Quatre directeurs de journaux sont arrêtés. Seydina Omar Diarra, l’auteur de l’article a été arrêté. Tout ce beau monde fut jugé et jeté en prison. La manifestation qui l’a suivi a été réprimandée et Ibrahim Famakan Coulibaly, le président de l’Ujao (Union des Journalistes de l’Afrique de l’Ouest) fut gazé et ramené en réanimation à l’hôpital Gabriel Touré. Heureusement pour lui qu’il était très solide, sinon…

 

Il n’est pas du tout rare que la sécurité d’Etat (la police politique) passe des coups de fil à un journaliste pour lui montrer le carton jaune. Un ou des auteur (s) ont écrit un livre intitulé ’’Attcratie’’ : le règne d’un homme et de son clan. Ce bouquin est introuvable au Mali et des fins limiers ont été lâchés aux trousses du ou des auteur (s). Depuis, nous avons tous été frappés d’amnésie sur le sujet.

 

Quant à la corruption, le clientélisme et l’impunité, nous sommes aujourd’hui champions. La gabegie se pratique à ciel ouvert. Gare à celui qui est faible, car, ‘’Bè bi ba bolo’’ c’est-à-dire chacun pour soi et Dieu pour tous. Le Vérificateur général a détecté des malversations durant les cinq dernières années. Les sommes et les auteurs sont connus, mais rien.

 

En ce qui concerne le mode de gouvernance du pays, il est à déplorer que le peuple n’est pas assez associé au choix du parcours sur lequel on veut le conduire. Il n’est pas informé sur les intensions du pouvoir. Un exemple pour mieux éclairer ce point : la confection et d’adoption de code de la famille. Il aurait été génial que le candidat ATT nous dise en 2007 : « je suis élu, je ferai adopter un code qui va accorder des droits à telle ou telle catégorie de la population». Au lieu de cela, nous avons pris connaissance de la chose après les problèmes d’après adoption du texte par l’AN.

On peut dire que ATT a trouvé le chemin tellement facilement, un chemin bien aplani, qu’il dût lui-même se créer des problèmes. Le tabassage de Dragon et l’emprisonnement des journalistes étaient évitables.

Pour conduire, ATT a eu une autre chance

En effet, les épouses de nos chefs d’Etat africains ont souvent attiré des problèmes vers leur mari. Lobbo Traoré est une bonne exception qui confirme la règle. La dame est naturellement bonne et généreuse. Sage-femme à Dar Salam avant de grimper sur la colline du pouvoir, elle a laissé des traces impérissables. Les témoignages s’accordent pour dire qu’elle était dévouée à toutes les femmes en couche sans distinction de pauvre ou de riche.

A elle seule, elle fait adhérer à la cause d’ATT autant de Maliens et de Maliennes qu’une armada de politiciens. La Première dame est simplement une grande dame ; contrairement à bien d’autres en Afrique et dans le tiers monde.    

 

                                                                                                     Amadou Tall

 

Commentaires via Facebook :