La lutte pour l’autonomisation des femmes tarde à porter ses fruits parce que celles-ci continuent à être victimes de pesanteurs socio-culturelles. Ce retard dans la réussite de cette lutte relève en grande partie de la mauvaise organisation de ce combat qui se mène dans l’exclusion des couches les plus opprimées : les domestiques et les femmes rurales. Sans une prise en compte de toutes les couches, ce combat peinera à réussir.
Aucun combat ne peut réussir dans l’exclusion de certaines couches. La lutte des femmes pour l’autonomisation est certes un combat noble, mais difficile d’être de réussir, parce que mal partie. Nous avons l’impression que cette question de droit des femmes n’est que le droit des « grandes dames » ou des femmes intellectuelles dans l’exclusion des véritables opprimées que sont les femmes rurales et les servantes. C’est d’ailleurs ce qui constitue la manière de penser de beaucoup de ces femmes rurales. Aichata Traoré, vendeuse, parlant du 8 mars : « Cette fête n’est que celle des grandes dames. Nous, nous ne savons pas ce que veut dire 8 mars. » . Cette couche rurale qui souffre de toutes les formes de discriminations ou de violences ne se voient aucun recours parce qu’ignore l’existence d’un combat pour leur libération. Dans ces zones, on peut passer des années sans entendre parler de droit de femme. Or, c’est dans ces coins de brousses que la gent féminine continue de subir le poids des pesanteurs sociales, culturelles, voire religieuses. La jeune fille est donnée en mariage bien avant ses quinze ans comme us a laissé entendre cet enseignant de la région de Kayes sous couvert d’anonymat. Aux dires de ce dernier, il est courant dans cette région de voir des jeunes filles de douze à 14 ans données en mariage. Il a lui-même dû se battre corps et âme contre le mariage précoce d’une de ses élèves de 14 ans en vain. Dans ces zones, la santé de la femme n’est pas bien assurée parce qu’elles continuent de mourir en donnant naissance par faute d’hôpitaux.
Ces cas sont fréquents dans ces zones reculées. Il faut être un étranger des zones rurales du Mali pour ne pas savoir que la femme continue d’être regardée comme simple reproductrice. L’éducation lui ayant été refusée pour raison de mariage précoce, elle est appelée simplement à s’occuper de la famille. Pire, les petites activités de maraîchage, d’agriculture, d’élevage qu’elle mène, servent en grande partie à couvrir des charges familiales ou reviennent au mari qui convole en justes noces au lieu de faire face aux frais de condiments. C’est le cas de Maimouna Ouattara, ménagère à Yolla. Elle cultive pendant l’hivernage, fait le jardinage pendant la saison sèche, exerce de petits commerce d’arachide, pour subvenir à ses besoins et souvent de ceux de son mari, nous confie-t-elle avant de préciser que malgré tous ceux-ci, son mari continue de la violenter malgré son âge avancé. Combien de femmes sont dans ces conditions dans les zones rurales du Mali ? Dans ces coins de brousse, la femme continue de subir les coups de fouet du mari, l’excision ne constitue aucunement à leurs yeux une pratique condamnée.
Pour faire bref, le droit des femmes n’existe que dans les zones urbaines. Les femmes des zones rurales n’ont pas connaissance de cette lutte. Cela relève de la désorganisation de la lutte menée par ces dames intellectuelles qui aimeraient sûrement maintenir ces illettrées dans leur situation et se profiter également d’elles. En effet, qu’en est-il de la situation des servantes que prennent des « grandes dames » pour leurs travaux ménagers ? A ce niveau nous pouvons prendre l’exemple su Aissata Kanabaye qui a été victime d’une proche de sa patronne.
Ces domestiques bien qu’étant des femmes sont exclues de leur catégorie parce que subit tout genre de violence de la part de leur patronne. Elles sont frappées, mal payées, et pourtant travaillent plus de 8 h. Celles-ci ne connaissent même pas de 8 mars ou de dimanche. Tous ces travaux pour 7500 ou 10 000 FCFA. Cette femme qui a versé de l’eau bouillante sur sa servante en 2018 a défrayé toute la chronique malienne. Or, ces genres de violences femme à femme sont courants. Dans cette désorganisation, il serait difficile de voir cette lutte porter ses fruits. Toutes les femmes doivent être engagées. Pour ce faire, il faut aller à la rencontre des femmes rurales afin de les imprégner du combat. Cela doit être de même pour la situation des domestiques. Il est temps de sortir des discours bureaucratiques, des assemblées d’intérêts pour faire face à la réalité.
Fousseni TOGOLA